jeudi 4 septembre 2008

Review: Pathfinder Chronicles: Gazeteer



Voir l'histoire de l'éditeur Paizo.

Version courte : Paizo est formée d'anciens auteurs de D&D 3e édition qui ont décidé de ne pas passer à la 4e et de développer leur propre univers pour leur version customisée de D&D3.5 baptisée "Pathfinder".

Le monde de Golarion a été inventé progressivement à travers des modules et scénarios (un peu comme l'avait été le Known World of Mystara pour Basic/Expert D&D dans les années 80).

La première campagne des Pathfinders sur Golarion, Rise of the Runelords, se déroulait en Varisia, le nord-ouest encore très sauvage, ce qui pouvait donner une certaine impression de vide encore un peu primitif. Varisia n'a guère que les ruines d'un ancien Empire déchu de Thassilon, qu avait pour principale originalité d'être fondé sur les Sept Péchés Capitaux.

Le Gazeteer, écrit par Eric Mona et Jason Buhlman donne une carte bien plus vaste du reste du continent principal de Golarion et cela change pas mal la perspective.

La cité principale de Varisia, la capitale royale de Korvosa, paraît maintenant beaucoup plus provinciale comparée au reste du monde. Korvosa n'est pas Rome dans l'Europe antique, c'est tout au plus Londinium ou Augusta Treverorum.

Le petit livre (64 pages, $18) est tout en couleur, ce qui le rend plus beau que les Gazeteers semblables de Greyhawk ou des Terres Balafrées.

Une idée intéressante de ce monde est l'idée des "Pathfinders" (Eclaireurs), une organisation d'explorateurs, cartographes et aventuriers qui peut servir d'alliés aux personnages et qui sont les auteurs des documents.

Golarion a clairement certaines influences de Greyhawk (Mona & Buhlman ont été des fans et des exégètes du premier univers de D&D) mais avec quelques touches encore plus nettement "Pulp" et parfois un peu moins pseudo-médiévales. Je ne veux pas dire que l'atmosphère rappellerait les romans Pulps comme le fait Eberron mais plutôt que le fantastique évoque des références de la fantasy des années 1910-1920 (et même un peu de Romance Planétaire à la Burroughs et de Dieux extérieurs à la Lovecraft dans la description du système solaire).

  • L'histoire

    Au commencement l'Empire des Aztlanti, les Premiers Hommes (Atlantes), fut détruit par un météore magique, la Pierre des Etoiles (orichalque ?).

    Après quelques années de Grandes Ténèbres après ce cataclysme, ce fut l'époque antique des Pharaons d'Osirion sur le fleuve Sphinx au nord-ouest du continent de Garund (qui est clairement l'Afrique).

    Puis le Héros Aroden, le dernier des Aztlanti, qui doit être une sorte de Conan, fit ressortir la Pierre des Etoiles dans l'île de Kortos (la Crête) et forma un nouvel Empire.

    Grâce à cette Pierre, Aroden devint un Dieu (comme souvent dans D&D, l'evhémérisme est littéralement vrai et de nombreux dieux sont des héros qui ont eu leur apothéose) et il annonça qu'il reviendrait s'incarner 4600 ans après pour amener un nouvel âge d'or (les jeux de rôles abusent souvent de chronologies trop longues).

    4600 ans après, il y a un siècle dans le temps du jeu, la Prophétie fut complètement bafouée et infirmée.

    Non seulement le Dieu Aroden ne revint pas s'incarner mais il y eut une catastrophe inconnue, les prêtres d'Aroden perdirent tout contact avec leur divinité et une série de désastres magiques vinrent frapper tout le monde.

    Depuis, les anciennes prédictions ne se réalisent plus comme si l'axe du monde avait été changé : c'est l'Âge des Présages Perdus (ce qui me paraît une jolie métaphore sur le libre-arbitre des aventuriers : leur avenir est maintenant à eux). C'est post-apocalyptique, comme presque tous les univers de D&D (ne serait-ce que Krynn), mais moins déprimant que le monde des Terres Balafrées par exemple qui n'a pas l'air de se guérir de la Guerre contre les Titans.

    Depuis, un Ouragan perpétuel balaye l'ouest du continent de Garund. Le nord appelé la Blessure du Monde a basculé en partie dans les Abysses infernales.

  • La géographie

    Le monde (voir cette carte) ressemble à l'Europe plus l'Afrique, autour d'une Mer Intérieure formée par la chûte de la Pierre des Etoiles qui détruisit l'ancienne civilisation aztlanti.

    Depuis la mort du Dieu prophétisé, l'ancien grand Empire de Cheliax, héritiers d'Aroden, a été corrompu par la démonologie et adore maintenant le Diable Asmodée (un peu comme le Grand Royaume d'Aerdie dans Greyhawk).

