dimanche 17 novembre 2013

Hordes of Dragonspear (1992) / Ghosts of Dragonspear Castle (2013)


Carte de Daggerford,  dans la boîte The North: Guide to the Savage Frontier, 1996



  • Hordes of Dragonspear
    J'avais évoqué Under Illefarn, 1987 de Steve Perrin, première aventure se déroulant dans les Royaumes Oubliés de Faerûn et décrivant ce cadre, le village de Gué-de-la-Dague, entre Eauprofonde et Porte-de-Baldur.

    Hordes of Dragonspear de William W. Connors (qui créa plus tard le jeu narratif DragonLance: Fifth Age) serait une suite possible de ce module, parue 5 ans après et prévue pour le Battle System (le supplément pour jeu de combats de masse). C'est une brève aventure (environ 30 pages) de haut niveau (10e-12e pour AD&D2) mais même à ces niveaux, il y a un risque que les Personnages se fassent un peu éclipser par une guerre qui dépasse leurs capacités individuelles.

    Nous sommes en l'An 1363. Le Diable Baazka a rassemblé plusieurs Hordes au Château de Dragonlance (pour garder ce nom équivoque pour Dragonspear). On compte un millier de Maraudeurs (500 Kobolds, 500 Gobelins), 500 Gardes Sanglants (Orques/Hobgobelins) et enfin sa force d'élite, l'Ouragan (composé d'une centaine d'Ogres et Gobours et surtout de Maelestor Rex, un ancien et puissant Dragon noir-Thaumaturge).

    En face, les forces de Gué-de-la-Dague et de leurs alliés elfes ou nains ne peuvent réunir qu'un millier d'hommes, dont certains assez mal entraînés, ce qui les met en claire infériorité numérique, surtout que l'un des principaux chefs, Sire Llewellyn au Long-Bras (décrit dans Under Illefarn), vient d'être blessé cruellement par des êtres des enfers.

    Mais tout le secret des Hordes est que Maelestor le Dragon Noir n'est pas un allié volontaire, il a été forcé de rejoindre cette armée à cause d'un pacte diabolique et d'un enchantement sur une de ses anciennes Cornes qu'on lui a enlevée. Si cette Corne était subtilisée et détruite, le Dragon serait délivré et pourrait se retourner contre les forces de Baazka. C'est une inversion intéressante des scénarios habituels : non pas tuer le Dragon mais le faire changer de bord pour négocier une alliance avec lui contre un ennemi commun. Mais en un sens cela affaiblit le thème mythique de la quête pour cette Corne draconique, qui semble liée au nom de Dragonspear, en un simple instrument pour un avantage militaire.

    Le reste demeure très peu développé dans ce module assez rapide. Les Personnages sont envoyés au départ pour défendre l'Auberge de la Route (The Way Inn), sous l'assaut de razzias, mais ils vont vite comprendre que ce ne sont pas que des petites tribus de Gobelins mais bien une armée organisée.

    Après une première bataille contre les Maraudeurs, ils ont l'occasion de trouver un informateur qui leur donnera l'idée d'aller retirer à l'armée ennemie l'avantage de leur Dragon. Cette partie est donc le "Donjon" traditionnel et il n'est guère inspiré, au point que l'auteur semble même l'admettre en disant d'ajouter d'autres sections en s'inspirant d'autres Donjons... Il n'a même pas jugé utile de mettre une carte du Château, seulement d'un labyrinthe sous la surface.

    L'Auberge sur la Route sera détruite pendant que les PJ sont partis en quête de la Corne, ce qui risque de paraître assez décevant pour un grand final.

    Ce scénario est assez frustrant. Il y a quelques idées mais dans l'ensemble tout cela n'a pas été assez développé. Et l'idée de jouer cela sans simuler les combats de masse paraît assez vain comme ces deux batailles rangées sont l'essentiel du scénario.

  • Ghosts of Dragonspear Castle


    Les Fantômes de Château Dragonlance par Jeremy Crawford et Chris Perkins a été écrit pour la nouvelle édition à venir de D&D (D&D Next) et c'est bien plus long que le vieux module de 1992, une campagne de quatre scénarios reliés. Ils avaient prévu de ne le diffuser qu'à la GenCon 2013. La partie "campagne" fait 130 pages, plus environ autant de pages pour un survol des règles de D&D Next avec des PJ pré-générés et tout le nécessaire pour ces personnages.

