vendredi 20 mai 2016

Racisme et classisme


On dit parfois que le raciste en démocratie tente de se rassurer en niant ses problèmes sociaux au nom de questions communautaires : je suis pauvre (ou bien minoritaire) mais au moins je suis de telle communauté. Le Pen accrédite cela par sa formule "la patrie est le bien de ceux qui n'ont rien".

J'avais un peu parlé du racisme de Gobineau il y a 7 ans mais j'avais manqué un aspect sur lequel insiste Ernst Cassirer quand il l'étudie dans sa dernière oeuvre inachevée, le Mythe de l'Etat (1945 - où le nazisme est étudié et dénoncé comme une résurgence inquiétante de "mythocratie" - mais ce terme, si Cassirer l'utilisait, y serait très préjoratif chez lui, comme un échec des Lumières, contrairement au titre récent d'Yves Citton sur le storytelling politique).

Cassirer lit de près Gobineau (avec un effroi et une lassitude où on sent la dépression en pleine Seconde Guerre mondiale du dernier héritier de Marburg exilé à Chicago) et il rappelle que la névrose raciste chez Gobineau est aussi liée à celle du classisme . Il s'agit de se distinguer non seulement d'autres peuples mais aussi du roturier. Ecrit après la Révolution de 1848, le thème de l'inégalité des races était un substitut face à la perte de l'inégalité des privilèges dans les conditions sociales. Bien avant que Sauvy n'invente l'expression de Tiers-Monde, Gobineau transférait au reste du monde son rapport au Tiers-Etat.

Le comte de Gobineau est un petit noble déclassé (légitimiste mais peu religieux, qui doit se compromettre pour travailler avec les orléanistes, grâce à Tocqueville, et ensuite pour la diplomatie de Napoléon III) et il a besoin de s'approprier une sorte de richesse symbolique en disant qu'il n'est pas seulement Blanc ou Européen mais Aryan en tant que noble (même si sa famille est de noblesse de robe - Augustin Thierry avait cru expliquer en 1825 toute la vieille noblesse d'épée comme une implantation germanique sur un peuple gallo-romain).

Le racisme qu'invente Gobineau est donc une synthèse de ce ressentiment social, de sa germanophilie, du modèle des philosophies de l'Histoire (dont il est une sorte de parodie) et une tentative de simulation de scientificité en se fondant sur la philologie (il connaît un peu l'Iran) pour en tirer une pseudo-biologie morale ou une anthropologie physique. Les autres origines de cette monstruosité sont les voyages en Orient et en Perse et toute la colonisation américaine : Gobineau a aussi une famille de colons antillais et il sera aussi diplomate au Brésil, le racisme contre la prétendue "race de Cham" est un des thèmes les plus récurrents. Son anti-sémitisme est encore en un sens étymologique car il semble en avoir plus contre les prétendus fils de Sem en général que contre les juifs en particulier. A la fin de sa vie (et bien qu'avec son ami Wagner, il ait dû augmenter sa judéophobie), il craignait plus l'Asie et le "Péril Jaune" (il refusa même une mission diplomatique en Chine). Il attaquera la IIIe République comme un règne de la pensée asiatique des Mandarins méritocratiques.

Un des derniers textes de Gobineau est un poème épique, Amadis. Il tente d'y mettre en roman sa théorie de la décadence par le métissage. Amadis y est le type pur du Chevalier (l'Aryan), protecteur d'Oriane, et il devra lutter contre Ahriman (la divinité avestique du Mal), divers sorciers, Garamant (Proust s'en souvient-il inconsciemment ?) puis Merlin contrôlé par Viviane avant de tomber finalement face au flot inexorable du déclin sous le règne crépusculaire de Barabbas. On y voit directement son fantasme sur une aristocratie qui ne peut rien face à cette histoire pessimiste où l'origine ethnique ne sert qu'à regretter l'écoulement du temps et la perte de l'origine.

Moi gouffre où tous les moi tombent, pris de vertiges


Le philosophe Raymond Geuss (né en 1946 et qui a publié récemment A World Without Why) est une curiosité puisqu'il est un philosophe américain formé dans l'école analytique mais spécialiste de Nietzsche et de ce qu'on a appelé la Théorie Critique (l'école de Francfort qui tentait de reprendre chez Marx ce qui y aurait une "valeur émancipatrice" tout en critiquant de l'intérieur certains de ses fondements étatiques, positivistes ou hégéliens). Il est donc difficile à classer comme une sorte d'herméneute mais en plus tranchant que l'hérméneutique.

