vendredi 31 juillet 2015

La Lune retourne au Chaos Primordial

Greg Stafford annonce que Moon Design, la compagnie qui avait repris les droits de Glorantha, d'Heroquest et de Runequest, est réabsorbée pour aider Chaosium dans ses problèmes de Kickstarters (sur Call of Cthulhu 7 par exemple).

Shannon Appelcline va devoir encore faire une remise à jour de son histoire de Chaosium...

dimanche 26 juillet 2015

Superman contre l'Argent qui Dort


Rand ne sortira qu'en 1957 son Atlas Shrugged (sécession de la Plèbe inversée où les riches se retirent dans un refuge pour oligarques pour faire comprendre qu'on ne peut rien faire sans eux - on se demande comment leurs brevets les font vivre seuls sans travailleurs) mais dix ans avant, juste avant la vague montante de McCarthysme, DC avait déjà publié une parodie par anticipation Il s'agit de "Journey into Ruin" dans Action Comics #107 (avril 1947), avec une morale qui pourrait presque s'interpréter comme une fable contre la financiarisation de l'économie.

Wilbur Wolfingham, un escroc récidiviste (apparu pour la première fois dans Superman #26, janvier 1944), a réussi à faire croire à quatre millionnaires qu'il pouvait les endormir pendant 25 ans (jusqu'en 1972) et les réveiller ensuite sans qu'ils aient vieilli. L'idée est alors qu'ils se seraient enrichis simplement en dormant par les intérêts de leur fortune déposés pendant la période de leur léthargie. L'escroc ne les a endormis que pour quelques heures et il avait l'intention de partir avec l'argent mais Superman décide de donner une leçon aussi bien au fraudeur qu'à ses victimes. Superman l'endort avec eux et construit un décor artificiel en engageant des figurants. Il leur fait croire que tout a été dévasté par ce procédé où tout le monde a voulu les imiter et où plus personne n'a travaillé. Sans le travail, tout s'est écroulé et ils se réveillent donc dans un monde en ruines.

(Superman âgé de 25 ans en plus)


Cependant, il ne faudrait pas projeter une critique anachronique sur cette histoire de 1947. La fin s'attaque certes à l'irresponsabilité de certains riches oisifs mais le thème reste celui d'un éloge puritain du travail. Le scénariste est un certain Don Cameron (1905-1954 - à ne pas confondre avec l'éditeur communiste qui sera accusé d'avoir censuré Orwell) et il aura plus de notoriété par la suite par un article plus McCarthyste, un reportage sur les Communistes dans les syndicats.

samedi 25 juillet 2015

La fin de GURPS Traveller

Après 17 ans, GURPS de Steve Jackson Games ne renouvelle plus la "licence" de Traveller. Dommage, en dehors de l'adoption du système Impérial à la place du métrique, j'avais de bons souvenirs de certains de leurs suppléments. Mongoose va probablement laisser mourir sa license bientôt et on n'aura bientôt plus grand chose en dehors de l'injouable T5.

jeudi 16 juillet 2015

Different Worlds #4 (août-septembre 1979)


La couverture est de Paul Jaquays, qui me semble adopter ici un style plus humoristique à la Vaughn Bodé.

L'éditorial de Tadashi Ehara se plaint que les jeux de rôle n'aient pas été très "innovateurs" en 1979 alors qu'il y avait encore de nombreux genres qui n'ont pas été couverts. Il cite notamment l'espionnage (genre archi-utilisé depuis, de James Bond à Wilderness of Mirrors) et les Indiens d'Amérique (existe-t-il encore aujourd'hui un bon jeu sur ce thème en dehors des Westerns ?).

"Selling Your Game Design: Games To Gold" Rudy Kraft (p. 4-6)
Une liste des compagnies qui acceptent des propositions de nouveaux jeux avec quelques conseils pour se faire publier (en n'oubliant pas de faire copyrighter le jeu d'abord).
Un détail qui me fait rire est que FGU répond qu'ils publieront à peu près n'importe quoi dans tous les genres, à part des suppléments pour leurs jeux qu'ils laissent à Judges Guild. C'est un modèle économique qui ne s'est absolument pas maintenu, même avec l'Open Gaming License. L'idée qu'une compagnie de jeux ne fasse que la "base" et refuse de faire vivre son jeu ensuite paraît presque suicidaire rétrospectivement. A l'inverse, Judges Guild fait un choix intéressant en cherchant à n'être que la compagnie de tous les suppléments pour tous les jeux dont ils obtiennent une licence (aussi bien D&D qu'Empire of Petal Throne, Superhero 2044TravellerRunequest ou plus tard DragonQuest). La coupure jeu/supplément fait un peu penser à celle entre hardware et software et la suite a donné raison aux compagnies se spécialisant dans le software. Quand Judges Guild avait proposé à TSR de faire des suppléments D&D, ils obtinrent les droits parce que Gygax n'avait pas encore deviné le marché que cela représenterait. Mike Mornard raconte que Gygax avait été surpris que les joueurs soient prêts à payer pour des scénarios au lieu de les écrire eux-mêmes.

