dimanche 30 janvier 2011

La tête de Cromwell


L'organe tranché a même sa propre Note sur Wikipedia. Olivier Cromwell (1599-1658) venait à peine de mourir quand les troupes royalistes écossaises restaurèrent le nouveau roi Charles II en 1660.

Le 30 janvier 1661, 12 ans après l'exécution de Charles Ier et il y a donc 350 ans, le corps d'Olivier fut déterré, il fut décapité de manière postume, avec difficulté pour le bourreau comme le corps était mort depuis déjà plus de deux ans. Le crâne du dictateur militaire de la République britannique resta exposé devant Westminster pendant 24 ans jusqu'à ce qu'un orage le fasse retomber en 1685 et que la tête momifiée soit finalement déposée ailleurs.

Depuis la fin du XIXe siècle, le Parlement de Londres a au contraire une statue du Lord Protector régicide, malgré les protestations des Irlandais pour qui il fut avant tout le plus violent de tous les occupants britanniques (il aurait massacré selon les estimations entre un cinquième et la moitié de la population en 1650).

Anomie voyeuriste ou reconnexion

Chez Meilcour, une vidéo d'ethnographie d'Internet (et notamment de YouTube) par l'anthropologue Michael Wesh. Il décrit, en partant de l'analyse si frappante de Neil Postman, la montée graduelle d'une culture individualiste, narcissique de l'expression de Soi, d'un exhibitionnisme un peu nihiliste (dont la signature de "tag" paraissait aussi le symptôme le plus omniprésent en ville depuis la fin du XXe siècle, et le commentaire du Troll aujourd'hui) qui serait "contrebalancé" par une demande de nouvelles communautés encore vagues, d'une religion transformée en humanisme facile ("Nous sommes tous Un").Son histoire du progrès de la Génération Whatever ("Peu Importe") ou Meh, "Bof", serait en tension ensuite avec de nouveaux engagements, mais il donnait peu de preuves de cela à l'époque.

La "communauté" anarcho-technophile Anonymous, après ses cyberattaques de représailles pour venger WikiLeaks et quelques attaques contre l'ancien gouvernement tunisien, lance des tentatives pour rouvrir des connexions Internet vers l'Egypte par dial-up (leurs appels sont bien sûr sur l'Internet, ce qui paraît ironique s'ils n'ont pas l'accès pour avoir ces nouveaux numéros). L'accès à la Toile entre dans les Droits-libertés fondamentaux du libéralisme politique, comme la liberté d'association, la liberté d'expression et la liberté de la presse (voir la vidéo où le petit groupe de quelques pirates sait vraiment bien dramatiser son importance, ou cette page).

Malcolm Gladwell avait essayé de critiquer l'optimisme en faveur d'effets de Twitter en Iran (lors des manifestations Vertes de l'été 2009). Il appelait à distinguer en quelque sorte la quantité accrue des connexions et la "force" de ces connexions, disant qu'on avait souvent un accroissement des premières qui s'accompagnait d'une diminution des secondes : nous entrerions plus en contact mais pour nous noyer plus sous un flux de trivialités (je ne vois pas de mot français très adéquat pour des mots anglais comme "irrelevance"). On pourrait certes répondre que cette opposition du quantitatif et du qualitatif n'a pas grand sens si l'augmentation des connexions permet un "point critique de basculement" cher à certains théoriciens connus pour leurs slogans simplificateurs. Malcolm Gladwell, qui n'a pourtant pas l'air très "révolutionnaire" radical, dénonçait même un risque d'illusion idéologique où on finirait par être hypnotisés par une fuite des conflits réels vers des substituts ou des simulations de ces conflits. Les Guignols de l'Info ont bien repris ce genre de distinctions par leur gag de répétition où Aliagas admire le cybermilitantisme de hackers qui vont se contenter d'attaques symboliques sur des pages Web ("C'est extraordinaire, ils ont mis une photo de Paris Hilton sur la page d'Ahmadinejad").

Je ne sais pas comment on peut déjà mesurer l'importance réelle des réseaux d'information dans les mobilisations de masse et comment évaluer les contre-factuels. En Tunisie, Wikileaks (qui a pu contribué à faire penser que les Américains ne soutiendraient plus le régime) et les hacktivistes ne jouent qu'un rôle assez secondaire par rapport à des causes sociales et économiques qui auraient été là sans Twitter et sans Facebook. Et c'est dans la "Rue réelle" (qu'elle soit "Rue arabe" ou pas) et pas seulement dans des forums de discussion que les insurgés peuvent avoir un effet sur un gouvernement d'oppression comme l'Egypte.

Mais ensuite, sans vouloir tomber dans l'Idéologie d'un renouveau démocratique athénien, ce sont bien par ces forums que les discussions sur la sortie de crise peuvent agir une fois que la crise arrivera à sa fin, ne serait-ce que pour habituer une société civile à un pluralisme.

vendredi 28 janvier 2011

[JDR] En relisant... Casus Belli (5)

Casus Belli n°5, septembre 1981, 36 pages.

Thierry Martin, qui avait écrit les conseils pour rester fidèle à D&D dans le n°3, propose un article sur Chevalerie & Sorcellerie 1e édition (sous-titré "D&D contre C&S"). Voir cette longue review de C&S. Il donne de nombreux arguments pour préférer ce jeu de FGU, comme le nombre d'options incroyablement plus élevées (17 sortes de magiciens au lieu d'une, entre les Alchimistes, les Artificiers, les Astrologues, les Cabalistes, les Conjurateurs, les Démonologues, les Devins, les Enchanteurs, les Mediums les Nécromanciens, les Shamans, etc.). Les Ordres de Magiciens et le système de combinaisons d'éléments dans la Basic Magick inspireront directement ensuite l'Ordre d'Hermès d'Ars Magica. Je suis tout aussi convaincu que lui de la supériorité de C&S, qui a un charme incroyable, mais les règles de Magie sont complexes au point d'être injouables. Par exemple, chaque sortilège singulier du magicien a sa propre chance d'échouer qui fluctue selon un calcul compliqué sur les caractéristiques mais aussi avec l'entraînement, mais qui peut augmenter à chaque nouvel échec. C&S a, par défaut, un univers étrange : la France médiévale réelle du XIIe-XIIIe mais avec les races de Tolkien ajoutées telles quelles (avec leurs noms d'origine, Sindar, Noldor, Khuzduls, Hobbits, elles seront aussi reprises ainsi dans le monde de Hârn). Mais l'auteur signale aussi la révolution de C&S : un Magicien ne monte en expérience qu'en étudiant, plus par ses aventures. Cela implique une gestion du temps stratégique très différente (là aussi, cela va conduire à Pendragon et Ars Magica, où on joue quelques aventures par "année" dans le temps du jeu).

Devine qui vient dîner ce soir... n'a qu'une seule création originale, sélectionnée par concours d'après des envois de lecteurs, le Rigolard, un monstre hilare quadrupède qui a en plus un torse humanoïde, il frappe avec un tentacule et un fléau (et c'était la meilleure proposition...). Le reste vient à nouveau de traductions du britannique White Dwarf, décidément partenaire favori de Casus. Le Monstre "Poupée russe" (Russian Doll Monster, WD#15, octobre 1979) est un Géant de pierre, qui une fois tué libère un Ogre, qui libère un "Croquemitaine" (Bugbear), qui libère un Gnoll, et ainsi de suite jusqu'à un petit Lutin (Leprechaun) qui était le pilote de toute la Matriochka. La Toile Esprit (Mindweb, WD#14, août 1979) asservit et met en réseau ses proies, les Cavaliers de la Nuit (Night Rider, WD #17, février 1980) sont un mélange entre les Nazgûls de Tolkien (ils frappent avec une arme empoisonnée comme les lames de Morgûl) et la Chasse sauvage (le poison vous fait entrer à votre tour dans leur Chasse).

La Feuille de Personnage bilingue d'AD&D par FMF (p. 24-26) doit être la première aide de jeu qui ne soit pas de simples conseils, des monstres ou un module. Comme AD&D n'était pas encore traduit, certains des choix de traduction des termes sur la Feuille ont dû contribuer à standardiser le "Gobbledygook" franglais ("Henchmen" est "Suivants"). FMF ajoute une 7e caractéristique à distinguer du Charisme, la Beauté. Je ne sais pas du tout si c'est une innovation personnelle car Gary Gygax ne propose la Comeliness à ma connaissance qu'un an après, dans Dragon Magazine #67, en novembre 1982. Cette nouvelle option assez mal construite sera reprise dans le dernier volume de l'édition "1.5" Unearthed Arcana en 1985 (les Demi-Orcs ont -3, les Hauts-Elfes un +3).

Le module du numéro est "Le Temple de Dagon" (p. 27-34), suite de "La Gorge de Fafnir" du #4. Ce module, prévu pour le 10e Niveau, est de loin le plus développé et on a un progrès énorme. Cette fois, les deux auteurs, FMF et Didier Guiserix, ont décidé de détailler plusieurs très belles carte des extérieurs et (suprême luxe) de nommer les personnages. Il y a même une ébauche d'histoire. C'est aussi le premier scénario à inclure le monstre emblématique du jeu, un Dragon rouge ancien, Fafnir, qui donne son nom enfin à la Gorge. Mais cela reste simple, et même tellement prévisible qu'on peut se demander pourquoi ce n'est pas ce qu'il y avait dans les premiers modules officiels de TSR : les personnages doivent trouver le repaire et partir terrasser la Bête. Un des monstres les plus puissants, le Froidemalus (une sorte de chimère frigorifiante avec de multiples membres), semble être une allusion au pseudonyme de Marcela dit "Froideval".

Le "Dagon" du titre auquel il est fait allusion semble être le Dieu poisson, Père Dagon cthulhuoïde adoré par les Profonds (Deep Ones, voir Deities & Demi-Gods 1e édition p. 45), mais ici c'est un dieu de Sahuagins. Normalement, les Sahuagins vivent en mer (et adorent le dieu requin Sekolah) mais ceux de ce module doivent être des mutants adaptés à un lac d'eau douce dans un cratère de volcan. On ne trouve pas Dagon dans le Deities & Demi-Gods mais son nom est mentionné comme un simple Démon plus tard dans le Monster Manual II (1983). Les allusions à Hephaïstos/Vulcain du n°4 ne sont pas du tout reprises, mais un Maître du Donjon peut toujours choisir d'homogénéiser les références en considérant que les noms propres des Dieux ne sont que des sortes de descriptions déguisées.