Dans cette vidéo postée aujourd'hui, il résume sa critique et déconstruction du concept de "nihilisme". En gros, il dit que de nombreux philosophes (depuis des religieux et anti-religieux du XIXe jusqu'à Heidegger au XXe) n'ont cessé de dire que le problème central de notre modernité était le Nihilisme. C'est particulièrement ambigu chez Nietzsche où il y a un nihilisme actif contre les valeurs traditionnelles et un nihilisme réactif qui s'attaque finalement à toute valorisation vitale (Nietzsche est donc accusé d'être nihiliste tout en étant un des premiers à ne cesser de dénoncer le nihilisme). De même chez Heidegger, son attaque contre le concept de "Raison" consiste à dire qu'elle n'engendre que nihilisme dès lors qu'elle réduit tout à ce dont on peut "rendre raison" et on ne peut s'empêcher de penser que ce procès contre la "Raison" a une tonalité nihiliste. 

Geuss définit surtout le nihilisme comme une impression de perte de normes (de normes de justification de nos actions). Il dit que la philosophie moderne à force d'analyser des raisons de manière de plus en plus désincarnée, abstraite ne peut que conduire à une forme de nihilisme. La neutralité axiologique pure (ou le solipisme méthodologique) dans la méthode au point de départ produit le nihilisme au point d'arrivée. qui serait donc une sorte de scepticisme radicalisé en scepticisme pratique (alors que le pyrrhonisme traditionnel ne s'attaquait qu'à la spéculation théorique). Mais Geuss y voit en fait un faux problème théorique qui cacherait plutôt ce que Weber appelait le "polythéisme" (un pluralisme de valeurs en conflit) plus que le nihilisme. Le problème ne serait pas que nous ne croyons plus en RIEN (NIHIL) mais que nous croyons en plusieurs contenus hétérogènes, moins systématisés, moins cohérents et donc en un sens en plus de choses, pas moins, sans pouvoir toujours justifier comment toutes ces normes s'articulent entre elles quand elles se contredisent. 

Soit. 

Mais sa déconstruction continue en disant que le nihilisme est un faux problème car nous ne l'utilisons que comme une insulte pour des adversaires. Le nihiliste serait toujours autrui : le sceptique pour le dogmatique, l'athée ou l'agnostique pour le religieux, l'ascète plein de ressentiment pour Nietzsche, le pragmatique pour le métaphysicien, le métaphysicien et/ou le technoscientifique pour Heidegger, le démocrate pour le nostalgique du totalitarisme, l'art contemporain pour ceux qui croient encore en l'art, l'égoïste pour le moraliste, l'individu dépolitisé et narcissique pour le militant politique, le relativiste pour tout le monde. Et cela prouverait donc que ce n'est qu'un faux problème puisque ce ne serait qu'un jugement de valeur qu'on utilise depuis une norme pour critiquer l'absence de cette norme particulière chez quelqu'un au lieu d'admettre une pluralité de normes en conflit. 

Je suis nettement moins convaincu par ce dernier argument. 

Si le nihilisme contemporain paraît souvent être un problème aigu dans ce qu'on appelle la Philosophie Continentale (depuis Nietzsche), c'est aussi parce qu'on peut le percevoir comme un problème "en première personne". Qui n'a jamais éprouvé face à la Fluidification Infinie de toute chose dans le monde moderne (pour reprendre encore la métaphore de Zygmunt Bauman) une "crise du désir" qui serait une des clefs du nihilisme (sur ce point Bernard Stiegler y a beaucoup insisté même si cela peut paraître être de la psychologie collective facile). Le problème ne serait pas seulement qu'on a plusieurs normes ou qu'on veut imposer une norme mais bien que dans certains cas on ne sent plus du tout la force de normes dont on reconnaît une valeur d'un autre point de vue. "The best lack all conviction". Si on se dit qu'on devrait se politiser et qu'on reste dépolitisé ou si on juge intellectuellement et de jure que le relativisme est absurde et qu'on en reste de facto à un éclectisme contradictoire, on vit alors le nihilisme de l'intérieur, chez soi comme une scission dont on ne voit pas de solutions. Et dire que notre manière de philosopher ne fait que causer le (faux) problème ne dénoue pas vraiment la difficulté car on ne conçoit pas vraiment cette manière alternative de philosopher qui suffirait à nous délivrer de cette illusion que tout se réduit à des constructions de valeurs illusoires

Geuss tente de rassurer en disant que le sujet engagé dans sa vie pratique éprouve toujours les normes et que nous feignons seulement de nous effrayer du déclin de certaines normes transcendantes mais il n'est pas certain que la philosophie puisse suffire à soigner la réaction de misologie résignée ou indifférente qu'elle peut au contraire causer.  