"Beginner's Brew: Mastering Your First Adventure" Charlie Krank (p. 7-8)
Il faut bien connaître les règles et bien préparer ses premiers scénarios avant ensuite d'apprendre à plus improviser. Il faut aussi penser aux conséquences à long terme dans la jurisprudence quand on interprète les règles et ne pas déséquilibrer le jeu en donnant trop vite des pouvoirs disproportionnés. Il faut faire un débriefing après le scénario pour savoir évoluer et apprendre de ses erreurs.

"A Star Trek Scenario Report: Kirk On Karit 2" Emmet F. Milestone (p. 9-11)
Une ébauche de scénario joué en convention DunDraCon pour le jeu Star Trek (1978) de chez Heritage (par Michael J. Scott) qui utilise comme adversaires les Dreenoi de Star Guard!.
Cela se termine par une règle de "Romance" pas inintéressante pour simuler les scènes où Kirk tombe amoureux d'une nouvelle femme dans chaque épisode et tente de la séduire. Different Worlds #18 aura un nouveau supplément (par Paul Crabaugh) pour le même jeu, qui sera quasiment l'unique extension de toute son histoire.

"Enchanted Weapons Table" John T. Sapienza, Jr. (p. 12-25)
Des pages et des pages de tables de génération aléatoire d'armes à la place de celles du Dungeon Masters Guide. Je ne vois guère qu'un aspect original : on tire aussi la couleur et la forme décorative de l'arme (par exemple, pommeau en forme de chat). On pourrait s'étonner qu'ils aient gâché 35% de ce numéro sur cela (et les articles de ce genre par Sapienza vont continuer encore assez longtemps) mais le DMG ne paraît justement que pendant ce mois d'août 1979 pour la GenCon XII. Et dans le courrier des lecteurs de DW n°6, Greg Stafford, lecteur charitable, écrira que l'article, bien que prévu pour D&D, lui a donné des idées pour sa campagne de Runequest/Heroquest.

Quick Plugs (p. 25 + p. 33)
Quelques annonces de nouvelles parutions, dont Villains & Vigilantes et Snakepipe Hollow. Mais un petit détail est un livre obscur pour D&D baptisé GM1 T.H.E. NPC, un livret de règles pour "générer des choix de PNJ", co-écrit par un certain "L.W. Willis" chez Martian Games (compagnie du Texas). J'imaginais que ce devait être le même que Lynn Willis, qui avait déjà publié plusieurs wargames chez Metagaming (1976-1979) et qui était rédacteur adjoint de Different Worlds mais dans ce cas, il semble étrange de ne pas le dire. Lynn Willis deviendra l'un des principaux auteurs de Chaosium, pour Basic Role-Playing et Call of Cthulhu.

"The Way of the Gamer: A Perspective on Role-Play" Stephen L. Lortz (p. 26-28)
Ces articles de Stephen Lortz dans DW sont parmi les premiers à tenter une "théorisation" du jeu de rôle. Ils ont donc assez mal vieilli mais il faut aussi se souvenir qu'il était alors un pionnier.
Lortz développe ici ce qu'il avait déjà expliqué plus informellement dans l'article My Life & RPGs du n°1. Il se demande pourquoi le jeu de rôle comme "récréation pour adultes" est un phénomène si récent. Il oppose les deux sources du XXe siècle que sont la formalisation du jeu de rôle (dans la thérapie du psychodrame de Jacob Levy Moreno ou dans la sociologie) et les origines ludiques dans le wargame de figurine.
Raymond Corsini dans Roleplaying in Business and Industry (1961) distingue 4 sens au jeu de rôle :
(1) théâtral (suivre un texte prédéterminé), (2) sociologique (le comportement socialement structuré), (3) de dissimulation (tenter de se faire passer pour ce qu'on n'est pas. (4) éducatif (où les participants s'engagent dans un rôle pour en tirer des informations ou une formation ("entraînement à la réalité"). Or dans ce dernier sens, le jeu de rôle n'informe pas seulement sur le rôle "objectif" dans lequel s'insère le joueur mais aussi sur ses propres perspectives "subjectives" s'il était inséré dans un tel rôle.
Le jeu de rôle ludique pour adultes est récent même si les conditions de narration et de jeu étaient présentes depuis longtemps (et si les enfants ont toujours eu des formes de jeu de rôle avant la formalisation de cela). La réponse de Lortz, qui me paraît un peu trop spéculative mais est intéressante, est que ce type de jeu n'a pu apparaître que dans une culture au changement technologique rapide et seulement à partir du moment où le rôle social est suffisamment indéterminé pour qu'on en arrive à interroger sa perspective subjective sur le rôle. Le jeu de rôle serait donc nécessairement moderne en ce sens.
Lortz ajoute ensuite une histoire de toute la métaphysique occidentale d'inspiration vaguement whiteheadienne : la science moderne aurait rompu avec un point de vue absolutiste issu de la théologie et de la vision du monde newtonienne, et nous serions dans un état de crise de nos référentiels qui rendrait possible le jeu de rôle. Nos rôles sociaux se transforment de manière continue assez rapidement pour que cela devienne une nécessité pratique pour les adultes de s'adapter à une récréation dans le changement des rôles et avec un cadre probabiliste tiré de la science moderne. Le jeu de rôle participerait à une vision du monde moderne où le sujet participe essentiellement à la construction de la réalité. C'est assez large pour être difficile à évaluer. Plus directement, je crois que le jeu de rôle dans sa version éducative (qui en un sens est le plus proche du jeu de rôle ludique dans les quatre énumérés) vient surtout d'une thèse du pragmatisme de John Dewey : apprendre, c'est faire, et donc apprendre, c'est aussi simuler.