Quand Casus Belli inventera son premier univers (ça va venir, dans le #13), j'espère trouver une région volcanique pour y localiser la chouette carte de la p. 28. Oui, c'est le genre de questions de continuité infantile que je me pose en le lisant...

jeudi 27 janvier 2011

Attrape-nigoogle

Je ne laisse plus faire de devoirs à la maison (sauf facultatifs) car la plupart des élèves se contentent de recopier des pages sur Internet. Pour faire un rattrapage, je n'avais pas le choix chez un élève (qui avait déjà eu un premier 0 au premier trimestre pour plagiat) et il m'a à nouveau rendu une copie qu'il ne s'était même pas donné la peine de recopier à la main, copiant-collant directement le texte par ordinateur. Le plagiat était clair dès la lecture mais j'avais beau googler les phrases les mieux écrites, aucune trace sur Internet. J'allais désespérer en me disant qu'il avait pu se la faire écrire par un mercenaire quand j'ai enfin mis sur Google un paragraphe qui apparaissait dans un site payant (3,60euros, il s'est fait avoir), qui ne laisse voir qu'un tout petit fragment.

mercredi 26 janvier 2011

L'âme et l'émancipation



Comme tout autre pays, l'Amérique n'a pas à culpabiliser pour toute son histoire pour les fautes de certains Américains du passé et il n'y a pas de Péché Originel Héréditaire qui doive se transmettre à toute une nation. Mais le problème posé par l'esclavage aux USA, aboli depuis près de 150 ans, est qu'il hante toujours l'âme d'une Nation religieuse, qui croit qu'elle devait être pure et sainte depuis sa naissance.

Au lieu de concéder simplement que Washington et Jefferson étaient parfois des hypocrites, certains conservateurs veulent donc vivre dans le déni. Michelle Bachmann, la Folle-en-Christ du Minnesota, vient de déclarer que les Pères Fondateurs avaient "lutté jusqu'au bout contre l'esclavage", ce qui est factuellement et facilement réfuté. Cf. Adam Serwer et Jamelle Bouie qui rappellent des détails horribles (comme le Père de la Nation George Washington qui, en 1784, fit arracher neuf dents à ses esclaves pour se faire une prothèse).

Une des caractérisations du siècle des Lumières est cette hypocrite ambivalence sur le fait de retirer tout droit à certains êtres humains. Les Anciens se servaient de mauvais arguments pour justifier l'esclavage (Aristote disant qu'il y a des humains faits pour servir "par nature", alors qu'il ne pouvait pas croire que son maître Platon, vendu aux galères, était de cette "nature"). Mais les Anciens devaient quand même croire spontanément que l'institution avait quelque chose de naturel dans son universalité.

Au contraire, les Occidentaux des Lumières savaient que ce qu'ils faisaient était criminel. On a de nombreux textes qui l'attestent, même chez les esclavagistes. John Locke dit que l'esclavage ne peut se justifier par un contrat (contre Grotius ou Hobbes) mais seulement par le droit de la guerre, et encore seulement si cette guerre a été justifiée comme une défense. Cela ne l'empêche pas d'avoir des esclaves. Les mêmes rumeurs courent sur Voltaire (pas sur Rousseau, mais il se souciait plus d'esclavage métaphorique aux moeurs que de dénoncer l'esclavage réel).

Thomas Jefferson, théiste rationaliste, dit dans un texte célèbre que lorsqu'il contemple cette institution il ne peut que craindre que Dieu ne soit juste et que sa nation doive un jour subir son courroux.
Indeed I tremble for my country when I reflect that God is just: that his justice cannot sleep for ever: that considering numbers, nature and natural means only, a revolution of the wheel of fortune, an exchange in situation, is among possible events: that it may become probable by supernatural interference!

Mais cela ne l'empêche pas de ne pas affranchir 90% de ses esclaves (Washington ne les affranchira que par testament). Il écrivit dans une version de la Déclaration d'indépendance que l'esclavage était seulement de la faute de la Couronne britannique, puis (quand les Britanniques affranchirent des esclaves qui acceptaient de se battre dans l'Armée loyaliste) il reprocha au contraire à la Couronne de violer le droit de propriété des Sudistes. Jefferson s'en tirait par l'argument des pervers et des procrastinateurs : il faut arrêter ce crime, mais... pas tout de suite ("sed noli modo"), il faudra un peu de temps, ils ne sont pas encore prêts, c'est aussi pour leur bien, il faut d'abord les habituer à la liberté en les gardant asservis quelques générations.

Jamelle Bouie mentionne plusieurs Fondateurs qui furent des abolitionnistes. Alexander Hamilton, le Publius des Federalist Papers, père de la Constitution et centralisateur, tué en duel par Aaron Burr en 1804. John Jay, premier Président de la Cour Suprême, qui avait proposé une abolition totale dans l'Etat de New York pour 1799 (le projet fut d'ailleurs soutenu par le si détesté Aaron Burr, qui allait même jusqu'à évoquer le suffrage féminin). La France et les USA souffriraient moins de leur hypocrisie si elles avaient pu persister dans cette tentative d'abolir dès les années 1790 au lieu des années 1850-1860.

Aaron Burr est haï comme le meurtrier d'Hamilton (dans ce geste du Duel qui symbolisait les derniers échos d'une morale aristocratique dépassée) mais aussi parce qu'on l'accusa de tentations dictatoriales. Ancien héros de l'Indépendance, il aurait cherché à organiser un coup d'Etat militaire pour devenir le Napoléon, le Bolivar ou le César de cette nouvelle République mais il a toujours nié pendant son procès qu'il levait une milice. Mais même si lui aussi a possédé deux esclaves, il semblait un peu plus cohérent que le Virginien Jefferson. Il serait ironique que celui qui symbolise (peut-être injustement) le risque que les USA aient pu tomber dans une forme de caudillisme dictatorial soit aussi associé avec la possibilité de liberté pour tous les ressortissants sur le sol.

Et sans vouloir sermonner et ramener toute histoire à un examen de conscience, cette hypocrisie fascine aussi parce qu'il est probable que nous la partagerions sur d'autres sujets. Par exemple, toute personne de bonne foi, sauf peut-être le libertarien le plus doctrinaire ou l'assureur le plus inhumain, concéderait que la santé ne devrait pas dépendre du revenu. Même sans imaginer un progrès moral à tout point de vue, il est pensable que cela deviendra une telle évidence qu'on ne pourra plus songer à notre époque, y compris dans la majeure partie du monde industrialisée, que comme un résidu de barbarie.

Tirer la couverture


Via, le site Better Book Titles fait un travail salutaire de correction des titres.

Il sera universellement admis que si Dostoievski avait connu certains aspects contemporains de la politique du logement urbain hors de Saint-Petersburg, il aurait trouvé un meilleur titre que "Crime et Châtiment".


Il reste une erreur : le Parti en question utilise souvent "2" à la place de "Too". Ce serait bien plus radical en montrant la rébellion infinie de Raskolnikov, contre la langue elle-même.

[JDR] En relisant... Casus Belli (4)

Casus Belli n°4, juin 1981, 36 pages.

Une jolie couverture de Science-Fiction de Claude Lacroix (j'imagine qu'il s'agit du scénariste du Cycle de Cyann ?), mais ce vaisseau spatial est sans rapport avec les articles du numéro, qui restent D&D-centriques.

Devine qui vient dîner ce soir... continue la traduction de créatures de la revue britannique White Dwarf, avec le Gurgotch (un éléphant démoniaque, WD #14), le Contemplateur (Gazer, WD #14) et le Pstôr (un chien ailé loyal bon, je ne retrouve pas du tout le nom originel, est-ce le Devil Dog ?).

Mais ce numéro retourne surtout aux parodies du #1, et il a les caractéristiques du célèbre Gros Bill (8 dés de coup, CA -7), caricature d'un des joueurs d'AD&D du club de la Rue d'Ulm où jouaient François Marcela-Froideval et Didier Guiserix. Le Gros Bill (1) trichait en se donnant des bonus supplémentaires et (2) accumulait de manière immature des tas d'objets magiques pour monter en puissance. Le terme de grosbillisme me semble plus avoir porté sur ce second sens, même quand c'est fait sans tricher (ce qui revient donc au sens du terme anglais "Powergamer" et "Munchkin"). Le personnage sera réédité plusieurs fois, notamment dans Casus Belli n°25 et même des joueurs n'ayant jamais fait de D&D réutiliseront le nom (le malheureux Gros Bill originel est, paraît-il, lassé de la renommée de son ancien pseudonyme). Il y a aussi un autre monstre parodique, le Jihk-Hell (qui va être renvoyé du journal de TF1 juste à cette date avec l'alternance politique de 1981).

L'auteur des conseils sur D&D dans le n°3 explique les règles de résistance au sort de Sommeil et des détails sur l'armement qui font penser à tout le fétichisme de Gygax pour les diverses sortes de piques ou de voulgues.

Le module du numéro est "La gorge de Fafnir" (Niveau 5-7, 5 pages) par FMF. C'est à nouveau la demeure d'un magicien (anonyme), mais le cadre est assez original, avec un pont de marbre au-dessus de la lave dans un volcan, et un lieu dédié au dieu Héphaïstos/Vulcain (mais ce thème du Dieu des Volcans n'est pas plus exploré, c'est au Maître du Donjon d'ajouter "les légendes de son crû"). La construction est peuplée de Troglodytes, de Géants de Feu et même quelques créatures apparues dans les Devine qui vient dîner précédents (Cerbérosphères du #1, Grimoires de l'Ultime Sagesse du #3). La référence à Fáfnir n'est pas explicitée ici et le magicien anonyme n'est pas décrit (peut-être parce qu'après avoir affronté des Géants de feu, les personnages seraient épuisés ?), même si on peut retrouver des courtisanes dans sa chambre. On verra que le module du n°5 ("Le Temple de Dagon") est censé être la suite de celui-ci avec une carte des alentours bien plus développée (on y apprend que le magicien anonyme du castel sur la lave s'appelle Kelek et que "Fafnir" est bien un Dragon rouge).


Dessin Casus Belli p. 28, © Didier Guiserix, 1981
Guiserix est une des principales forces de Casus Belli et j'imagine qu'il y a peu d'artistes de jeu de rôle qui nous auront autant marqués (pas même le Tignous de Rêve de Dragon).


Je dois reconnaître que ce joli plan donne quand même envie d'y jouer à condition de motiver plus la localisation sur ce volcan (mais le numéro suivant aide à préciser cela). Mais il est vrai que dans ce genre géologique, on a depuis toute une campagne de D&D3, sur la Cité de Chaudron, bâtie sur un cratère qui semble éteint.

