vendredi 16 mai 2008

La pente polie




Ellen DeGeneres a annoncé qu'elle allait épouser Portia Rossi (le personnage de Tina Fey dit dans le brillant 7 de la seconde saison de 30 Rock que toute femme hétéro est amoureuse d'Ellen DeGeneres). Cet interlude people est le contexte (ou la conséquence) de la décision récente de la Cour suprême de Californie. Sur Slate, le "Républicain de gauche" William Saletan (1) reprend l'argument dit de la Pente glissante contre le mariage homosexuel ("Si on accepte cette nouvelle institution, pourquoi pas n'importe quel pratique entre adultes consentants ?") mais, de manière libérale-libertaire, en acceptant la conclusion (le modus tollens des uns étant le modus ponens des autes). Il défend (ou du moins il décrit de manière neutre) donc l'acceptation sociale de la polygamie, et même de l'inceste (avec un argument génétique que je ne connaissais pas : vous auriez plus de chance d'avoir un enfant anormal en l'ayant après trente ans qu'en vous reproduisant avec un cousin immédiat ; la prohibition des grossesses tardives devrait donc être plus forte que la prohibition de l'inceste !).

La polygamie pose des problèmes moraux qui me paraissent insolubles, même en adoptant pour une fois une morale complètement libertaire.

Il y a le fait qu'elle soit presque partout où elle existe une institution dissymétrique où on ne demande jamais leur avis aux épouses (je ne parle même pas d'autres coutumes bien pires en fait comme le mariage forcé, qui est un des effets du mariage arrangé comme contrats entre familles et non pas de la polygamie).

La solution serait donc d'accepter aussi la polyandrie. Une des raisons pour expliquer la rareté de cette institution dans les sociétés humaines, même dans des sociétés de faible domination phallocrate, tient peut-être en partie du fait qu'on veuille éviter des parentés obscures ou des doutes sur les lignées familiales.

Je ne suis pas sûr que les nouvelles biotechnologies puissent légitimement répondre à tous les problèmes moraux traditionnels de l'éthique (par exemple le fait - relevé par exemple par l'homophobe Christian Vanneste - que l'homosexualité exclusive contredise une forme d'impératif catégorique de survie de l'espèce peut-il être réfuté par la fécondation in vitro ou le clonage ?), mais les tests de paternité peuvent par exemple mettre fin à ce problème "sociobiologique" de la polyandrie : on peut reconnaître et garantir la paternité même dans une telle famille.

Si la polygamie est un contrat vraiment librement accepté par toutes les parties, "en droit", il n'y aurait plus de problème moral, du point de vue de nos théories de la liberté individuelle reposant sur le consentement des contractants.

Mais en réalité, comment va-t-on évaluer que les épouses l'acceptent toutes librement ? Il faudrait qu'elles soient déjà autonomes (y compris financièrement) pour avoir une capacité réelle de refuser la nouvelle épouse (on peut supposer que s'il n'y a pas de mariage forcé, le refus serait plus facile pour la nouvelle épouse). Et même alors, il y aurait un chantage possible aux enfants et au divorce (tu dois accepter mon remariage sinon c'est toi qui me contrains à te quitter).

C'est peut-être une bonne illustration du problème inhérent à notre théorie contractualiste du consentement éclairé : nous pensons toujours que nous sommes libres dans les termes du contrats mais nous ne pouvons pas toujours établir les contraintes (de même que l'autorisation de l'euthanasie pourrait conduire à une norme d'obligation pour le médecin, malgré la clause de conscience).

  • Note (1) : Atrios aime le surnommer Lord Saletan (bien qu'il soit Texan et pas du tout britannique) à cause de son arrogance hautaine et peut-être de certains textes qui semblaient prendre au sérieux des liens entre race et QI -ce qui le conduisait à défendre moralement le métissage non comme un cliché multiculturel mais comme une sorte de plan eugéniste - Gladwell s'est moqué de lui à ce sujet.

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