"HeroQuest Sneak Preview: Waha's Quest" Greg Stafford (p. 29-33)
21 ans (!) avant que Heroquest ne sorte enfin, Greg Stafford donne une des premières explications publiques de ce qu'est une Quête héroïque. Il distingue bien des aventures préliminaires dans le Monde et le passage de l'Autre Côté. Il s'agit ici d'une quête de la culture praxienne où le héros culturel Waha a appris différents secrets liés à l'élevage des bêtes. Le système rest en gros celui de Runequest et il n'y a pas encore de Passions, par exemple. Cette Quête est rééditée dans Book of Drastic Resolutions n°2. Stafford termine en rendant aussi hommage aux tentatives de Quêtes héroïques de Steve Marsh dans le fanzine Wild Hunt.

Different Views p. 34-37
Le courrier des lecteurs est parfois très critique. Comme dans le numéro précédent, beaucoup trouvent que DW devrait parler moins de D&D puisque The Dragon le fait déjà. Ce pauvre Steve Lortz se fait pas mal insulter : on juge ses articles trop abstraits et inutilisables (et c'était avant celui de ce numéro !), Rudy Kraft supplie qu'on arrête la rubrique de Lortz et Greg Costikyan attaque la recension de Legacy par Lortz. Lortz écrira encore dans le n°5 mais ce sera son dernier (l'année suivante, Chaosium publiera encore le wargame parodique de Stephen Lortz, PanzerPranks). Scott Bizar écrit pour répondre à Gigi que lui sait ce que Rose Chun a en commun avec Bizar et Greg Stafford (elle est leur belle-mère à tous les deux).

"A Letter From Gigi" "Gigi D'Arn" (p. 38-39)
Tim Kask (rédacteur en chef de The Dragon, qui atteint 8000 exemplaires) et Ken St André ont tous les deux eu un enfant et Brian J. Blume de TSR vient de se marier. Le premier numéro de Journal of Traveller's Aid Society vient de paraître - Gigi se moque de White Dwarf (qui en est au numéro 14) en disant qu'un tiers des pages sont des publicités mais cela sonne comme de la jalousie pour DW qui commence encore à peine à avoir quelques annonces (en gros seulement Judges Guild, FGU et quelques jeux par correspondance).
Les nouveaux jeux annoncés sont chez FGU Gangsters et Villains & Vigilantes (dont l'un des deux auteurs, Jeff Dee, n'a que 17 ans), plus deux suppléments d'Ed Simbalist pour Chivalry & Sorcery : Arden et Saurians.
Steve Perrin serait chargé par Heritage Models de faire le jeu de rôle sur les Terres du Milieu mentioné la dernière fois (on sait que cela n'a pas eu lieu - l'histoire du jeu de rôle aurait été assez différente si Runequest était devenu le système officiel pour Tolkien à cette époque). Si Heritage avait pu garder à la fois la license Star Trek et celle de Tolkien, ils auraient pu sérieusement concurrencer les autres compagnies de jeu de rôle.

jeudi 9 juillet 2015

Des Dragons & Des Yeux


Via Discarding Images, toujours dans les aventures médiévales d'Alexandre le Grand, Le livre et la vraye hystoire du bon roy Alixandre, dans ce manuscrit Royal MS 20 B XX (vers 1420-1425, page 83 verso) :


Ces Dragons bicéphales couverts d'yeux me semblent plus cauchemardesques que bien des créations contemporaines de Lovecraft ou Giger. Les couronnes doivent plus venir de celles de la Bête de la Mer dans l'Apocalypse (Révélation 13:1).


mardi 7 juillet 2015

Compétences & Appétences


Chaque élève a un livret scolaire. Depuis quelques années, nos administrations, dans un souci de future uniformisation européenne ou pour avoir des seuils plus faciles à remplir, ont formalisé des listes de "Compétences". Au lieu de dire "10 en littérature", on est donc censé dire aussi en complément "B en compréhension d'un texte" mais "C en expression orale". Ou c'est un chiffre avec un ordre pas intuitif, je ne me souviens même plus. Ce sont des cases à cocher, ce qui me donne aussitôt envie de mettre des patterns indépendants des dispositions supposées ou des talents de l'élève. Je ne sais pas du tout si ce projet des Compétences est, comme le disent certains nouveaux amis de la Gauche radicritique, un sombre projet d'aliénation, normalisation, arraisonnement quantitatif de l'être ou de sousveillance panopticon néolibérale - je sais juste que ces mots doivent être dans le tiercé de ceux qu'il convient d'utiliser avec un air entendu pour transformer son agacement en une catastrophe historiale.