Les Nouvelles du front se développent. Elles annoncent un wargame, La Bataille de Nancy (en disant que le jeu est trop simplifié et monotone) et comme j'étais fan de Quentin Durward (qui se déroule vers 1468), ce titre sur la mort de Charles le Téméraire en 1477 me faisait rêver (le club de jeux de Nancy s'appellera d'ailleurs Les Loups du Téméraire). On donne aussi des conseils pour trouver AD&D en France et, comme D&D n'est pas encore traduit, Casus prépare la première Feuille de personnage en français pour les joueurs réfractaires à la langue de Walter Scott.

Un détail amusant : l'auteur (FMF ?) dit qu'il faudra acheter Gods, Demi-Gods & Deities (il mélange le titre du supplément IV avec le Deities & Demi-Gods qui vient de sortir en 1980). Il précise que c'est utile pour les Clercs mais aussi parce qu'à partir "d'un certain niveau" pour tous les personnages, "les Demi-Dieux remplacent les monstres au bout de leurs armes" (page 34). Oui, l'auteur préconise donc bien d'utiliser le guide des Dieux comme un Manuel des Monstres de haut niveau, exactement ce que FMF dénoncera comme navrant quelques années après comme une épidémie de "grosbillisme". C'est ici une clef de ces diatribes contre le Gros Bill. C'est aussi un sentiment de culpabilité contre certaines de nos dérives, contre ses propres préférences, si son héros Wismerhill est représentatif...

Les livres d'AD&D sont à l'époque à 140 Francs de 1981, soit, selon l'Insee, environ 54 Euros d'aujourd'hui. Les jeux de rôle actuels sont donc en gros moins chers : pour 40-50€, on a sans doute une présentation supérieure au vieux Player's Handbook (même s'il est difficile de comparer les pages et le nombre de signes qui était hyperdense). En revanche, Casus Belli de 36 pages en Noir et Blanc coûte seulement 9 Francs 1981 (soit environ 3,50 € 2010).

mardi 25 janvier 2011

[JDR] Mondes en boite


Le très prolifique créateur de jeu de rôle Steve Long (qui a écrit Lord of the Rings RPG et d'innombrables produits de Hero Games) a un éditorial où il se désole que le jeu de rôle "générique" des débuts des jeux de rôle créait des "Propriétés Intellectuelles" originales (comme par exemple Tékumel, Glorantha, l'Imperium de Traveller, Shadowrun/Earthdawn) alors que le jeu de rôle actuel vit maintenant plutôt centré sur le parasitage d'IP venues de romans, de films ou de séries (comme son propre jeu sur Tolkien, d'ailleurs). Selon lui, cela pourrait enfoncer le jeu de rôle dans une dimension plus passive, moins créative que par le passé, ce qui signerait son passage dans la décadence et l'obscurité.

MGK répond que désormais les rôlistes ont trop vieilli pour chercher encore de nouveaux univers (il y en a déjà trop) et que les seuls qui pourront encore avoir l'énergie de développer de nouveaux univers seront plutôt des compagnies de MMORPGs, qui peuvent être commercialement viables, et plus les jeu-de-rôle-sur-table. La relation commence en effet de s'inverser : auparavant les jeux informatiques adaptaient (souvent mal) les jeux de rôle (D&D, Traveller, Jorune, Das Schwarze Auge) et à présent ce sont des jeux sur table qui reprennent les univers de jeux informatiques comme Diablo, Everquest, Warcraft ou DragonAge.

De nouveaux mondes ne trouvent plus de public. Il fallait être à l'Aurore du hobby quand tout était encore innocent pour pouvoir intéresser quelqu'un à sa propre campagne (et franchement, je ne crois pas que je m'intéresserais vraiment à Blackmoor et à Greyhawk s'ils étaient sortis seulement dans les années 90). Même moi, qui suis plutôt un collectionneur de mondes, j'ai du mal à rassembler de l'enthousiasme pour la 50e variante originale, comme en ce moment Squawk (où on joue des dinosaures intelligents) ou Arrowflight (encore un nouveau jeu de fantasy-Renaissance). Mais cela n'empêchera pas les rôlistes-sur-table de continuer à faire des "sous-créations" dans leur coin - même si je doute qu'on voit un jour sortir un autre univers de la qualité de Glorantha pour la mythologie ou de Tékumel pour l'exotisme.

James Maliszewski, qui a pourtant été longtemps un professionnel du jeu de rôle, dit souvent ne pas être vraiment désolé que le jeu puisse redevenir un hobby de passionnés, hobby retiré du réseau vraiment commercial, dans la gratuité du don sur Internet, où les jeux peuvent se développer de manière "organique" sans contraintes de marketing et sans "Mondes en boite".

Mais en ce cas, je serais plutôt d'accord avec l'argument de ChicagoWiz : la Renaissance Old School montrerait peut-être mieux sa fécondité en créant de nouveaux mondes de campagne (en dehors de Carcosa) et pas seulement des variantes très similaires de D&D. Il est vrai que je suis biaisé pour le Fluff (le récit) par rapport au Crunch (la forme des règles de simulation), même si un charme des jeux de rôle est que les deux sont clairement complémentaires, bien plus clairement que d'autres clivages entre les lettres et les maths ou l'imagination et la rigueur.

Démosthène et les Idoles


  • Le Discours du Roi a l'air assez divertissant si on le considère comme une fiction (le Bègue devient Démosthène et sauve sa nation du fascisme à lui tout seul en réussissant à vaincre les démons de l'Inconscient), mais Christopher Hitchens fait remarquer que si le film présente enfin le Roi Edward VIII comme un fasciste pro-nazi (au lieu d'un mari romantique), il peut aussi faire croire que Churchill soutenait le passage du Trône à George VI (bien que Churchill ait lutté contre Chamberlain, il était partisan de garder le jeune roi nazi) et, à l'inverse, le film oublie que son successeur George VI sortit de sa neutralité royale pour soutenir publiquement contre Churchill et l'Opposition la politique d'appaisement du premier ministre Chamberlain pendant les accords de Munich.

    Mais, comme le montrait The Queen, on aura droit à une campagne médiatique pour faire accepter encore une fois à ce peuple burkien que leur dynastie de Hanovre-Saxe-Cobourg-Gotha serait vraiment le ciment de leur unité nationale par leur fragile humanité transcendée par le Corps mystique du Roi-Thaumaturge ("Harry" se métamorphosant en Henry V).

    In a few months, the British royal family will be yet again rebranded and relaunched in the panoply of a wedding. Terms like "national unity" and "people's monarchy" will be freely flung around. Almost the entire moral capital of this rather odd little German dynasty is invested in the post-fabricated myth of its participation in "Britain's finest hour." In fact, had it been up to them, the finest hour would never have taken place.




  • Je ne sais si c'est vrai mais ce bègue fait remarquer que l'explication psychanalytique du bégaiement utilisée dans le film (de manière purement romanesque) serait plutôt discréditée dans la littérature scientifique actuelle.
    The best research has failed to show that people who stutter, as a group, are more neurotic or have more psychological disorders than those who do not stutter. We do not think that children begin stuttering because of any serious emotional difficulties.
    What, then, causes stuttering? The only honest answer is that nobody really knows. Various brain scanning studies have identified a few interesting correlations, such as abnormal circuitry in the basal ganglia.   (Damage to the basal ganglia can also trigger sudden adult onset stuttering.) Interestingly, stutterers seem to show increased activity  in areas of the brain devoted to speech movements, such as the primary motor cortex. It’s as if the stammer is triggered by an excess of planning, much like the yips in golf. What’s important to note is that these differences aren’t triggered by deep-seated emotional problems. Instead, they are mostly mechanical defects, rooted in the machinery of translating our thoughts into a set of complex bodily movements.

  • Edroso ironise sur les commentateurs "républicains" (au sens américain actuel, pas au sens réel) qui y voient un grand film "conservateur" et imagine qu'ils pourraient aussi bien dénoncer dans d'autres circonstances un film en faveur du Freudisme et de minorités bègues traumatisées par leur enfance comme dans l'article du WSJ ci-dessus.

  • Les eaux glacées du calcul



    Chris Bertram ironise sur la décision de la Cour constitutionnelle allemande en 2006 qui avait décidé que si un pirate de l'air détourne un avion et menace de le lancer sur une ville, il n'est pas pour autant légalement admissible de tirer sur l'avion pour le descendre.

    L'argument de la Cour repose sur l'idée kantienne que tout individu a une "Dignité" qui ne peut être mesurée, comparée ou quantifiée. Nul n'a le droit de sacrifier N personnes pour en sauver N+1. Ou comme le dit la Loi fondamentale, art. 1, 1 (vf) :
    "Die Würde des Menschen ist unantastbar. Sie zu achten und zu schützen ist Verpflichtung aller staatlichen Gewalt."
    La dignité de l'être humain est intangible. Tous les pouvoirs publics ont l'obligation de la respecter et de la protéger."

    En acceptant de tuer les passagers infortunés, l'Etat les réduirait alors à l'état de "moyens", d'arme utilisée par les pirates contre leur volonté (même si l'Etat a un droit de légitime défense préventive et qu'il disait que c'étaient seulement les pirates qui pratiquaient cette instrumentalisation). La conception déontologique pure de la dignité interdit donc tout calcul conséquentialiste.

    Bertram trouve la position ridicule ("une réduction par l'absurde" du Kantisme).

    L'argument dans les commentaires est que puisque les passagers vont mourir de toute manière dans ce cas, ce n'est pas sacrifier N personnes pour en sauver N+K, mais hâter la mort de N condamnés pour sauver les K personnes (alors que ne rien faire serait donc être responsable de la mort de ces K personnes par omission). Présenté ainsi, l'argument conséquentialiste paraît en effet très conforme à des intuitions (même si Bertram ajoute à la manière williamsienne qu'il ne croit pas non plus au Conséquentialisme dans toutes les circonstances).

    Si l'Etat s'arroge le droit de tuer ces N personnes (qui certes, vont mourir de toute manière) de manière préventive, peut-il vraiment prouver qu'en le faisant il a sauvé ces autres vies ? Peut-il prouver qu'il n'a pas pu détruire l'avion au moment où les otages allaient se libérer ? Et pour aller plus loin dans un Argument qui risque d'être vers la "Pente Glissante" : Peut-il alors aussi tenter des expériences médicales sur N personnes malades condamnées pour en sauver 1000xN ?

    La solution la plus casuistique paraît être de ne pas adopter la règle que l'Armée doit le descendre, mais de l'appliquer éventuellement de facto. Dans un cas particulier, les autorités pourront toujours descendre l'avion quand même et juger les responsables en leur donnant éventuellement des circonstances atténuantes. C'est un peu absurde mais cette hypocrisie est plus souple que de marquer dans le marbre que l'Etat a vraiment en général le droit de faire ces "équations froides" de Trolleys.

    lundi 24 janvier 2011

    Retour à l'origine ?