    L'Ordre des Eclaireurs depuis l'île centrale de Kortos rassemble des informations, semble-t-il pour rétablir l'ordre (même si on ignore les vraies intentions des Decemvirs qui dirigent l'Ordre). Un reproche : la cité des Eclaireurs sur Thera/Crète s'appelle "Absalom" et même quelqu'un de peu versé dans la Bible comme moi peut trouver que cela détourne l'attention et qu'on s'attend à voir un fils de David.

    Il y a quelques idées intéressantes comme une influence du XVIIIe siècle en une sorte de "Aufklärungpunk" (un peu comme The Age of Unreason de Gregory Keyes).

    Il y a 40 ans, des idées philosophiques républicaines se sont répandues contre la corruption de la Monarchie de Cheliax et cela a donné deux Etats : Andoran, une République stable (en gros les Etats-Unis originels de George Washington, mais avec plus de monstres) et plus au nord Galt (en gros, la France jacobine de 1793 avec des touches de Russie au XXe siècle), une République qui se serait bloquée dans une Terreur Permanente depuis 40 ans avec un comité qui guillotine un peu tout le monde et qui a des réfugiés un peu partout.

    Je suis un peu perplexe sur cette simplification sur les Révolutions. La situation de l'An I aurait-elle vraiment pu se maintenir dans ce processus pendant 40 ans sans une forme de stabilisation thermidorienne ou césariste ?

    Mais je dois avouer que l'Aufklärungpunk me plaît beaucoup. Cela n'est pas si original : les Royaumes Oubliés avaient déjà fait une guerre civile et un régicide du même genre avec le Tethyr (mais la monarchie fut restaurée à partir de la 3e édition) et le jeu de rôle 7th Sea avait le pays de Montaigne qui mélangeait à la fois le Roi-Soleil, Napoléon et la Révolution.

    Au sud d'Osirion (l'Egypte) se trouve Geb, une terre de nécromancie dirigée par le spectre d'un ancien sorcier (et où les morts-vivants ont les mêmes protections légales que les vivants : tuer un vampire pourrait vous y faire condamner à vous faire zombifier). En Thuvia, toute l'économie est centrée sur un Alchimiste immortel qui vend de rares doses d'elixir de jouvence.

    De même, au nord du continent, l'Ustalav est un peu la typique Transylvanie gothique (Ravenloft), et l'Irrisen est dirigée par des Sorcières filles de Baba Yaga (hommage à Iggwilv sur Greyhawk).

  • La religion

    J'aime bien certains pays et l'idée globale de l'Âge des Présages Perdus, mais je suis moins enthousiasmé par le dernier chapitre sur une vingtaine de Dieux, qui comme souvent dans D&D semble plus être un catalogue de spécialités qu'une mythologie ou un panthéon.

    Sarenrae est une Déesse de la Guérison et j'imagine que c'est le seul "porte-feuille" qui importe vraiment pour les joueurs.

    Le Dieu-Roi Aroden ne répond plus à ses Prêtres, mais ceux-ci continuent à adorer son assistante ou Hérault, la Guerrière Iomedae. Cette Jeanne d'Arc pousse à la Croisade contre la Blessure du Monde tout au nord dans la Théocratie militaire de Mendev (qui serait donc en gros la Livonie des Chevaliers Teutoniques, un peu comme la Theocracy of the Pale sur Greyhawk ou les Chevaliers Heldanniques de Vanya sur Mystara).

    Ah, si, un petit détail pas complètement inhabituel mais qui évite un cliché : la Déesse de la Mort et du Destin, Pharasma la Faucheuse, est d'Alignement Neutre, ce qui nous change un peu du cliché qui réduit toujours les dieux chtoniens au Mal (mais il est vrai que même le nouveau panthéon par défaut de D&D4 a maintenant une déesse de la mort neutre, la "Reine Corbeau").


  • Ce petit Gazeteer sur Golarion a quelques idées intéressantes à voler et peut surtout étoffer les campagnes déjà publiées en montrant un arrière-fond un peu plus complexe. C'est un bon argument pour en rester à l'édition 3.5 Pathfinder.

    Le livret de 64 pages a depuis été étoffé dans un nouveau Pathfinder Campaign Setting, hardcover de 256 pages ($50). La carte me semble plus jolies que celle un peu trop sombre du nouveau Forgotten Realms Campaign Guide. Ce dernier n'est en revanche qu'à 40$ à 288 pages, dont un scénario de 32 pages qui semble un peu s'inspirer du procédé de Paizo (qui commençait aussi par décrire un petit village comme introduction à son univers). Faerun est plus développé mais ce pourrait être au contraire un avantage pour Golarion (même si je pense qu'être complétiste sur Golarion commence déjà à être difficile avec plusieurs douzaines de scénarios).

    Voir d'autres reviews sur RPG.net (qui est surtout un survol), Grognardia (qui me semble très excessif dans son exigence que les mondes ne soient pas détaillés).

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