Malgré mon extrême conformisme docile, je n'ai jamais rempli ces cases, plus par obstinée révolte de mon indolence que par un raisonnement radicritique. Je suis sûr que dans quelques années, si on me demandait vraiment de mettre vingt nuances de couleurs, je finirais par m'y mettre malgré mon daltonisme. Elias faisait le pari que nul collègue n'oserait mentionner ces catégories pendant un Jury de baccalauréat mais je tiens à dire (malgré tout le secret de notre conclave) qu'ON EN A PARLE. Un collaborateur du Wall broyeur d'identité singulière refusait d'octroyer ses 1d6 points de suppléments et la Présidente de jury, à cours d'arguments, a donc commencé un supplice chinois en lui lisant en plus des appréciations toutes les compétences du candidat. Une. Par. Une. C'est un nouvel argument utilitariste sur l'efficacité de la torture. Le malheureux a crié grâces et a donc craché ses points.

Mais comme je n'arrive jamais à réfléchir plus que quelques secondes sans penser aux applications aux jeux de rôle, je pense que les discussions sur les dites sciences de l'éducation comme cette taxonomie des compétences d'acquisition de Bloom pourrait peut-être servir en jeu. La structure si symétrique, presque ésotérique, de ces méta-compétences fait d'ailleurs plus penser au symbolisme ludique (et son goût pour des espaces mnémotechniques) qu'à de la science.

jeudi 2 juillet 2015

Les Indes des JDR (2) : Mahasarpa et Naranjan


Nous avions commencé ce survol par D&D et nous arrivons aujourd'hui à deux versions qui sont toutes les deux pour D&D 3e édition.

I Mahasarpa, la campagne du Grand Serpent

En 2001, pour la 3e édition de D&D, James Wyatt réécrit une nouvelle version du supplément Oriental Adventures. Au lieu d'être centré sur le Japon médiéval (ou bien son équivalent dans l'univers d'Abeir-Toril, les îles de Wa et Kozakura), le choix avait été fait de reprendre Rokugan, le monde japonisant de Legend of the Five Rings. Mais Wyatt ajouta au supplément une petite version indienne gratuite, mise en ligne sur le site de Wizards of the Coast, Mahasarpa.

La traduction y était donc double : Rokugan était déjà un Japon fantastique avec des Clans animaux (et sur un continent au lieu d'être un archipel) et il était converti en une Inde parallèle avec des Clans animaux (sans lien direct avec les mythes indiens).

Le monde de Mahasarpa a les quatre classes sociales (varna) védiques : Brahmane, Kshatriya, Vaishya, Shudra et les Hors-Castes (Chandala). En termes de règles, les classes de personnage d'Oriental Adventures sont donc directement traduites. Les Samurai deviennent Kshatriya, les Shamans deviennent des Brahmanes, les Sohei (Moines-Combattants) deviennent des Devapalas ("Defenseurs des Devas"), les Wu-jen deviennent des Swami, les Sorciers deviennent des Mantrika. Wyatt reprend les classes décrites dans les numéros de The Dragon n°226 de 1996 comme les "Singhs", les "Shikari" ou les "Yogis" (auxquels il ajoute une autre classe de Guerriers psi, les Baladharas, "Porteurs de Puissance" - il y a pluieurs classes avec des options Psi).
En revanche, pour le Roublard, Wyatt abandonne le terme gênant de "Sansi" pour celui de "Dhuka" (धूक, un mot sanscrit qui, je crois, peut se traduire aussi bien comme "temps qui file, vent" que comme "filou"). Il y a aussi une espèce en plus, d'hommes-singes, les Vānara.

La Cité du Grand Naga - aujourd'hui au milieu de la Jungle Mahavana arrosée par le Fleuve Bahanie - était naguère une cité florissante qui adorait Nagini la Grande Déesse-Serpent. Mais le Maharajah Abrahsarpa fut corrompu et devint le premier Yuan Ti maléfique (et ses brahmanes furent transformés avec lui). Depuis, son Empire s'est écroulé et les Ruines de Mahasarpa perdues dans la jungle ne sont plus hantées que par d'ignobles reptiles qui ont désobéi à la déesse des Nagas. Mais les agents et mages des Yuan Ti peuvent être partout, semant la discorde.



Depuis la Chute de l'Empire, Sept Royaumes, ou Sept Cités-Etats, sont apparus.

Loin au nord, au-delà des hautes chaînes de montagnes vivent les Nomades à Cheval de Kokaha. Dans les Hautes Montagnes vivent les ascètes  et yogi Nagas qui soutiennent la lutte contre les Yuan Ti. C'est aussi là que vivent les Vaati, les Seigneurs des Airs (créés dans la mythologie D&D par le récit sur la "Baguette de la Loi aux Sept Parties").