    Via Leiter, la question habituelle sur la philosophie analytique contemporaine : (1) Existe-t-elle comme une unité bien constituée ? (2) Quel est son critère d'existence ?

    L'auteur semble dire qu'elle n'existait qu'en s'opposant à Bradley, depuis environ 1900 et qu'en revenant à ses questions métaphysiques depuis la fin du XXe siècle, elle s'auto-dissout donc en une victoire ironique pour l'adversaire originel. L'analytique serait réabsorbé par le systématique.

    En effet, historiquement, l'idée même de philosophie analytique était née avec Russell et Moore d'une révolte contre une métaphysique, mais une métaphysique particulière, l'Idéalisme de Bradley (qu'on dit "hégélien" en gros, même s'il ne conserve qu'une partie de l'Hégélianisme). Pour Bradley, la réalité absolue est une totalité impossible à analyser par des concepts logiques (du moins dans la logique de l'entendement au sens habituel - il lit l'Absolu d'une manière finalement plus proche de la dialectique kantienne) et il en est de même pour de nombreux concepts qui seraient intrinsèquement contradictoires si on les sépare d'une totalité absolue.

    La philosophie analytique de Russell était donc fondée sur un réalisme analytique : il y a du simple, il y a une réalité indépendante de l'esprit, qui doit pouvoir être divisée par des concepts logiques distincts (cela conduit à la thèse de l'atomisme logique des particuliers et des relations, et cela peut s'appuyer aussi sur le "Platonisme" de Frege), mais Moore ajoutait que l'analyse conceptuelle elle-même posait un problème dès que l'analyse n'était pas triviale (si elle surprend, est-ce encore une analyse ou une redéfinition ? si elle ne surprend pas, est-elle complètement sans aucune information ?).

    Russell faisait déjà de la métaphysique, mais anti-hégélienne. Sortir de l'illusion séductrice de la Dialectique est la grande affaire du milieu du XIXe siècle. Sa manière à lui de rompre avec Hegel n'était pas le matérialisme ou un perspectivisme anti-progressiste, mais la défense de la Logique nouvelle de Frege et de ses capacités analytiques qui devaient lui permettre d'unir les impressions de Hume et la systématicité de Leibniz (les deux conduisant au Logicisme). Le Comte Russell est un peu intempestif dans les strates que certains prétendaient appeler une "épistémé". Métaphysicien et sceptique, c'est un homme des Lumières projeté au siècle de Hilbert et de la Relativité d'Einstein.

    Le sens de la philosophie analytique a ensuite changé avec les Pragmatistes et les Néo-Positivistes, qui, eux, voulaient être des Empiristes radicaux, scientistes et anti-métaphysiciens (même s'ils continuaient encore le projet russellien d'analyse des concepts). [Je laisse de côté les Wittgensteiniens du Langage Ordinaire, mais je les rangerais bien aussi dans ce genre de mouvement comme des pragmatistes encore plus "sceptiques".]

    Russell se méfiait à la fois des Pragmatistes (qu'il jugeait encore trop "hégéliens" dans leur manière de refuser la Vérité Correspondance et d'exalter l'Instrumentalisme ou le Cohérentisme) et des Néo-Positivistes (parce qu'il voulait une métaphysique réaliste et non le dépassement empiriste de la métaphysique).

    Puis arriva le logicien Quine, qui développa la logique de Russell avec une nouvelle rigueur pour abandonner complètement l'idée d'une distinction claire entre l'analytique et le synthétique. Dès lors, le terme même de "philosophie analytique" devenait ambigu si l'analyticité était en partie une question de convention linguistique. Quine était clairement du côté empiriste, pragmatiste, anti-métaphysique et autour des diverses "logiques", il n'y avait donc plus que des degrés continus de croyance (holisme épistémologique) et plus aucune fondation philosophique ultime.

    C'est le paradigme du Naturalisme : "Il n'y a pas de philosophie première". La philosophie doit abandonner le projet fondationnel, car il n'y a que diverses sciences plus ou moins réfutables, plus ou moins proches de l'empirique, et la philosophie doit simplement clarifier certains faux problèmes pour aider les divers champs plus ou moins imbriqués de la toile de nos sciences.

    Même si on a abandonné le behaviorisme de Quine depuis la nouvelle philosophie de l'esprit et les sciences cognitives dans les années 1960, ce Naturalisme quinien est resté dominant avec des formes plus "métaphysiques" (le Physicalisme comme thèse qu'aucun phénomène n'échappe en droit à une explication en termes physiques).

    Mais depuis les années 1970, et notamment à cause de problèmes fondationnels sur le réductionnisme physicaliste, le refoulé métaphysique est donc revenu, d'abord chez certains Naturalistes comme Putnam ou même Kripke (la question de l'essentialisme), puis chez des Physicalistes qui reconnaissaient plus honnêtement qu'ils faisaient de la métaphysique : David Lewis et David Armstrong.

    Armstrong part du principe qu'il n'y a pas d'énoncé vrai sans un fait qui le rend vrai (Truthmaker). De ce principe qui a l'air innocent sortent les nouveaux Réalismes : réalisme sur les Universaux ou sur les propriétés dispositionnelles ou réalisme sur les mondes possibles (et un héritage récent est un troisième David, David Chalmers et son Dualisme naturaliste fondé sur un rationalisme modal qui paraît un retour au dogmatisme wolffien).

    Le Naturalisme post-quinien n'a pas complètement abandonné - Yablo en est peut-être une des formes intéressantes. Mais le pragmatisme dans sa forme "métaphysique" a même accouché d'un renouveau néo-hégélien avec McDowell et Brandom (bien entendu, c'est ce courant-là que la phénoménologie française va essayer d'exploiter).

    Contrairement à ce que dit le lien, le retour de la philosophie anglophone à des discussions de la métaphysique hégélienne n'est donc pas la mort de la philosophie analytique russellienne avec ce spectre de Bradley et McTaggart.

    C'est une tension qui vient du Réalisme russellien lui-même dans sa lutte contre l'Hégélianisme et surtout du Pragmatisme. La philosophie dite "analytique" avait été marquée par un pragmatisme assez idéaliste et un empirisme phénoméniste (même le réalisme de Russell n'y échappait pas complètement et il était tenté par des sense data "objectifs" en plus du réalisme des Relations). Elle ne pouvait donc pas dépasser vraiment la métaphysique, seulement tenter une discipline pour éviter le jargon de l'Absolu hégélien.

    La dialectique de Bradley n'avait pas été complètement stérile. Elle a pu habituer Russell au Troisième Homme (Quelle est la relation entre la relation et les relata ?), ce qui l'a conduit aux raffinements du Paradoxe d'Auto-prédication en Théorie des Ensembles et à la Théorie des Types ramifiés.

    Mais, quels que soient ses défauts, Bertrand Russell reste plus clair que toutes les théologies de la fin de l'époque victorienne, y compris le pragmatisme. La métaphysique (post-)analytique reste en danger d'être une nouvelle scolastique mais pas vraiment de retomber dans un jargon vide de Bradley. Même quand on reprend un vocabulaire à McTaggart, ce n'est plus pour affirmer que le Temps n'existe pas dans l'Absolu.

    [JDR] En relisant... Casus Belli (3)

    Numéro 3 (février 1981, 32 pages)

    Devine qui vient dîner ce soir : L'Istaelioth est un hybride démoniaque (comme le cambion ou le tiefling) à l'apparence repoussante (10% de peur panique). Le Grimoire de l'Ultime Sagesse est un monstre déguisé en livre, qui tente d'étouffer ses lecteurs entre ses pages.

    Les autres créatures, que je ne trouve pas très intéressantes, sont toutes tirées de la rubrique Fiend Factory de White Dwarf : Le Bloqueur de temps (Time Freezer, WD #15, 1979) est une sorte de singe qui met ses cibles en stase temporelle. La Vierge de glace (Ice Maiden, WD #14) transforme de même ses victimes en statue de glace. Le Chien de Dragon (Dragon Dog, WD #15) crache du feu. Les Gnomes des galets (WD #15, Pebble Gnome) ont une immunité totale à la magie (y compris les sorts de Soins).

    Ce numéro 3 ajoute à la faune une nouvelle rubrique sur des objets magiques, le Bazar du Bizarre, avec une Potion de souffle de Dragon et la Clef Sésame qui sert de passe-partout universel (avec 62% de chance d'ouvrir n'importe quelle porte).

    Le module, Le Guêt des Hautes Terres (Niveau 1-3), par Fabrice Sarelli (qui deviendra plus tard directeur de l'édition française de Dragon Magazine pour Hexagonal), n'a toujours pas d'histoire, rien que des plans, des salles, des gardes (plus un istaelioth de ce numéro) et des trésors. Cette fois, l'ennemi, le "Maître des lieux" n'a même pas de nom propre ou de fonction, ce qui est une régression par rapport au scénario, pourtant déjà très abstrait, du n°2 où "PK" avait au moins un vague passé. Il y a quelques pièges un peu trop arbitraires (du genre : cette porte doit être utilisée pour se téléporter mais cette autre pièce met dans le coma celui qui y entre).

    Puis un nouvel article de conseils pour D&D, par Thierry Martin. Il devait être vraiment un Grognard, même pour 1980, car il ne mentionne que les règles originales de D&D et pas AD&D ou Basic D&D. Il commence en disant de ne surtout pas mélanger D&D avec des "plagiats" comme Runequest (sic) pour ne pas "détruire le sacro-saint équilibre du jeu". Son ton très sérieux semble amusant dans son "fondamentalisme" (à sa décharge, il annoncera sa conversion à Chivalry & Sorcery dans Casus n°5 avec un enthousiasme tout aussi total). Les articles de conseil des n°1-2 disaient que chacun adaptait ses règles de D&D mais l'auteur professe qu'il ne faut surtout pas chercher à modifier des règles déjà parfaites car Gygax a déjà "réfuté" (sic) toutes ces hérésies. Par exemple, un mort-vivant doit retirer des Niveaux à ses victimes et pas simplement des Points de Constitution (c'est plutôt cette dernière option qu'a adopté D&D dans sa 4e édition). C'est un peu le Djihad Gygaxien qui parodie certains des articles les plus directifs de Gary Gygax quand il commence à s'impatienter devant la dispersion des Règles "Maison" et l'arrivée de concurrents. C'est un point central du jeu de rôle par rapport aux autres jeux : les règles sont tellement fluides qu'on peut imaginer qu'il n'y ait pas deux groupes qui adoptent les mêmes versions en pratique. Même Gygax a avoué, bien des années plus tard, qu'il ne suivait pas vraiment toutes les règles d'AD&D et se contentait d'une version intermédiaire entre D&D et AD&D... L'article recommande aussi de créer un monde et de ne pas en rester au Donjon. Le modèle est bien entendu World of Greyhawk.