    Nous sommes environ un siècle après le premier scénario et la plupart des PNJ de Daggerford décrit au XIVe siècle sont donc morts, à part quelques Elfes ou Demi-Elfes qui assurent une certaine continuité. Mais curieusement, certains des PNJ nouveaux ressemblent à des réincarnations des rôles ou fonctions de leurs ancêtres... Le Duc Maldwyn Daggerford est le descendant du Duc Pwyll mais est moins sympathique. C'est sa soeur Morwen Daggerford qui dirige les troupes (tout comme Bronwyn était la magicienne de son frère Pwyll) mais la sécurité est sous les ordres de Sire Isteval, un ancien Paladin et Chevalier du Dragon Pourpre de Cormyr. Le meilleur Mage de la région est un certain Delfen Couteau-Jaune.

    Cet enchaînement de scénarios (Niveau 1-10) est inséré dans une campagne plus vaste prévue pour 2014 autour de Quatre Clefs à retrouver avant les Sorciers Rouges de Thay qui veulent s'en servir pour appeler les Quatre Princes du Mal Elémentaires : Imix (Feu), Ogrémoch (Terre), Olhydra (Eau) et Yan-C-Bin (Air). le problème de cette intrigue est que la fin est déjà programmée : les PJ doivent accomplir quelque chose de (relativement) satisfaisant à la fin de ces quatre parties, mais les Sorciers rouges doivent tout de même réussir à gagner les Quatre Clefs pour la suite de la campagne à paraître l'an prochain.

    Aventure 1 : Le Temple du Dévoreur du Soleil
    Les PJ peuvent être de bas niveau mais doivent arriver environ au 4e à la fin. On arrête un Sorcier rouge de Thay qui avait infiltré la ville sous une fausse apparence. Il a déjà trouvé la Clef de l'Air (Prince Yan-C-Bin) et cherche l'une des autres chez les Floshin (la Maison elfique à côté de Daggerford, c'est maintenant Sir Darfin Floshin le Marcheur qui la dirige depuis la mort de son père Elorfindar).

    Ce Sorcier a contraint un Dragon noir, Thoss Fyurnen, dit "le Dévoreur du Soleil", à s'allier à lui en prenant un de ses oeufs en otage, gardés par ses Orcs (qui ont la particularité d'être "demi-Nains"). Il doit y avoir un souvenir du module précédent sur cette utilisation du Dragon noir, avec l'Oeuf à la place de la Corne. Au moment où ils arrêtent ce Sorcier rouge, Thoss Fyurnen a déjà attaqué un autre Château, Cromm, chez la Baronne Wynne, qui contient la seconde Clef, celle de l'Eau (Princesse Olhydra).

    Quand les PJ auront retrouvé l'Oeuf capturé, ils pourront tenter d'amadouer son père Thoss Fyurnen l'Avaleur de Soleil et ses alliés Hommes-Lézards, mais il est prévu que l'Oeuf s'ouvre et que le bébé se lie immédiatement avec un des membres de l'équipe des PJ. Les PJ travaillent maintenant pour le paladin Sir Istival et une mystérieuse ranger va se lier à eux pour s'approcher du paladin.

    Aventure 2 : les Cryptes maudites des Ambergul
    L'apprentie du Sorcier rouge, Darwa, alias Boo Boo Doll, est partie chercher une troisième Clef, la Clef de la Terre (Ogrémoch) dans les anciennes Cryptes de la famille Ambergul qui organisait dans l'Antiquité le culte des Quatre Princes Elémentaires du Mal. Les Amberguls étaient eux-mêmes des pillards de tombeaux, peut-être pour justifier que les PJ viennent profaner les leurs ? Le nom de la famille maudite des Ambergul indique clairement une référence au vieux module X2 le Château des Ambreville (qui était lui-même sans doute inspiré par le module Tegel Manor, avec le même genre de famille démente).

    Les PJ vont retrouver la trace de Darwa de manière assez compliquée : ils sont envoyés pour retrouver d'abord un berger qui s'était fait recruter par la sorcière, qu'il prend pour une aimable sage-femme. Un mystérieux Mage va leur donner plus d'informations. Mais les PJ ignorent que les Sorciers rouges se sont eux-mêmes divisés dans cette recherche et qu'une autre force cherche aussi à les manipuler et acquérir les Clefs.

    Cette partie ajoute des fausses pistes qui rendent le scénario plus compliqué que ce qu'on pourrait croire. La structure élémentaire (chasser des Méchants qui cherchent 4 McGuffins) a été donc un peu brouillée par les différentes factions qui seront assez difficiles à identifier (surtout que certains des agents se servent de la Polymorphie).

    Mais le scénario est trop dirigiste et prévoit que des agents orcs finiront par s'enfuir avec la Clef de la Terre. S'ils arrivent à interroger Dawa, ils pourront retrouver la trace des trois autres apprentis du Sorcier rouge, Skannon Tolker,  Luuthgar Zev et son frère jumeau Ulan Zev (male humans), qui étaient chargés de trouver la Clef de Feu (Imix) sous le Mont Illefarn.