A l'ouest de la jungle de Mahavana, la Cité de Bhalluka (qui adorent Mahabhallu, le Grand Ours - les fans du Livre de la Jungle apprécieront) est dédiée aux kshatriyas qui luttent contre les Yuan Ti.

Plus au sud, la Cité de Singha adore au contraire le Lion Simha, (et contrairement aux Ours, ils luttent plus contre les autres Cités que contre l'antique péril de Mahasarpa) et sur le Fleuve, Vriscika (वृश्चिक) est la Cité aquatique du "Scorpion", Cité des espions et des assassins. Enfin, encore plus au sud, Lakshmana, la Cité des Arts et des Marchands est l'équivalent du Clan des Grues de Rokugan.

Vers l'orient, la cité de Zardula (शार्दूल) a été corrompue aussi, mais par les Rakshashas Tigres et plus personne ne sait où elle est. Enfin, Gandharva (nommée comme les êtres célestes mineurs), plus au sud, est la capitale intellectuelle, cité des Brahmanes et des Philosophes (équivalent du Clan des Phénix dans Rokugan).

II Naranjan, le pays des Ombres de l'Esprit

En 2003, Green Ronin, la compagnie de Chris Pramas, avait commencé une nouvelle gamme Mythic Vistas qui devait traiter de nouveaux univers pour D&D3. Les premiers furent Skulls & Bones, un supplément sur des pirates (après le succès de la cité de Freeport), Testament, l'univers de la Bible, et ils sortirent deux suppléments, Monsters of the Mind et Mindshadows, qui était sur deux thèmes : les pouvoirs Psi et l'Inde (où en gros, le Bouddhisme et le Yoga donnent des superpouvoirs). Mindshadows était écrit par deux Canadiens, Kevin Brennan et James Maliszewski (devenu par la suite plus célèbre pour son blog OSR, Grognardia, quand il brulera D&D3 pour revenir vers OD&D). Le projet est bien plus ambitieux que la douzaine de pages de Mahasarpa mais l'idée est de garder une certaine compatibilité avec les espèces et les tropes habituelles de D&D. La majorité du livre est plus dédiée à des aspects "techniques" des diverses Ecoles de Pouvoirs Psioniques.

Si Rokugan avait changé l'archipel nippon en un continent, Naranjan change le sous-Continent en une grande île d'environ 1000 km de large pour pouvoir mieux l'insérer dans n'importe quel univers, et notamment comme un lointain comptoir pour la cité pirate de Freeport. Le nom de "Naranjan" évoque un peu un des noms de Shiva qui signifie "Sans défaut", mais les dieux hindous ne sont pas directement présents.

Voilà une carte des îles de Purmal et de Naranjan (cliquer pour avoir la version complète) :


Au nord-ouest se trouve l'Empire de Sudarshan. Au centre s'étend la grande chaîne des Mathant (peuplée de halflings tibétains). L'est est composé d'Amarati (Elfes des Jungles). L'antique Empire de Sudarshan fut créé à l'origine par les Nivashan (les Nains) et leurs "Juggernauts" (des Armures-Méchas). Il était fondé sur le Dharma et le système des Castes jusqu'à ce que l'Eveillée Sujahna, ancienne brahmane de Meeta la Déesse de la Compassion, ne le renverse en créant de nouvelles méthodes de Méditations qu'on appelle le "Psi".

Les Gourous Sujahnistes luttèrent longtemps contre l'Empire depuis leurs Ashrams [Et l'insistance sur ce thème des Moines-Combattants fait explicitement plus "wushu" qu'indien]. Mais un Nouvel Empire de Sudarshan sur la Côte des Epices vient à peine d'être restauré par un Prince Humain, et les différends liés aux Castes sont réapparus. Comme dans Mahasarpa, il y a un péril de complots Yuan Ti cachés.

Naranjan ne reprend pas les dieux védiques et hindous et adapte en fait sous des sonorités indiennes le panthéon déjà inventé par Green Ronin dans leur supplément The Book of the Righteous. Au lieu de Créateur, Préservateur et Destructeur, la Trinité est "Sire Jour", "Dame Nuit" et "le Diviseur". Il y a un long panthéon polythéiste. Anjeeti [Maal dans Book of the Righteous] est le dieu du Dharma et le Maharajah de Sudarshan était à l'origine son avatar. Chatari [Aymara dans BotR] est la déesse de l'Amour, Meeta [Morwyn] la déesse de la Compassion, etc. On remarque une inversion amusante entre la réalité et ce monde : alors qu'ici, la déesse chinoise Guānyīn a probablement évolué à partir du bodhisattva Avalokiteśvara, ici la fondatrice du Sujahnisme a commencé comme prêtresse de Meeta. Il y a plusieurs interprétations philosophiques de ces êtres et du Sujahnisme (y compris chez les Moines halflings, plus physiques), et plusieurs écoles de Psi et d'Arts martiaux, détaillées avec leurs techniques.