    Il faudra attendre juste après le départ de FMF Casus Belli n°12 (décembre 1982) pour que Frédéric Armand (pourtant plutôt wargamer) écrive un article tout aussi virulent en faveur de Runequest et Glorantha contre les "incohérences de D&D". Denis Gerfaud fera une série de conseils dans Casus n°16-19 pour se désintoxiquer de D&D et passer à Runequest, ce qui conduira d'ailleurs à son propre premier jeu, Rêve de Dragon.

    [JDR] Des nouvelles de Tékumel (en 1976)



    Pour les joueurs d'Empire of Petal Throne, Muhammad Abd-al-Rahman Barker avait fait deux articles, dans Strategic Review n°7 (avril 1976, p. 20-21) puis dans le numéro spécial du Dragon Magazine n°4, décembre 1976, "A la Gloire éternelle de l'Empire du Trône de Pétale". Les deux articles sont librement distribués sur le site officiel du monde de Tékumel.

    Il s'agit de récits des nouvelles "récentes" dans la campagne de M.A.R. Barker et certains des personnages mentionnés semblent être des personnages-joueurs. Ce sont des idées de scénarios pour le jeu, qui sont censés être des dépêches déposées dans les archives de la Chancellerie Impériale d'Avanthár. Ces brèves nouvelles sont une bonne idée pour donner des impressions des factions et événements dans ce monde, même si c'est un peu ancien et renvoie à l'époque avant la Guerre Civile entre les Princes royaux.

    Je ne vais pas toutes les traduire comme elles sont sous le copyright du Professeur M.A.R. Barker et de la Tékumel Foundation, mais je vais seulement les résumer, en perdant hélas la saveur du style fleuri de la langue protocolaire qu'a inventé le Professeur pour son Empire hyper-formaliste.

    [Sur Tékumel, j'ai fait un survol de la dernière édition, un descriptif des Dieux, un survol d'un scénario de 1984, une critique d'un roman en Livyánu, Lords of Tsámra et d'un autre, Prince of Skulls. Hm. Je devrais peut être créer une étiquette "tékumel" pour les posts finalement...]


  • Un Prêtre de Keténgku le Scribe a découvert sur une carte à l'est d'Urmish (en Urudai, voir la carte) une Route Sakbe inconnue, même des services secrets de la Légion Omnipotente d'Azur. Mais quand il a essayé d'explorer cette route, il se sentait mal, tout semblait s'assombrir, toute vie disparaissait autour de la route Sakbe inconnue. Il a dû rebrousser chemin et cherche un moyen de l'explorer à nouveau.

  • Le Prince Royal Eselne a survécu après une attaque par un groupe de serudla sur la Route Sakbe près des Hauteurs d'Atkolel, alors qu'il se rendait à Chéne Ho pour voir le Général Kettukal.

  • Dans les taudis de Purdimal, le culte de l'ancienne Déesse de l'Ossement Pâle, la divinité paria antérieure au Panthéon des Dix Dieux, serait encore actif. Toute tentative d'éradiquer cette secte interdite doit lutter contre les descendants à demi humains de la race qui vivait là auparavant.

    A Thráya, des jeunes fanatiques de Chegárra le Héros veulent lancer une guerre sainte contre les Temples du Changement, contraire au Compromis.

  • Le jeune administrateur d'origine barbare de Ferinára a obtenu la grâce impériale en battant en "bataille rituelle" un groupe de la Légion des Etrangers de Yán Kór. [Une convention d'Empire of Petal Throne étant que les PJ peuvent commencer comme des immigrés "barbares" pour simuler leur ignorance des coutumes de l'Imperium, qui n'est pas complètement fermé à quelques doses de méritocratie.]

  • Des prêtres de Vimúhla le Destructeur à Jakálla ont découvert dans les labyrinthes sous la cité des reliques des Anciens, dont un étrange Oeuf qui les faisait passer vers d'autres mondes (dont une ville abandonnée, la Cité aux Toits d'Ardoises Rouges), et ce qui semble être une machine de guerre avec des tentacules (le Vriyagga). Certains de ces Oeufs seraient l'une des Clefs de la Chambre bleue où dort Ksárul le Magicien mais ces ruines sont infestées par un groupe de Ssú mutants particulièrement puissants.

  • Le Seigneur Serqu, l'Epée de l'Empire, a été envoyé à Khirgar pour venger une défaite devant les Yán Kóryani.

  • Le Seigneur Chiringga, Gouverneur de Jakálla, est sous étroite surveillance pour son alliance avec la faction "Royaliste" des anciennes familles nobles. Il doit être envoyé avec l'ancienne Légion de Jakálla vers Khirgar.

  • Les agents en Mu’ugalavyá disent avoir trouvé des tombes avec des inscriptions en Llyáni qui parlent d'un danger "pire que le Mal" sous la cité de Chochi, où vivent des Ssu.

  • Le conseiller du Baron Áld du Yán Kór, Fu Hsi, du peuple mystérieux des Mihalli, aurait essayé d'assassiner la Princesse Ma'in, qui fut sauvée par son demi-frère, le Prince Rereshqala. On dit que ses agents ont réussi à infiltrer tous les niveaux de l'Empire. Mais depuis la tentative d'assassinat, les deux enfants royaux vivraient avec des amants issus du Temple de Dlamélish aux Yeux Verts, ce qui fait soupçonner un complot du Temple de la Déesse des Tentations charnelles.

    Le Mihalli Fu Hsi, qui peut changer de forme, aurait aussi tenté d'assassiner le Gouverneur de Ferinára.

  • Un prêtre de Dlamélish aux Yeux Verts à Penom dit avoir découvert que le traffic de la drogue Zu'ur, le narcotique si toxique dans tout l'Empire, serait lié à des navires de la race maudite des Hlüss. Ce prêtre a demandé son transfert loin de Penom, pour rejoindre à Fasiltum le Gouverneur de Ferinára.

  • La courtisane Tsauhl de Livyánu à Bey Sü serait aussi une des organisatrices de ce trafic de Zu'ur avec les Hlüss, et peut-être avec le soutien du Mihalli Fu Hsi. Toute personne obtenant des renseignements sur cette substance mortelle sera récompensée et tout vendeur sera condamné à l'Empalement le plus déshonorant.

  • Le Prince Royal Dhich'une est accusé de couvrir les actions de la Légion de Ketl, liée à son culte de Sárku le Ver. Leur charte les autorisait à droguer ou à enlever des citoyens pour les recruter sous la contrainte parmi les gardiens des profondeurs sous Bey Sü, les Puits de Tolek Kana, où le culte de Sárku pratique ses immondes orgies nécrophiles. Le Prêtre Daonar de Vimúhla le Destructeur, un favori de la Princesse Ma'in, a été leur prisonnier et la Charte a été modifiée pour ne plus autoriser les enlèvements de hauts-dignitaires.

  • Gamalu, le nouveau Grand Prêtre de Thúmis le Sage, qui a reçu le fief de Paya Gupa, a été élu comme compromis entre les trois factions internes du culte, le Haut Primat de Bey Sü, le Seigneur Durugen hiNashomai, le Grand Adepte du Haut Conseil, le Comte Rirutlu hiVrazhimy, et le Grand Prêtre de Jakálla, le Seigneur Kashonu hiSsaivra.

  • Un Oeuf sous Bey Sü permettrait de conduire directement vers la Cité perdue de Bayarsha, qui est entourée d'une jungle impossible à traverser. Le problème est que la Cité semble impossible à infiltrer car les habitants de Bayarsha sont télépathes et se reconnaissent tous entre eux. Il faudrait donc trouver un moyen pour passer inaperçu pour en rapporter certains des fabuleux trésors. Plusieurs cultes du Changement, dont le Temple de Hrü'ü du Néant et de Ksárul le Magicien, luttent entre eux pour obtenir le passage secret vers Bayarsha et on dit qu'il y aurait aussi des expéditions privées et des agents de Livyánu.

  • Le gouverneur de Ferinára a voulu armer une armée d'esclaves mais ils se sont révoltés, conduits par un certain "Shipetl Torek". Le groupe d'esclaves rebelles a pu s'enfuir et aurait même été protégée par des tribus indigènes, mais la plupart ont depuis été exécutés. Shipetl Torek serait toujours en fuite.

  • L'Héritière Elara Ferriya hiVriddi de Fasiltum et certains autres membres du puissant Clan Vriddi, qui descend des anciens Rois Bednalljans, ont été arrêtés pour complot subversif contre l'unité de l'Imperium (ils furent dénoncés par le Gouverneur de Fasiltum, Tlaquru Verekka
    hiVriddi). Ils furent jetés dans les Puits de Tolek Kana mais un groupe d'aventuriers auraient réussi à faire s'évader Qarras hiVriddi dans le Labyrinthe sous Bey Sü pendant une des orgies du Prince royal Dhich'une. Ils ont cru délivrer aussi Elara hiVriddi mais le Seigneur Arkhane hiPurushqe, Maître des Geôles de la Légion de Ketl, avait transformé deux esclaves pour les faire passer pour les membres du Clan Vriddi.
  • dimanche 23 janvier 2011

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    J'ai décidé d'en finir avec ma tendance à la procrastination et ai envoyé mon magnum opus, un long article à cette revue au prestige certain. J'attends avec impatience leur réponse. Croisez les doigts.

    [JDR] Genèses imaginatives : les Quatre formes d'Etat



    Une des raisons pour lesquelles j'admire souvent le blog de Zak, Playing DnD with Pornstars est son impressionnante capacité à chercher à stimuler son imagination. Alors que je continue à n'avoir aucune idée de scénario depuis des années à part imiter à l'infini le même (Mistaken Identity de Warhammer, la première intrigue à m'avoir frappé), lui s'amuse presque chaque semaine à se contraindre à inventer des douzaines d'idées baroques dans toutes les directions pour entraîner sa faculté imaginative, comme une sorte d'exercice discipliné.

    Et comme il est artiste d'avant-garde, il part chercher des inspirations dans des origines surprenantes. Comme, par exemple, de puiser des idées dans William Burroughs ou le sublime Pale Fire de Nabokov dans ce mythe d'une Table universelle comme métaphore du fantasme de totalité.