    Aventure 3 : La Chute d'Illefarn
    On doit être arrivé au Niveau 6-7 maintenant. Le scénario reprend l'histoire du vieux module Under Illefarn où certains membres du Clan Nain des Mangeurs de Fer avaient tenté (à la manière de Balin fils de Fundin avec la Moria) de reprendre les anciennes mines d'Illefarn. On découvre un siècle après que le Clan mourant des Haches de Fer (scission des Mangeurs de Fer) a été absorbé par le Clan Orc des Caillots Crâniens, ce qui a créé une culture demi-orque/demi-naine. Le champion principal de ces Orcs est un Ettin, un petit Géant bicéphale. Ils ont trouvé l'Autel d'Imix le Prince Elémentaire du Feu mais prennent à tort la Clef de Feu pour une Enclume de Moradin.

    Les apprentis du Sorcier rouge ont pu négocier leur présence chez ce Clan en promettant de stabiliser les tunnels des Mines qui s'écroulent, mais n'ont pas encore obtenu le droit de prendre la Clef de Feu. Les PJ devront donc apprendre à comprendre la politique naine/orque des Haches de Fer et Caillots Crâniens et négocier une nouvelle alliance avec les Elfes du Val-Rieur, comme l'ancien Royaume déchu d'Illefarn était à l'origine une coalition elfico-naine. Chuth, un vieux Dragon vert (tiré de Dragons of Faerûn, 2006) intervient également dans l'histoire.

    Cette partie est assez habile car les chefs nains ne sont pas manichéens. Leur Roi a l'air fou mais son esprit malade a plusieurs plans cachés qui pourrait en faire un allié peu conventionnel pour les PJ.

    Aventure 4 : Le Château de Dracolance
    La conclusion de la campagne (Niveau 9-10) révèle le vrai adversaire qui manipulait les PJ pour un plan de vengeance un peu trop élaboré. J'aime bien ce vrai ennemi mais la révélation risque de paraître un peu artificielle. Dans ces cas, n'y aurait-il pas eu des moyens plus simples de se venger ? Les Sorciers rouges de Thay envoient aussi un nouveau et puissant agent pour éliminer les PJ.

    C'est aussi l'occasion de revoir une nouvelle version de "l'Auberge sur la Route", qui avait été ravagée dans le module se déroulant un siècle avant. Et on a enfin une carte des Ruines de ce Château de la Lancedragon qui avait été négligé dans le module Hordes of Dragonspear.



  • Conclusion

    Ghosts of Dragonspear Castle a des qualités. Le contexte est assez riche. Il y a quelques PNJ amusants et un Ennemi intelligent qui se sert de manière astucieuse de sa polymorphie à travers plusieurs factions. Le scénario est en tout cas bien meilleur que Hordes of Dragonspear et ne nécessite pas du tout les modules antérieurs (même si la meilleure description de Daggerford reste le livret dans le supplément de 1996, The North). Les nombreux auteurs de cet ouvrage collectif ont en partie réagi contre les scénarios de D&D4 qui n'étaient souvent que du wargame tactique. Il y a ici une part centrale donnée à la diplomatie, la discussion et la négociation, notamment dans le 3e scénario chez les Nains.

    Mais le scénario commercial de Wizards of the Coast conserve un défaut typique d'une intrigue dirigiste faite pour suivre une "ligne" officielle de l'éditeur. Sans aller jusqu'à un contexte ouvert du type Bac-à-Sable, ils pouvaient éviter de pré-déterminer à ce point les étapes qui doivent nécessairement avoir lieu, même si c'est prévisible pour une aventure prévue sur plusieurs "Niveaux" successifs.
  • 4 commentaires:

    Groug a dit…

    Aargh... Dragonspear / Dragonlance / DragonLance, c'est trop ! Sérieusement, il m'a fallu un peu de temps pour démêler tout ça en début de lecture.

    Phersv a dit…

    Dragonjavelot ? :)

    Oui, la francisation ne rend pas très bien, notamment "Gué-de-la-Dague". Dagué ?

    Rappar a dit…

    Moi qui suis amoureux des cartes, j'aime cette très belle image de Daggerford en perspective isométrique... j'ai même cru que c'était un plateau de jeu de plateau! ;)

    Phersv a dit…

    Oui, elle a un certain charme et cela contribue à en faire un bon point de départ pour une campagne. De même, quels que soient les défauts de D&D4 par ailleurs, il y avait de belles cartes de Fallcrest, son village de départ, comme celle-ci en 3D.

    As-tu vu il y a trois semaines ce parcours en BD dans la carte isométrique de Ravenloft ?