La grande force du supplément est la complexité des provinces de l'île pour un jeu en campagne. En revanche, le projet me paraît très concentré sur un seul thème. Si on est peu intéressé par le fait de jouer des Moines-Psi, il n'y a plus vraiment de campagne possible. Et le thème paraît donc plus chinois ou japonais, peut-être, que ce qu'on associerait spontanément avec l'Inde.

mercredi 1 juillet 2015

Les Indes des Jeux de rôle (1) Les Origines


L'Inde a été pendant longtemps un des Mondes les moins utilisés par le jeu de rôle, qui a commencé à s'intéresser au Japon dès les origines mais n'a vraiment exploré l'Inde et la Chine que plus récemment. J'aurais du mal à l'expliquer. Les Américains ont peu de connexions avec l'Inde mais les Britanniques pratiquent beaucoup le jeu de rôle aussi. La clef doit être simplement que la culture indienne s'est moins popularisée chez les geeks que les films de sabre japonais ? La puissance dominante de la Chine au XXIe siècle promet plus d'espoir de ce côté.

Les jeux de rôle se passant sur Terre ont pu utiliser l'Inde. Call of Cthulhu, par exemple, a un supplément Mysteries of the Raj ou un scénario comme Timeless Sands of India. Mais je vais me concentrer sur des versions plus "mythiques" ou les influences sur la fantasy. Il y avait un GURPS India en préparation mais les rumeurs disent que Steve Jackson Games a trouvé le brouillon trop mauvais et l'a jeté.

Une exception partielle aux débuts du jeu de rôle pourrait être l'Empire du Trône de Pétale, créé par le linguiste MAR Barker, spécialiste de l'Urdu (qui est, en gros, "l'Hindi pour Musulmans"), mais son monde fictif était un mélange de Barsoom, de panthéons et jungles indiennes, de hiérarchie sociale chinoise ou de société maya. Dans les autres mondes fantastiques importants, Glorantha a développé depuis les jungles de Teshnos (qui ont une religion plus zoroastrienne, fondée sur le feu) et surtout les îles de Vithela à l'est, qui sont ce qui se rapproche le plus de ce sous-continent indien (notamment dans sa richesse philosophique) même si la disposition géographique fait plus penser à l'Indonésie.

Je ne vais pas non plus considérer comme profondément indien le fait que le vieux jeu Ysgarth (pourtant dans un contexte européen) utilisait des Points de Karma (Bien/Mal) et des Points de Dharma (Chaos/Loi).

L'Inde dans D&D

Je crois que la première apparition de mythes indiens explicite dans le jeu de rôle doit être pour D&D, avc les Rakshashas, démons qui apparaissent dans la revue de TSR, Strategic Review (dec. 1975) n°5 p. 14. Le monstre est décrit comme de 7e niveau (avec des sorts de Mages de 3e niveau et de Clercs de 1er niveau). Ils seront précisés comme Loyaux-Mauvais (donc des diables plus que des démons dans la terminologie officielle) dans le Monster Manual. En revanche, la célèbre "marilith" (démon de type V) du même Monster Manual ressemble visuellement à une représentation indienne mais je crois que l'origine est assez vague : elle ressemble un peu à Kali mais doit venir de la créature dans le film hollywoodien Sinbad.

Le Supplément IV Gods, Demi-Gods & Heroes (1976) de Kuntz et Ward décrit (avec 11 autres panthéons) le panthéon védique (en l'appelant "hindou", ce qui peut se discuter, comme Indra est mis en dieu suprême). Il y avait 18 divinités : Agni, Brahama, Devi, Indra, Kali, Karttekeza (Karttikeya ou Kārtikēya), Krishna, Lakshmi, Ratri, Rudra (considéré comme un dieu des voleurs ??), Sarasuati, Shiva (réduit à un dieu des bêtes sauvages ??), Surya, Tvashri, Vasha (Ushas), Varuna, Vishnu (& Garuda), Yama.



On remarque que cette édition avait distingué Rudra et Shiva alors que le premier est le nom archaïque du second dans les Védas. La seconde édition Deities & Demi-Gods (1980, avec de très belles illustrations de Jeff Dee et Erol Otus) les réindentifiera en omettant le nom de Shiva et en traitant Rudra comme dieu des bêtes sauvages (alors qu'on l'imagine plutôt en divinité des tempêtes dans les Védas) - Ratri, la déesse de la nuit, héritera du portefeuille des voleurs. Cette version retirera également quatre autres figures, Brahma, Devi, Sarasvati et Krishna. Je comprends qu'ils aient enlevé des dieux influents de l'Hindouisme comme Krishna (ou Rama ou le singe Hanuman, fils de Vayu) mais il est plus étrange qu'ils n'aient pas osé mettre Ganesha. Il doit paraître trop reconnaissable et donc trop associé à l'Inde réelle ?? Mais pourquoi garder Vishnu en ce cas ?