    Dans cet article sur des "Cités Possibles", un autre "Old-Schooler", Telecanter, énumérait mercredi une manière de multiplier les idées de villes pour son univers, et il propose de partir
    (1) de la liste des dix Catégories d'Aristote (Substance, Quantité, Qualité...),
    (2) de la liste ordonnée des types d'adjectifs en grammaire (Evaluatif, Dimension, Âge...).

    J'avais pensé un jour de même à inventer un monde fictif qui ne serait fondé que sur les dérivations qui se veulent presque a priori (dans ce style de re-création descriptive) de grandes époques de l'humanité chez Hegel.

    Par exemple, si on prend la fin de la Philosophie du droit de Hegel §355-360, il y a quatre Règnes seulement possibles dans l'ordre de l'histoire, quatre étapes. Imaginons un monde bien entendu fictif où ce serait vrai et voyons comment y faire correspondre un topos de la fantasy. Oh, et comme il y en a 4, on va dire que cela correspond non pas à enfance, adolescence, maturité, vieillesse, ni les 4 points cardinaux ou les 4 éléments, mais les 4 saisons.

  • La première forme est la substance une universelle avec un grand chef divin à l'aurore, la figure du Père, Maître absolu. En lui tout est pétrifié, stable, durable (comme son art architectural) mais mort et pour persister il doit envahir en dehors. C'est une dévastation quasiment élémentaire qui laisse des ruines, les premiers symboles de la pensée (tombes et idéogrammes).

    Je crois que c'est clair : cette première forme doit abriter un Etat nain, avec un grand Forgeron en dieu de la Pierre. Mais le Despotisme du Grand Forgeron de l'Hiver conduit à une guerre perpétuelle de conquête jusqu'à ce qu'émergent des résistances.

  • La seconde forme est le développement au contraire de l'individualité et la dispersion. Ici, chaque individu incorpore les normes éthiques et ce qui était conflit entre individu et Etat dans la première forme est intégrée, la part mystérieuse étant refoulée sous terre dans les cavernes chtoniennes. Mais ce bel ordre éthique harmonieux manque encore de l'inquiétude et du travail qui permettrait de progresser.

    Vous avez deviné. Nous avons là les Hobbits du Printemps.

    Mais si vous voulez vraiment mettre des Elfes à la place, je ne vous en veux pas.

  • La troisième forme n'est plus celui du Maître (1e forme) ou du Bel Individu (2e forme), mais la découverte de l'âpre labeur, le service austère, une bureaucratie, l'empire du Droit codifié, de la société abstraite des personnes. C'est à nouveau un déchirement entre une élite et les serviteurs, qui prennent conscience de ce clivage (contrairement à la première forme). Tout le monde a l'égalité des droits mais c'est une homogénéisation contraignante, on intègre tous les Dieux des autres en une unité.

    J'ai plus de mal à voir un cliché qui correspondrait à cette forme. Cette civilisation de l'Eté a l'air d'être un Empire des Humains. Mais j'aime bien l'idée qu'ils intègrent de force divers Dieux dans leur "Panthéon" artificiel.

  • La quatrième forme est la réconciliation des sujets libres avec un Esprit divin qui n'est plus mis à distance, ce qui provoque le conflit du religieux et du séculier. C'est l'expérience de l'exil et de la dispersion avant la réintégration dans des Etats libres et le progrès scientifique.

    Décrit ainsi, c'est un peu loin de ce à quoi il pense. Donc ces derniers Etats de l'Automne sont en guerre sur l'opposition religieuse entre les Eglises (ayant rejeté aussi l'unité du Panthéon de l'Eté). Pourront-ils s'opposer ensemble au Grand Empire hivernal ?

    Quelle race reste-t-il ? Plus guère que des hybrides animaux (Centaures ?).

  • Régressions


    via, Michael Lind critique la "culture de la régression" depuis les années 70 qui aurait contribué à sortir de la période plus "éclairée" des années 60.

    If there was a moment when the culture of enlightened modernity in the United States gave way to the sickly culture of romantic primitivism, it was when the movie “Star Wars” premiered in 1977.

    A child of the 1960s, I had grown up with the optimistic vision symbolized by “Star Trek,” according to which planets, as they developed technologically and politically, graduated to membership in the United Federation of Planets, a sort of galactic League of Nations or UN.

    When I first watched “Star Wars,” I was deeply shocked. The representatives of the advanced, scientific, galaxy-spanning organization were now the bad guys, and the heroes were positively medieval -- hereditary princes and princesses, wizards and ape-men. Aristocracy and tribalism were superior to bureaucracy. Technology was bad. Magic was good.

    On reconnaît un argument qui a déjà été défendu notamment par l'auteur de Hard SF David Brin contre cette space fantasy réac avec ses héros génétiquement supérieurs (le thème du Sang est plus fort dans les Prequels). Mais les monarchies des Pulps à la Flash Gordon, les épées laser et ce "Jihad des Jedis" (qui vient des Fremens et donc indirectement de Lawrence d'Arabie) sont plus un symptôme, pas une cause si influente. Reagan et les Télévangélistes auraient gagné sans Obiwan Kenobi et sans Bene Gesserit.

    On pourrait essayer de retourner l'opposition entre les deux sortes de SF : Star Trek prenait comme héros les gardiens militaires du statu quo, avec son capitaine cowboy (la dimension communiste de Star Trek n'apparaissait en réalité pas très clairement), et Star Wars utilisait des "résistants" contre des Stormtroopers du IIIe Empire.

    Mais le terme même de "Rebelles" a de telles connotations sudistes aux USA qu'on peut penser autant à la Confédération et pas seulement à Robin Hood (d'ailleurs, même Robin Hood est vu comme un personnage libertarien anti-fiscal dans l'imaginaire américain). [C'est d'ailleurs ma principale réserve contre Firefly, qui joue trop sur une ambiance de Western pendant la Reconstruction.]

    Mark Twain dans ses mémoires de 1883 (cité via Ta-Nehisi Coates) faisait remarquer qu'une des raisons pour lesquelles les propriétaires d'esclaves du Sud Ante Bellum ne pouvaient concevoir de s'en défaire n'était pas seulement le simple intérêt bien compris, mais aussi une sorte de Romantisme médiéval plus inspiré par des fantasmes de Sir Walter Scott.

    Dans un pays sans aristocratie, ces propriétaires du XIXe siècle se rêvaient comme des Seigneurs héréditaires de châteaux féériques et toute remise en cause de ce songe contre l'Histoire les auraient terrorisés. Twain va jusqu'à dire que sans les romans héroïques de Scott, il n'y aurait peut-être pas eu besoin de la Guerre Civile pour mettre fin à l'Esclavage et faire admettre les idéaux des Lumières sur lesquels les Etats-Unis avaient été fondés.

    Then comes Sir Walter Scott with his enchantments, and by his single might checks this wave of progress, and even turns it back; sets the world in love with dreams and phantoms; with decayed and swinish forms of religion; with decayed and degraded systems of government; with the sillinesses and emptinesses, sham grandeurs, sham gauds, and sham chivalries of a brainless and worthless long-vanished society.
    He did measureless harm; more real and lasting harm, perhaps, than any other individual that ever wrote. Most of the world has now outlived good part of these harms, though by no means all of them; but in our South they flourish pretty forcefully still. Not so forcefully as half a generation ago, perhaps, but still forcefully.
    There, the genuine and wholesome civilization of the nineteenth century is curiously confused and commingled with the Walter Scott Middle-Age sham civilization; and so you have practical,
    common-sense, progressive ideas, and progressive works; mixed up with the duel, the inflated speech, and the jejune romanticism of an absurd past that is dead, and out of charity ought to be buried.
    But for the Sir Walter disease, the character of the Southerner-- or Southron, according to Sir Walter's starchier way of phrasing it-- would be wholly modern, in place of modern and medieval mixed, and the South would be fully a generation further advanced than it is. It was Sir Walter that made every gentleman in the South a Major or a Colonel, or a General or a Judge, before the war; and it was he, also, that made these gentlemen value these bogus decorations. For it was he that created rank and caste down there, and also reverence for rank and caste, and pride and pleasure in them. Enough is laid on slavery, without fathering upon it these creations and contributions of Sir Walter.

    Sir Walter had so large a hand in making Southern character, as it existed
    before the war, that he is in great measure responsible for the war.
    It seems a little harsh toward a dead man to say that we never should have had any war but for Sir Walter; and yet something of a plausible argument might, perhaps, be made in support of that wild proposition. The Southerner of the American Revolution owned slaves; so did the Southerner of the Civil War: but the former resembles the latter as an Englishman resembles a Frenchman. The change of character can be traced rather more easily to Sir Walter's influence than to that of any other thing or person.

    C'est le propre d'un écrivain de privilégier ainsi la responsabilité de la littérature. L'esprit réactionnaire des mythes pérennes Campbelliens de Lucas (ou les génocides de Gobelins dans D&D) n'aura sans doute pas beaucoup d'effet sur la société (personnellement, je préfère en vouloir à Clint Eastwood comme Bouc-émissaire de toute la culture des années 70, mais c'est tout aussi arbitraire, inutile de le préciser : ce genre d'analyse ne sert qu'à sur-interpréter de l'écume de la culture populaire pour feindre de défendre ses inclinations).

    Autres "Classes périlleuses"



    Je ne sais toujours pas me servir de Gazouilleur (même si le félin du logis, Erwin Schanut, a pu émettre des Tweets sur des sujets fascinants) et je ne comprends pas bien comment marchent les commandes "@" qui répondent à une personne entière et pas à un message précis. Donc juste une question @mrniceimmorally (en gros @) :

    Je voulais réécouter le Rendez-vous des politiques sur http://www.franceculture.com/player#1295686800 et je suis tombé sur un truc étrange.

    En fait je cherchais à réentendre Gérard Larcher. Je l'avais écouté en diagonale et une de ses réflexions me turlupine

    J'ai cru comprendre qu'il s'est particulièrement ému que Ben Ali ait tiré sur sa "classe moyenne". Avouez que c'est curieux comme pensée.

    Mais ça me parait tellement inapproprié que je voudrais vérifier que c'est effectivement ce qu'il a dit.

    Alors ? L'a-t-il dit ou la phrase n'était-elle que descriptive ?

    [JDR] En relisant... Casus Belli (2)

    Le numéro 2 (novembre 1980, 32 pages)

    La revue se professionnalise et l'édito de François Marcela-Froideval annonce que Casus doit être aussi la revue des jeux de rôle (qui sont en "explosion"). La couverture, dans ce style de Guiserix qui rappelle tant Mézières, est d'ailleurs cette fois plus orientée D&D que wargame.