Un argument contre ce "faux" problème deviendrait alors que le nihilisme tend à devenir un réseau de plusieurs problèmes réels dès lors qu'on superpose tous ces verdicts ambigus de nihilisme. On ne ferait qu'agraver la difficulté à chaque fois qu'on n'a plus le soin de bien définir que ces différents doutes modernes devraient être distingués. Le problème est plus une prophétie auto-réalisatrice qu'un diagnostic, mais cela peut-il suffire à dissoudre le problème en nous réconciliant avec cette confusion des normes (qui ne serait alors qu'un autre nom du "nihilisme"). 

David Lewis avait dit (dans "Elusive Knowledge", sa définition contextualiste du concept de connaissance) que l'épistémologie (la recherche de normes de justification de la connaissance) est par essence une dissolution de son sujet car plus on précise ces normes, plus la connaissance certaine paraît inaccessible. Et cela pourrait être vrai de toute philosophie. Dès qu'elle analyse un problème pratique ou théorique, elle pourrait alors engendrer une nouvelle difficulté dans la norme de justification. Le nihilisme et la misologie sont des ennemis de la philosophie car ils sont des réactions ou des contre-coups de la philosophie : Calliclès comme le disciple plein de ressentiment. 

mardi 10 mai 2016

Carte du Pathos

Cet "Atlas des Emotions" (par le psychologue Paul Ekman qui a inspiré le film Inside Out) ne me semble avoir que peu d'intérêt scientifique et contrairement à ce que dit la métaphore du titre, l'idée de géographie n'est pas vraiment utilisée puisqu'il n'y a pas de frontière ou de métrique claire entre les 5 émotions fondamentales.

En revanche, je crois que cela pourrait inspirer une carte de campagne fantastique.
Il faudrait sans doute déguiser un peu les noms des émotions dans une langue exotique:
  (1) Joie : sans doute le pays à défendre pour les PJ.
  (2) Colère : Sanguins ? Territoire martial qui tente d'envahir les autres ?
  (3) Dégoût : peuplé par des Vers qui animent des corps de zombies ?
  (4) Crainte : Bilieux ? Zut, un peu redondant avec Dégoût. Une autre sorte de Terreur ? Ou des fascistes angoissés par le Continent de Colère.
  (5) Chagrin : un territoire de mélancoliques, peut-être dévastés par ceux de la Colère eux aussi.

Mouais... Cela reste très manichéen, en fait.

Et si vous n'aimez pas Ekman, on peut aussi revenir simplement aux Passions de l'Âme de Descartes avec ses six passions simples et primitives ("On peut facilement remarquer qu'il n'y en a que six qui soient telles ; à savoir l'admiration, l'amour, la haine, le désir, la joie et la tristesse", art. 69). Ce que Descartes appelait "admiration" restait d'ailleurs une des fondamentales chez Ekman au départ sous le nom de "Surprise". Un pays de l'Etonnement, où tout est rare, singulier,  pourrait être plus ambigu et intéressant qu'un pays de la Crainte.

Il y avait certes déjà cette célèbre Carte Morale de l'Humanité par un certain James Turner qui a l'avantage d'être très détaillée et de jouer vraiment sur des effets étranges de contiguïté. Mais son moralisme est parfois pesant (dans son continent au nord de la Sagesse et celui au sud du Péché et du Plaisir) et surtout il intègre de multiples références géographiques réelles ou fictives avec une politisation discutable. Le Continent de l'Abomination conduit à l'Archipel du Goulag (qui est ici vraiment un "archipel" au pôle sud). Marseille y est mis en Enfer à côté de Beyrouth alors que Londres et New York sont dans l'Emerveillement. Le continent des Illusions nocives à l'est comprend le territoire de l'Etat Mondial (de Brave New World).


dimanche 8 mai 2016

Avengers vs Justice League 1830


En 1834, le républicain Armand Barbès fonde une société secrète baptisée la société des Vengeurs sans doute appelée ainsi en partie parce que le but initial était de délivrer des Républicains emprisonnés par la Monarchie de Juillet.

Le rival de Barbès, Auguste Blanqui, inspire une autre société fondée en 1836 par des socialistes allemands exilés autour d'un ouvrier, Weitling, le Bund der Gerechten (Ligue des Justes) ou à l'origine dans les documents d'époque Bund der Gerechtigkeit (Ligue de Justice). Le groupe était à ses débuts plus proche d'un communisme utopique religieux.