Les créatures comprennent les Maruts (esprits des vents), les Rakshashas (qui sont décrits comme de très puissants démons de 15e niveau, et non 7e comme dans le Monster Manual), les Yakshas (démons équivalents aux djinns), les Nagas (trois catégories : Gardiens, des Eaux, mages 5e niveau ; et Maîtres-Nagas à sept têtes, Mages-Clercs 10e Niveau), les Ribhus (identifiés aux Elfes - alors que le rapport semble tout au plus étymologique) et des Ogres polymorphes (les Piśāca, j'imagine). Le Deities & Demi-Gods ajoute les descriptions détaillées de trois vāhana (les "Véhicules", bêtes divines qui servent de montures à chaque Dieu, l'éléphant d'Indra, le Paon de Karttikeya, Garuda l'oiseau de Vishnu, le Buffle de Yama - le Supplément IV avait l'Oie de Brahma).

D&D continua ensuite de négliger l'Inde et de lui préférer le Japon, en dehors de ces quelques monstres comme les Rakshashas. L'univers des Wilderlands of High Fantasy (de Judges Guild) eut bien un analogue de l'Inde, avec le sous-continent de Karak, qui adorait le panthéon védique. Mais en dehors de la religion, la très vague description faisait plus penser à l'Asie centrale (avec des nomades à cheval) qu'à l'Inde.

AD&D2

En 1992, Allen Hammack, un ancien de chez TSR (il participa à la série des Slave Lords), écrivit chez Mayfair Games, dans leur catégorie de suppléments non-officiels pour AD&D Role Aids, Monsters of Myth and Legends III (consacrés à 9 mythologies : égyptienne, finlandaise, indienne, océanique, persane, romaine, slave, teutonique, tibétaine). La partie sur la mythologie indienne (p. 22-40) couvre  seulement quatre divinités hindoues (et toujours pas Ganesh !) : la Durga et Kali, Vishnu et Shiva, plus le singe demi-dieu Hanuman, le démon gardien Hiranyakasipu, plus trois avatars de Vishnu : Parasurama, Rama, Krishna et son cousin maléfique Sisupala (qui aurait dû être mis dans la catégorie "monstre" ou PNJ).

Les monstres comprennent des espèces et quelques cas individuels : les Acheri (fantômes d'enfants morts de maladie), les Asuras (diables loyaux-mauvais), les Bhut (mauvais esprits), les Dund (fantômes démembrés), Garuda, Gandharva, Jalandhara (un roi démon), les Jalpari (esprits maléfiques des eaux), Kabandha (un rakshasha), Kalanemi (un rakshasha, ennemi de Krishna), Kaliya l'Hydre, Mara le démon, les Nagas (dont Ananta Shesha), les Nivata-Kavacha (géants des mers), Panchajama (un démon des mers), les Pisacha (vampires), les Demoiselles empoisonnées, les Preta (fantômes maléfiques, de petite taille), les Rakshasha, Raktavija (un roi démon), Ravana (le roi des Rakshasha), les Vetala (un vampire qui parasite les cadavres en les possédant), les Vidyadhara (change-formes bénéfiques, elles ont parfois l'apparence de cygnes), Vritra (le serpent de la sécheresse), les Yaksha/Yashini (ogre-démon) et les Yech (démon comique).

Pendant ce temps, chez TSR, il n'y eut guère qu'un article sur les armes (bagh nakh, chakram, gada, katar, kandar, kukri) et armures (varman) indiennes dans The Dragon Magazine n°189 (1993), p. 34-39.

Trois ans après, Mike Selinker (qui fait plutôt des jeux de plateau maintenant) rédige une trilogie d'articles pour adapter l'Inde pour AD&D (2e édition).

Dans The Dragon Magazine225 (janvier 1996, p. 22-29), il retranscrit les 4 grandes classes de personnage de D&D (sans liens avec les 4 varnas sociaux, bien entendu) ainsi :
Jawan (Guerrier, "jeune soldat" en persan), Babu (Mage, "père"), Pundit (Prêtre, "maître" ou "érudit") et Sansi (Roublard - caste ou tribu de "marginaux" au Pendjab sikh, le terme insulterait sans doute la tribu actuelle et j'imagine qu'aujourd'hui cela attirerait des centaines de lettres indignées, comme si des Asiatiques appelaient une classe de roublards dans un jeu de rôle des "Gitans").

Les 4 classes ont à leur tour 8 "kits" plus spécialisés, selon la coutume d'AD&D2.
Les Jawan ont le Singh (Guerrier sikh), le Kshatriya (Paladin noble) et le Shikari (Ranger, "chasseur" en Urdu).
Le Babu a le Swami (Sorcier Devin-Conjurateur - le terme désigne en réalité plutôt un maître religieux).
Le Pundit a le Brahmane et le Yogi (Psioniciste).
Le Sansi a le Thug (Assassin rituel) et le Fakir (Barde).

