dimanche 16 septembre 2012

Coup du sort


Le blogger politique et rôliste Jim Henley, qui a attrapé un cancer de la langue, a un "bon" taux de survie (évalué à plus de 87%, soit 7 chances sur 8).

Il en fait donc une analyse sur ce que le hasard représente pour un joueur (et une critique de mode de jeu dit Old School et son goût affiché pour la haute mortalité "darwinienne"). En termes de jeu, 87% est une Roulette russe qui nous accepterions volontiers, ce qui rappelle l'effet d'irréalité d'une simulation alors la plupart des sujets rationnels n'accepteraient jamais un risque aussi élevé. Et pourtant, en un sens, avoir fait du jeu de rôle et avoir vu tant de résultats de dés improbables, tant d'échecs critiques à 1%, voire moins, nous habitue encore plus à penser à ces risques dans la vie réelle.

6 commentaires:

Tororo a dit…

"It’s more like a classic D&D saving throw where “winning” the roll just means avoiding the worst consequences", remarque Henley. C'est à peu près la même chose dans la "vraie vie". Ce qui nous dispense d'en prendre conscience, c'est que dans la "vraie vie" il n'y a pas de MJ pour attirer notre attention sur le fait qu'il pourrait y avoir, la plupart du temps, à "perdre", des conséquences pires que nous ne sommes disposés à l'imaginer (ce que souligne sa remarque ultérieure que, IRL, il serait terriblement nerveux s'il était placé devant un choix dont on le préviendrait qu'il implique un risque mortel à 0,01% de probabilité... alors que nous en faisons tous les jours, des choix de ce genre, sans même nous en apercevoir).

Phersv a dit…

Ian Hacking et Jean-Pierre Dupuy ont voulu analyser les sociétés contemporaines technologiques fondées sur l'assurance du risque sur cette domination des statistiques qui entrent dans notre vie quotidienne ("Oh, je perds cinq ans d'espérance de vie en vivant à Paris").

Il y a aussi des conséquences sur les styles de jeu et la représentation des risques, comme Henley en parle dans sa section VIII : nous avons une "aversion à la perte" et le style de jeu "ludiste" Old School (avec forte mortalité accidentelle) conduit à rechercher stratégiquement à fuir dès qu'on estime les probabilités basses (malgré des gains potentiels).

Les jeux à la Chaosium où la probabilité est indiquée assez directement en pourcentages pousseraient encore plus à cela alors que les jeux avec des pools de dés obscurcissent un peu les chances et pourrait donc rendre parfois plus "riscophile".

Au contraire, le jeu "narratif" plus moderne conduit à un héroïsme irréaliste, sans quoi il n'y a plus de bonne histoire. La prudence des joueurs n'est plus une vertu mais un obstacle au jeu. On représente des conventions de récit et moins des probabilités objectives.

Mais on continue à y faire du "métajeu". Simplement, le "métajeu" y est différent. On sait évaluer que le risque devra être artificiellement diminué (points d'héroïsme, fiat du MJ pour faire avancer l'histoire...).

Anonyme a dit…

Au contraire, le jeu "narratif" plus moderne conduit à un héroïsme irréaliste, sans quoi il n'y a plus de bonne histoire. La prudence des joueurs n'est plus une vertu mais un obstacle au jeu. On représente des conventions de récit et moins des probabilités objectives.
Mais on continue à y faire du "métajeu". Simplement, le "métajeu" y est différent. On sait évaluer que le risque devra être artificiellement diminué (points d'héroïsme, fiat du MJ pour faire avancer l'histoire...).


Ah la la c'est tout le dilemne de mes parties en ligne... échapper au proba(gros)bilisme idiot des jeux classiques qui transforme inéluctablement une partie en sketch des monty python et se débrouiller avec des qualités molles qui n'en sont plus dès qu'elles sont quantifiées (tentation perpétuelle des designers ou des mj).

Phersv a dit…

Cela peut devenir aussi frustrant si le joueur perd le sens du risque.

Je me souviens que j'avais parfois des problèmes dans Heroquest quand je me rendais compte que telle scène ne pourrait pas être dangereuse parce que ce n'était pas encore un grand Climax.

Rappar a dit…

"Oh, je perds cinq ans d'espérance de vie en vivant à Paris" -> je crois que c'est 5 mois, car si la pollution tue, l'infrastructure médicale est plus dense que dans des fonds de Province à l'air pur :)

Jum Henley fait remarquer que dans OD&D, la chance de réussite à un jet de sauvegarde contre le poison (échec = mort) est de 40-55%, et que si on fait un jet par niveau, la chance de survie jusqu'au 4ème niveau est de 20-25%.

C'est oublier que OD&D est encore très proche du wargame, et que l'on y joue des figurines de wargame. Dans cet article, le dino raconte comment son perso est mort dans la première salle du donjon, puis explique: "Pour certaines personnes, élaborer des assemblages d’aventuriers qui meurent peu de temps après d’une manière complètement inutile n’est pas quelque chose qui leur paraît amusant. (...) Quelquefois, ils n’avaient même pas de nom. Ou alors le personnage ne recevait de nom que s’il survivait à la première séance de jeu – nous considérions alors que c’était un personnage expérimenté. (...)Mais pour nous, c’est tout ce dont nous avions besoin, c’était marrant. Nous nous amusions.

donc, au fil des éditions, D&D a diminué la mortalité des PJ (cf.graphique ici). Cela peut conduire a plus de roleplay, ou plus de grosbillisme; car rien n'est prédestiné lorsque le risque s'éloigne; ce sont juste les forces des préférences LNS des joueurs qui prennent le dessus sur les règles.

En ce qui concerne Heroquest, il ne faut pas pousser trop loin l'analyse quand on joue; quand j'y joue, tous les défis sont importants et peuvent faire perdre quelque chose (argent, prestige, objectif secondaire)... ainsi un des PJ avait commencé à fusionner deux tribus et foiré son jet pour convaincre son futur beau-père... et toutes ses ambitions furent anéanties.

Y a pas que les armes qui tuent...

Tom Roud a dit…

Je suis toujours un peu dubitatif sur ce genre de stats. J'ai parfois l'impression qu'elles reflètent simplement notre ignorance du problème du cancer, dans le sens où, sur une population, certes, 87% des gens vont survivre, mais ce peut–être aussi parce que les 13% ont des mutations spécifiques sur leur propre cancer qui le rende mortel que nous ne connaissons pas maintenant. En d'autres termes, on classifie peut-être deux cancers différents ensemble, l'un qui touche 87% des gens plutôt bénin, l'autre qui touche 13% des gens extrêmement néfaste. Une fois la méta-catégorie cancer diagnostiquée, il n'est pas impossible que les dés soient déjà jetés mais que nous ne le sachions simplement pas déjà (c'est d'ailleurs toute l'idée derrière ce qu'on appelle la "médecine personnalisée", i.e. que chaque maladie est en définitive personnelle).