    François Bienvenu revient avec des conseils pour jouer à D&D. Rien que du classique aujourd'hui, et même une certaine souplesse vis-à-vis des règles (on va voir que ce n'est pas le cas chez un autre auteur dans le n°3). Il recommande de créer le personnage devant les autres pour éviter les Gros Bills mais d'autoriser de relancer les dés quand le personnage est quand même non-viable. Il indique aussi qu'il y a 8 maîtres du Donjon en rotation au Club de Saint-Rémy-lès-Chevreuse à l'époque.

    Puis ce numéro a non pas une Classe de personnage mais une nouvelle espèce intelligente pour Personnages-Joueurs (par Jean-Luc Yrondy, du Club de Saint-Rémy-lès-Chevreuse), les Félys, race de félinoïdes (on trouve une version illustrée en couleurs de ce texte sur ce site). Le texte parle de plusieurs sous-races, les Felys dorés et les Felys bruns. Les Felys dorés suivent le Code du Kedrat, qui a l'air d'être leur Coran (cela a pu inspirer le peuple des fauves arabisants Khalimans d'Alkemy RPG). Les Félys ont un +1 en Dextérité et -1 en Constitution. Ils ont quelques bonus pour bouger silencieusement (même ceux qui ne sont pas Voleurs) et pour pister (même ceux qui ne sont pas Rangers). Ils ont des griffes rétractiles qui permettent de grimper et font des dégâts comme une dague (1d4+1). Ils sont nyctalopes et ont même un Sens du danger (40%).

    Il est précisé que la/le Félys ne peut être ni un Barbare (White Dwarf #4, 1977) ni une Houri (White Dwarf #13, juin 1979), ce qui prouve que les classes de personnages supplémentaires des magazines étaient considérées comme des ajouts standards à cette époque. La race est faite pour être avant tout Voleur ou Assassin, ce qui explique qu'elle sera incorporée 15 ans après dans le jeu de rôle français Nightprowler, où on ne jouait que des hors-la-loi.

    Devine qui vient dîner ce soir a des créatures un peu plus sérieuses que dans le numéro 1. Le Waterleaper, par FMF, est un mélange de crapaud et de raie, qui apparaît dans le module de ce numéro (il semble venir du folklore et une version apparaît d'ailleurs dans White Dwarf #20 d'août 1980). Les Hurlorth (premier article signé par Didier Guiserix dans CB, je crois) sont de petites créatures qui rentrent dans les armures et provoquent des irritations. Le Barbier est une créature qui se nourrit de pilosité faciale (il doit être craint des Nains). Le Maguphage est une panthère blanche surpuissante, qui se nourrit de magie et est donc complètement résistant aux sorts. Il vide les objets magiques de leurs pouvoirs et il peut aussi se régénérer.

    Puis c'est le tout premier module, Le Château des Sphinx par FMF (8 pages). Il est prévu pour des débutants Niveau 1-3.

    Il n'y a strictement aucune histoire préalable, aucune introduction, seulement des plans (assez bien faits) et des salles pleines de monstres (des Kobolds et un Waterleaper de ce numéro). C'est au Maître du donjon d'inventer la raison pour laquelle le groupe veut y aller et tuer le propriétaire et il n'y aura pas d'intrigue proposée avant le module du n°5, un an après. On peut reconstruire que ce bâtiment taillé dans la pierre avec deux sphinx à l'entrée est la demeure d'un Roi-magicien maléfique de 4e niveau, un certain "PK" (peut-être un ex-personnage-joueur dans la campagne de FMF, encore une private joke ?). Il y a aussi un culte de Satan dans le Château mais PK est décrit, en accord avec le thème égyptien des Sphinx, comme un fidèle du Dieu Râ et il y a des Ankhs de Râ partout qui peuvent régénérer PK. Quand Denis Gerfaud ironise dans un numéro à venir sur les incohérences de D&D où "une prêtresse d'Isis jette de l'Eau Bénite", il pense peut-être à cela.

    Le texte de FMF dit que ce magicien maléfique PK avait été tué puis réincarné par un Druide en une créature semi-batracienne mais le dessin de Guiserix fait plutôt penser à une sorte de dinosaure. Il est protégé par des Amazones et rien ne dit mieux "Old-School" des débuts du jeu de rôle que des Amazones semi-nues qu'on retrouve tout le temps dans ces vieux suppléments, que ce soit dans OD&D, dans Arduin ou dans City-State.

    La première rubrique Nouvelles du Front annonce quelques clubs de wargames et toujours l'omniprésent Club de Simulation de Saint-Rémy qui a donné les Félys.

    vendredi 21 janvier 2011

    talkin' 'bout my generation



    Définition :

    Children of the so-called Baby Boomers, Generation X has been characterized as a group unable to speak about anything unironically, while also possessing a mistrust of authority and a longing to have sex with Winona Ryder.

    According to Ryder, this demographic deserves to have "at least one" of its thwarted hopes and dreams for itself actually come true.

    C'est incontestable.

    mercredi 19 janvier 2011

    [Perso] Roue



    Je suis à nouveau submergé par un marathon de copies grâce à mon talent de procrastination (déjà fini 68 depuis le début de la semaine, mais il m'en reste encore 30 avant vendredi). Cela semble devenir chaque année plus ennuyeux et répétitif. Je risque donc (ou plutôt j'aurais le devoir moral strict) de ne pas pouvoir écrire avant ce week-end.

    Je lis nettement moins qu'avant, et je n'ose faire une résolution pourtant nécessaire d'éteindre plus l'accès à la Toile pour me retirer vers le vieux médium gutenbergien de bois mort avant que ma vue ne baisse trop, parce que le déroulé de pages en ligne me fait défiler trop vite.

    En revanche, je me sens nettement moins démoralisé qu'il y a deux ans. Je n'ai plus autant de problèmes de dos depuis que je ne m'assois plus en voiture. Pas un seul jour de paralysie depuis cet été.

    Après plusieurs années (au moins 4 ou 5 ans, je ne sais plus) à refuser l'Arraisonnement à la Technique en ne faisant pas réparer ma machine à laver (c'était sans doute l'ultime procrastination en dehors de ceux concernant la santé), j'ai enfin cette semaine accepté de passer à la machine individuelle en abandonnant la dépendance à la laverie.

    [JDR] Ash Nazg



    Via le rôliste-philosophe Akrasia, un premier article en italien sur The One Ring, le nouveau jeu de rôle officiel sur les Terres du Milieu. Le premier, Middle-Earth Roleplay a duré jusqu'en 1999, le second, The Lord of the Rings RPG (qui s'appuyait sur des photos du film) fut vite arrêté en n'ayant guère donné que quelques tas de jolies cartes.

    L'auteur sera Francesco Nepitello. Il a participé à Lex Arcana, le jeu de rôle italien sur un Empire romain uchronique en plein Ve siècle (1229 A.U.C.) qui résiste à la Chute grâce à la magie et aux Dieux. Mais il est surtout un des auteurs du jeu de société War of the Ring.

    Ce troisième jeu de rôle, L'Anneau Unique, fait le choix curieux d'imposer un contexte très précis : la région de Mirkwood et le Rhôvanion après les événements du Hobbit, après 2942 du Troisième Âge, donc après la mort du Ver Smaug le Vieux (tué par Bard de Dale), la réouverture d'Erebor et la chute de l'énigmatique "Nécromancien" de Dol Guldur, qui réapparaît bientôt à Barad-dûr. Ca ne me gêne pas (je trouve vraiment que la fin du XXXe siècle entre le Hobbit et LoTR est une bonne idée, surtout Balin tentant vainement de recoloniser la Moria et la sortie du "Prequel" un de ces jours au cinéma) mais cela peut paraître très restrictif.

    La période qui me paraît en fait la mieux adaptée au jeu de rôle ne serait plus ce Troisième Âge (MERP utilisait le XVIIe siècle à l'époque du Roi-Sorcier d'Angmar), mais plutôt le Premier (les Guerres de Beleriand) ou à la rigueur le Second Âge (l'Essor et la Chute de Númenor). Mais c'est parce que je préfère le Silmarilion à la Guerre de l'Anneau.

    mardi 18 janvier 2011

    Aristocratie indienne

    ViaBBC, 65% des Députés indiens de moins de 40 ans sont membres d'une Famille Politique (dans le Parti du Congrès, 100% des 11 députés de moins de 35 ans sont membres de ces "nouvelles" lignées héréditaires de députés - y compris les vieilles dynasties princières). 70% des femmes députées ont des connexions familiales.

    "If the trend continued," concludes French, "it was possible that most members of the Indian Parliament would be there by heredity alone, and the nation would be back to where it had started before the freedom struggle, with rule by a hereditary monarch and assorted Indian princelings." He also worries the next Lok Sabha will be a "house of dynasts".

    lundi 17 janvier 2011

    Les listes sont meilleures sous forme de graphe



    Comment choisir son jeu de rôle.

    Mais je doute fort qu'on ait besoin d'équations différentielles pour jouer à GURPS ou à Hero System.

    Jeu hivernal



    Via, l'épisode d'hier de Fox Trot de Bill Amend mélange D&D et allusion à Calvin & Hobbes :


    Il y a un léger problème géométrique dans le dessin de l'icosaèdre, qui n'est pas composé de pentagones (comme le d12) mais de triangles. Par ailleurs, oui, on utilise le d20 et plus le d6 pour l'initiative depuis la 3e édition de D&D.

    Cela me fait penser à ce joli méta-d6 à polyhèdres qui pourrait servir pour certains jeux comme Earthdawn ou Savage Worlds.

    Jasminum officinale


  • Liberanda est Carthago. Je croyais les médias bien trop optimistes pendant les premiers jours de la "Révolution du Jasmin" en Tunisie car j'imaginais que ce serait plus un coup d'Etat interne entre des factions de l'armée et du RCD.

    Après tout, pour l'instant, le RCD et une partie du gouvernement restent bien en place, avec le même Premier ministre, et ils peuvent tenter de simplement éliminer comme bouc-émissaire la famille du Président et de la "Marie-Antoinette" Leïla Trabelsi, ce qui est une stratégie habituelle pour tout régime.

    Mais il se peut que j'aie été trop cynique si jamais ce gouvernement organise vraiment sous la pression de l'insurrection une sorte de transition et de vraies élections dans les prochains mois.

    Il semble que le régime de Ben Ali était plus "policier" que "militaire". Le pays a 10 millions d'habitants et une petite armée de terre (seulement 35 000 hommes contre une police estimée à plusieurs douzaines de milliers). Ben Ali se méfiait de son armée et le Général Rachid Ammar a en effet refusé d'obéir à ses ordres jeudi 13 janvier dernier et il fut démis de ses fonctions. C'est peut-être cette révolte du Général Ammar plus que celle de la population qui a convaincu Ben Ali de s'enfuir.

