lundi 28 janvier 2008

L'entretien avec l'enquêtrice



Une étudiante en sociologie qui écrit un mémoire sur des personnes avec mon profil professionnel m'avait contacté et j'ai monologué pendant deux heures avec elle (dans la nouvelle Lounge dite Raymond Aron). J'avais pris la résolution de ne pas préparer mentalement mon entretien, comme s'il s'agissait d'être spontané, mais je me suis rendu compte en parlant à quel point je suis incapable de dire la vérité et à quel point je re-raconte toujours n'importe quoi sur mon passé, comme si je décrivais des événements d'un personnage fictif et imaginais un peu gratuitement des éléments pour lier les divers événements réels et leur donner la finalité et la logique d'un vrai récit ou d'une morale. A la fin de l'entretien, j'avais l'impression d'avoir de plus en plus dérivé dans un discours presque opposé à la réalité. J'avais progressivement tellement pris le contre-pied de ma nature grincheurse que j'en devenais complètement délirant d'optimisme. Et plus elle me demandait si j'étais content, plus je me disais intérieurement qu'en effet je l'étais encore moins que je le pensais et plus je souriais avec une tranquille sérénité affichée. Le déni avait commencé comme un simple agrément du récit et il en devenait à présent le but essentiel. Mais j'étais aussi effrayé de me dire que j'étais devenu incapable de ne pas considérer la moindre discussion comme une sorte de thérapie et de confession, ce qui est assez malsain (comme le texte même que je suis en train d'écrire).

Mon hernie est revenue après des mois d'absence - je l'avais oubliée - et je n'arrive plus à me baisser. On ramasse plus d'objets sur le sol qu'on pourrait le croire.

Je suis allé voir Sweeney Todd de Burton, d'après la légende urbaine britannique des années 1840 adaptée en comédie musicale en 1979 (la source de la légende urbaine serait peut-être française et non londonienne selon Wikipedia). Cela rappelle le drame de la Vengeance comme Titus Andronicus, où la Vengeance finit par se dévorer elle-même. Le grandguignol du mélo victorien (le plus gore de tous les Burton) est finalement mieux adapté à ce thème que le drame élizabethain qu'on ne peut plus prendre au sérieux.

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