Dans The Dragon Magazine226, p. 42-47 "Monsoons and the Power of Om", Selinker passe à la Magie pour les Swami, Fakir, Yogi et Brahmane avec environ 20 sorts. J'aime beaucoup le fait de faire apparaître un Troisième Oeil (7e niveau de sort, si l'Oeil touche, mort immédiate mais le lanceur doit aussi faire un jet de sauvegarde pour ne pas s'évanouir).

Enfin, dans The Dragon Magazine229 (mai 1996, p. 33-38), Selinker donne une liste de 25 objets magiques (dont par exemple une arme magique, la flèche vajra de foudre).

Vie du blog


Ca y est, les copies de Bac sont terminées. Je vais pouvoir me remettre à procrastiner en attendant la Mort.

"Ah, Phersu, tu as toujours ton blog ?"

"Oui. Mais je..."

"Je ne le lis plus depuis que tu ne parles que de jeu de rôle."

"Oui, je sais."

La dépolitisation de ce blog a fait fuir certains de mes amis.

Prenons le vocabulaire de la mythologie freudienne comme les Français le connaissent encore bien. Mon problème actuel est que je suis devenu un "gauchiste complexé", ce qui paraît un oxymore comme on imagine plutôt le gauchisme du côté cathartique de la desinhibition.

Les Réformistes de la gauche libérale (ou prétendue "gauche" en tout cas anti-socialiste comme le dit Michéa) se moquent souvent d'un "Surmoi marxiste" qui pèse sur le vocabulaire et qui conduit à un Molletisme (c'est-à-dire un lexique pseudo-communiste avec une pratique très centriste). Mais dans mon cas, je dois encore apprendre ce lexique nouveau que je croyais réduit auparavant à une Langue de Bois étrangère, et c'est donc au contraire le Centrisme des partis de gouvernement qui était mon Surmoi : Principe de Réalité, Grands Equilibres, Engagements contractuels, blablabla... Je voyais bien que cela vidait la politique de tout contenu mais c'était dans cette mince dépolitisation que je croyais encore pouvoir ironiser facilement.

J'étais auparavant, jusqu'à environ l'élection de Hollande, un réformiste très timoré (en gros, un Rocardien et un Cabri s'illusionnant de manière volontariste sur le fait que l'UE allait être une Ruse de la Raison vers une Puissance Publique sociale-démocrate) mais j'étais finalement assez "certain" dans ma modération. Rocard disait que lorsqu'on est social-démocrate jeune, on le reste, alors qu'un mao ou un trostkiste jeune devient un néo-Conservateur en veillissant (le cas légendaire en France étant Denis Kessler : "Je crois toujours à la Lutte des classes, mais j'ai changé de camp"). Mais à présent, je pense que j'ai toujours eu tort et que si le réformisme modéré doit conduire à cela (à Valls, en gros), ce sont au contraire ceux dont je me moquais auparavant, tous ces gauchistes, qui avaient raison.

C'est assez bizarre de se réveiller en n'ayant plus aucune espèce de respect pour ce prétendu Surmoi d'un "Cercle de la Raison" (expression balladuro-vallsienne du journal Le Monde) pour lequel "il n'y a pas d'alternative" et "l'économie est devenue une science, ce n'est plus une idéologie". Schumpeter définit l'idéologie de manière moins négative que chez Marx comme une économie des prémisses. Mon "idéologie" au sens schumpetérien est qu'il est certain qu'il y a de "l'idéologie" au sens marxiste. Les Modérés ne parviendront jamais à me convaincre par quelque argument théorique ou empirique que ce soit que ce n'est pas le sommet de l'idéologie que de croire que l'économie politique ait échappé à l'idéologie.

Mais en même temps, ma "conversion" douloureuse m'a au contraire retiré l'envie d'évangéliser.

Si je me suis autant trompé dans le passé (ou si à l'inverse, je me trompe autant à présent), je ne me vois pas tellement l'autorisation de livrer des opinions aussi instables et précaires. Je suis à la fois moins "modéré" (car je n'y vois plus d'issue favorable) et encore plus plein de doutes qu'auparavant.

Par exemple, sur la Grèce, je serais partisan qu'on intervienne pour alléger la dette et l'austérité mais je suis conscient qu'on ira en fait vers une sortie de la Grèce qui à court terme en tout cas ne fera que profiter encore plus à une ruine du pays. Mais je ne vois pas d'autre moyen.

εἰ δ᾽ ὃ μὲν διαμένοι ὃ δ᾽ ἐπιεικέστερος γίνοιτο καὶ πολὺ διαλλάττοι τῇ ἀρετῇ, ἆρα χρηστέον φίλῳ;


Ar. E.N. 1165b20 "Si l'un des deux amis demeurait ce qu'il était et que l'autre eût progressé dans le bien et l'emportât (διάλλαττω : exceller, emporter, différer mais aussi se réconcilier, cela sonne comme un jeu de mots) grandement en vertu, celui-ci doit-il garder le premier pour ami ?"

Si l'amitié est une forme de "réflexivité", il vient un moment douloureux dans l'amitié où votre ami vous connaît assez bien pour partager et donc vous renvoyer jusqu'à la piètre idée que vous avez de vous-mêmes.