  • Il ne faut pas confondre le Premier ministre actuel Mohamed Ghannouchi (69 ans, qui est toujours Premier ministre depuis 1999) et Rached Ghannouchi (69 ans aussi, émir en exil du Parti de la renaissance islamiste, proche des Frères musulmans égyptiens).

  • Les médias français parlent le plus souvent des 23 ans de dictature au lieu de 53 ans, comme si le régime du prédécesseur Habib Bourguiba était plus démocratique. Je comprendrais que les Tunisiens, y compris les opposants, veuillent garder une image idéalisée du premier Président de la République indépendante, surtout qu'il a été renversé par un coup d'Etat "officieux" par Ben Ali en 1987. Mais, à certains points de vue la dictature de Ben Ali était parfois apparue comme moins répressive que celle de Bourguiba (par exemple, l'islamiste Ghannouchi avait été condamné à mort par Bourguiba avant que Ben Ali ne le gracie). Le régime s'était un peu libéralisé dans les années 80 avec l'autorisation de certains partis laïcs mais la démocratie était tout aussi formelle sous Bourguiba.

  • Il paraît que l'expression médiatique "Révolution du Jasmin" avait déjà été utilisée par la propagande de Ben Ali pour désigner la (très relative) "démocratisation" en 1987. L'expression doit donc paraître un peu amère chez les Tunisiens qui sont assez âgés pour s'en souvenir.

    L'expression serait peu spécifique. La Tunisie peut réclamer le Jasmin blanc comme symbole mais la ville de Damas en Syrie et le Pakistan se la sont aussi appropriés.

    Le problème de ce genre de terme est qu'après la Révolution des Œillets de 1974, il y a eu toute cette multiplication des "Révolutions des fleurs, comme en la Révolution des Roses en Géorgie en 2003, la Révolution Orange en Ukraine en 2004, la Révolution des Tulipes (aussi appelé "Jonquilles" ou "Citrons") au Kirghizistan en 2005 et la prétendue Révolution du Cèdre au Liban la même année 2005. Ce genre de vocable a été discrédité à force d'être instrumentalisé par le gouvernement américain au début de notre siècle.

  • Les "immolations" à présent en Algérie, en Egypte ou en Mauritanie ne sont pas que des effets de contamination ou d'émulation du statut de "martyr" de Mohamed Bouazizi (il y a d'ailleurs de nombreux exemples), ils pourraient aussi témoigner de manière plus vaste, à nos yeux "psychologisant", d'un nihilisme dans des pays au chomage important où on ne voit aucune autre issue (comme certaines formes de l'attentat-suicide).

    Quand des citoyens se suicident chez nous, on ne mentionne que leur "fragilité" (comme Christophe Barbier) mais il y a peu de phénomènes d'identification devant une politique de harcèlement qui pouvait contribuer à passer à ce geste.

    En France, le sacrifice symbolique d'un malade contre les franchises médicales (il avait décidé de cesser de prendre ses soins) avait eu de l'écho médiatique pendant peu de temps mais l'inertie avait vite repris et son activisme apparaît donc vain. J'imagine que même s'il mourrait, on réduirait cela à un drame individuel, comme une sorte de névrose sans dimension qui la dépasserait.

  • samedi 15 janvier 2011

    [JDR] En relisant... Casus Belli (1)


    Casus Belli fut le principal magazine de jeu de rôle en France. Il commença il y a 30 ans comme un fanzine de wargame (d'où son nom), fondé par François Marcela-Froideval (qui travailla ensuite un temps pour TSR sur AD&D) et se centra sur les jeux de rôle. Il disparut une première fois en 1999 (n°122), fut relancé par Multisim et disparut une seconde fois en 2006. Depuis l'an dernier, il existe une troisième formule.

    Je vais relire un peu les vieux Casus (en imitant les posts de Let's read Dragon magazine sur RPG.net), mais avec quelques mises en garde : (1) je suis surtout rôliste et pas wargameur, je vais donc sauter beaucoup de choses qui m'intéressaient moins, notamment dans les premiers numéros (la proportion étant presque 50% wargame/50% jeu de rôle). (2) Je vais suivre un rythme peu contraignant pour ne pas abandonner trop vite et j'arrêterai sans doute au bout de quelques numéros (disons, au numéro 10 de septembre 1982, quand FMF part), parce que cela risque de devenir un peu ennuyeux.

    Commençons donc par le Casus Belli n°1 (daté d'avril 1980, 32 pages)

    Le directeur et rédacteur en chef est François Marcela (dit "François Marcela-Froideval", né en 1958) et dans ce premier numéro, Didier Guiserix (né en 1956) n'est encore officiellement que maquettiste et illustrateur. FMF dans son éditorial (p. 3) explique que la revue ne sera consacrée "intégralement qu'au wargame" en tant qu'organe de la Fédération française de jeu de simulation stratégique et tactique (FFJSST). De fait, la distinction wargame tactique/jeu de rôle ne doit pas encore paraître évidente.

    Après quelques pages sur Panzergruppe Guderian, la Convention de wargame d'octobre 1979 à Bruxelles (où a lieu une démo de D&D) et sur Diplomacy, il y a une publicité pour un club Jeux Descartes-Jeux & Stratégie (avec comme produits Zargos Lords, Kroll & Prumni, Starforce et 4000 AD - qui était un jeu sans grand intérêt en dehors du fait d'être en trois dimensions avec des cases cubiques, ce qui demandait de calculer des distances avec Pythagore). Une autre pub parle de seulement 3 magasins partenaires pour Paris : un Games au Forum des Halles (qui a fermé), le Jeux Descartes du 40 rue des Ecoles (qui a déménagé et qui vient d'être racheté) et l'Oeuf Cube (qui existe toujours).

    Puis arrive la première présentation de jeu de rôle, avec un article sur Donjon & Dragon par François Bienvenu (alias Finael de la "MLC de Saint-Rémy-lès-Chevreuse", Guiserix le décrit plus tard comme un des meilleurs MJ et dit que les deux clubs principaux était Saint-Rémy et la Rue d'Ulm). L'article dit déjà que personne aux USA n'utilise la même version des règles et que tous l'adaptent. Il ajoute même qu'il y a aussi d'autres jeux de rôle : Metamorphosis Alpha et Traveller. Hélas, Traveller ne fera jamais partie des jeux défendus par Casus (alors que White Dwarf, fondé 3 ans avant, aura beaucoup plus de modules pour ce jeu, ce qui explique une différence entre le public français et le public britannique dans le rapport à cet ancêtre). Bienvenu introduit un court récit de jeu avec Ard H'em Storr le Guerrier, Feladin le Nain, Astael l'Elfe et Sihful le Prêtre mais il n'y a encore aucun scénario dans ce numéro. Sur son site, il a mis les notes de sa campagne de Pranarant (avec un don évident de cartographe).

    Dès ce premier numéro commence la célèbre rubrique, Devine qui vient dîner ce soir..., pour "vous aider à meubler le plus agréablement vos corridors déserts". C'est donc une série de créatures pour AD&D (inspirée de Fiend Factory dans White Dwarf, qui va donner le Fiend Folio en août 1981), mais FMF préfère commencer par des plaisanteries allusives qui rappelle que la diffusion demeurait relativement confidentielle (2000 exemplaires quand même, selon Guiserix). Le Liesnardhuus est un monstre belge qui se sert d'une canette de bière inépuisable et d'une frite magique (la créature est reprise dans Casus Belli Hors-Série 3). Il s'agit d'une caricature de Michel Liesnard, qui dirigeait la Fédération belge de wargame et qui avait introduit les jeux SPI. Guiserix raconte dans cette longue interview comment Liesnard l'avait fait travailler sur la fanzine de wargame Nuts et l'avait fait rencontrer FMF. De même, la Mhëerdoeny est une allusion au célèbre personnage publicitaire, qui était si récurrent dans l'humour et les bd des années 70. Je ne sais pas si l'immonde Schbleurk, qui recouvre de pustules, est aussi une allusion directe. Le Cerberosphère est une imitation du Rover du Prisonnier (et FMF le réutilisera dans des scénarios par la suite). On comprend mieux pourquoi FMF décrira le "Gros Bill" dans le numéro 4, qui lui aussi est une caricature d'un des joueurs du "Club de la Rue d'Ulm" où jouaient FMF, Guiserix et son épouse. Cela dit, c'est aussi le numéro d'avril et le même mois de 1980, Dragon Magazine n°36 était aussi un numéro spécial Poisson d'avril avec des monstres comme "Le DM" ou "Le Collecteur d'impôt".

    Enfin, ce premier numéro se termine par une nouvelle classe de personnage pour AD&D, créée par FMF, le Samourai et c'est sans doute le seul qui sera un peu mémorable dans ce premier numéro. Quelques années avant, Dragon Magazine n°3 (octobre 1976) avait déjà proposé une version de classe du Samurai mais je ne peux pas comparer. FMF devait être assez fier de sa version, il en redonne une autre un an après dans le numéro 6 et quand il repartira aux USA pour travailler chez TSR, il participera aussi au supplément Oriental Adventures de Gary Gygax (1985, la version officielle p. 21-22 est assez similaire). Et enfin, il mettra aussi un Samourai, Murata, dans sa bande-dessinée, Chroniques de la Lune noire. Le Samourai est un peu un mélange de Paladin (mais loyal pas nécessairement bon) et de Moine. FMF est décidément faussé par les Gros Bills et dit que ses caractéristiques ne sont "pas très fortes" avec un minimum de 16 en Dextérité. Le Samourai a une Détection du Danger (avec un pourcentage qui correspondrait en gros à 40%+10% par tranche de 3 niveaux), un cri du Kiaï qui permet de paralyser l'adversaire et de se concentrer en acquérant une force de 18/00 pendant un round par heure (cela sera en gros conservé dans la version officielle). Il a aussi une réduction des dégâts, plusieurs attaques par jour et un katana faisant 1d12 dégâts. FMF dit que la classe est équilibrée par le fait que la croissance en niveaux est lente et que le Samouraï reste inféodé à son sens de l'honneur et à son daimyō (même si on sait qu'en pratique les joueurs d'AD&D devaient toujours jouer des sortes de rōnin). L'air de rien, cela rappelle donc que les classes ne sont pas que des mécanismes de combat mais qu'il peut y avoir une histoire autour des personnages, même si les premiers scénarios publiés ne vont pas exploiter cet aspect en considérant que cela doit relever du talent du MJ.