Blanqui et Barbès furent alliés pendant la tentative ratée d'insurrection du 12 mai 1839 et chacun accusa l'autre d'avoir été à l'origine de cet échec (un document sans doute faux semblait même prouver que Blanqui aurait trahi les conspirateurs). Cela conduisit Barbès pendant la Révolution de 1848 à se rapprocher des Républicains modérés contre les Blanquistes

La Ligue des Justes (qui formera plus tard la Ligue communiste de Marx et Engels) entra dans la Société des Saisons des Blanquistes dont la structure (des cellules qui formaient des "semaines" de cinq membres qui formaient des "mois", etc) a dû inspirer le roman métaphysique de Chesterton sur des comploteurs anarchistes, A Man Called Thursday (1908) où les membres portent des noms de code de jours de la semaine.

samedi 7 mai 2016

Cartes de planètes cisjoviennes




Essentialisme et racismes





  • Je suis un peu interloqué que Philosophie Magazine ait titré son dernier numéro "Nomades contre Sédentaires, la Nouvelle Lutte des Classes". Cette expression se trouve en effet souvent dans l'extrême droite néo-nazie de Soral et ce nazillon narcissique doit jubiler qu'on reprenneainsi une de ses thèses pseudo-marxistes (où je vous laisse deviner qui sont ces "Nomades mondialistes capitalistes spéculateurs sans racines" face aux "Sédentaires producteurs gaulois"). Mais je n'ai pas ouvert le magazine et j'ignore s'ils l'attaquent ensuite.

  • Un des prétendus candidats aux Présidentielles (qui n'aura pas les 500 signatures) est un élu local versaillais et dirigeant de radio Courtoisie, De Lesquen du Plessis-Casso (polytechnicien et énarque, ce crypto-négationniste* appartient ironiquement à la Promotion qui avait pris le nom de la philosophe gnostico-trotskiste Simone Weil). De Lesquen frappe dans son discours raciste car il ne le crypte que très peu, contrairement à toutes les habitudes depuis des décennies, même au FN. Je n'avais jamais entendu en France quelqu'un parler de "fierté blanche" dans un discours public et je croyais que c'était confiné à quelques skinheads un peu américanisés et pas à des milieux de pouvoir politiques versaillais nourris à Alain de Benoist et au GRECE (De Lesquen était aussi au Club de l'Horloge).

    [* Le négationnisme, lui, est codé uniquement pour des raisons juridiques. Il ne dit pas qu'il n'y croit pas, il dit de manière détournée qu'il n'aurait pas le droit de dire qu'il n'y croit pas - un peu comme OJ Simpson se faisant payer pour dire qu'il n'a pas tué sa femme mais qu'il peut raconter sans conditionnel comment il s'y [était] pris s'il l'avait fait.]

  • Je commence à être déprimé par toute cette tératologie raciste. Si vous doutiez encore que Renaud Camus (et son "Parti de l'In-nocence" pour qui la "nocence" est avant tout les incivilités et la présence d'allogène) était de tendance KKK / White Pride, voici un tweet de lui du 29 avril  :
    Hitler a commis deux génocides : 1/ des juifs, de son vivant 2/ des blancs en rendant impossible, par le premier, toute référence à la race.
    Le principal reproche qu'il fait donc à Hitler est donc d'avoir trop contribué à "discréditer" le racisme, tout comme Maurras regrettait qu'il ait nui à la cause de l'antisémitisme.

  • Et pour passer de l'extrême droite raciste traditionnelle à leur double prétendument de "gauche" théocratique du Parti des Indigènes de la République, je ne comprends pas l'angle d'attaque choisi par cet article contre le PIR. Ils disent que le problème du PIR est que c'est un renouveau du racisme vers un "essentialisme", qui enferme les individus dans une essence (de l'Arabe, du Noir, du Colonisé).

    Bien sûr, tout dépend de ce qu'on appelle l'essentialisme et c'est ambigu. Mais prenons par exemple l'analyse critique du terme tel qu'on l'entend dans l'ontologie analytique depuis Quine : l'essentialisme consiste à croire qu'il existe des propriétés nécessaires d'un individu, indépendantes d'une classification générique arbitraire ou quelle que soit la description. Autrement dit, cela veut dire que Monsieur X a telles propriétés nécessairement et d'autres non, indépendamment d'autres propriétés accidentelles. Ces propriétés qu'il possède nécessairement ne dépendent pas d'une description contingente qu'il aurait pu ne pas satisfaire.

    Si j'ai bien compris le discours du PIR (et en feignant de croire que ce soit plus qu'une idéologie rhétorique pour unir plusieurs combats hétérogènes), ils se veulent complètement "constructionnistes", ce qui en fait un mouvement assez "moderniste". Ils disent partir de la thèse que les concepts de race sont construits socialement. C'est donc un renouveau original du racisme : ce sont des racialistes mais justement des racistes non-essentialistes ou des racialistes "relationnels" ! Le "Blanc" est fixé comme le terme non-marqué par la classification raciste blanche, comme le dominateur qui ne se nomme pas lui-même et le "non-Blanc" par exemple (ou l'Indigène) est constitué de manière relationnelle par domination : ce sont les Blancs qui ont constitué les non-Blancs par leur hégémonie.

    Donc le PIR en déduit que tout discours universaliste disant que tout homme peut accéder à une identité et des droits indépendants de telle ou telle communauté est un discours homogénéisateur artificiel, une ruse (des Blancs) pour empêcher les communautés non-blanches de s'allier contre le vrai pouvoir dominateur des Blancs. L'universalisme (et donc l'anti-racisme) est le complot des Blancs pour faire oublier qu'il y a des "Blancs". D'où ensuite les conclusions ségrégationnistes du type qu'un(e) non-Blanc(he) qui se marie avec un(e) Blanc(he) trahit la cause des non-Blancs (ce qui rejoint le racisme traditionnel et l'apartheid "blanc" en lui donnant un habillage de lutte anti-coloniale).

    Comme le PIR a une obsession judéophobe (ce que même Ivan Segré semble un peu contraint d'admettre malgré lui alors qu'il mettait en garde contre toute paranoïa à ce sujet), ils font des contortions pour dire que les Juifs furent persécutés par les "Blancs" mais sont ainsi devenus la quintessence de l'oppression "blanche" puisque les "Blancs" américains soutiennent Israel contre les non-Blancs "palestiniens". Bouteldja attaque par exemple dans son dernier livre (à la suite d'Edward Saïd) Sartre comme un "Blanc" (malgré tous ses textes pro-Fanon) parce qu'il parle encore d'un droit à l'existence d'Israel et elle accorde à Jean Genet un certificat de non-Blanc "honorifique" pour la raison symétrique de son soutien plus direct à l'OLP.

    Donc pour résumer le chaudron du PIR : (1) Il n'y a pas de race en soi. (2) Mais ces sales Blancs sont ceux qui ont construit les races pour opprimer les non-Blancs. (3) Et il faut que toutes les "races" non-Blanches s'unissent contre ces sales Blancs oppresseurs et tous ceux qui nient qu'il y aient des races ne peuvent être que des Blancs ou des traîtres vendus aux Blancs puisque la négation du racialisme ne ferait que soutenir la domination de facto des Blancs. Cela leur permet de dire qu'ils ne peuvent même pas être "racistes inversés" puisque seuls les dominants pourraient l'être en disposant d'institutions de domination.


  • Il y a donc bien un essentialisme qui reste caché (l'Occident essentiellement défini par la colonisation, comme si l'Islam qu'on oppose comme un Grand Autre ne s'était pas diffusé aussi en grande partie avec un impérialisme colonial assez similaire et avec un autre projet "universaliste")

    La théoricienne du PIR a fait des études d'anglais et un de ses principaux modèles est un discours qui vient d'Edward Saïd (qui avait lancé des analogies entre l'oppression des Autochtones amérindiens par les Américains et celle des Palestiniens par les Israéliens). En un sens, le néo-racisme différentialiste (et d'autres versions plus modérées de différentialismes) est une peste qui vient plus des USA que de théories théocratiques (plus universalistes malgré tout le fétichisme pour la particularité originelle du passé qu'il faut copier dans le salafisme). En France, la sociologue différentialiste Christine Delphy aurait certaines convergences "objectives" mais j'imagine que Bouteldja serait trop homophobe et trop théocrate pour chercher cette alliance (Delphy, par ses textes sur l'intersectionnalité contre la laïcité à la française, est plus proche d'autres mouvements communautariens certes très "islamophiles", du genre de LMSI).
  • lundi 2 mai 2016

    Planeswalkers & Murder Hobos


    20 ans après avoir absorbé D&D, Wizards of the Coast tente pour la première fois une adaptation de son jeu de cartes phare Magic vers le jeu de rôle avec la description gratuite du Plan de Zendikar (qui utilise aussi l'artbook sur cette dimension).

    Je n'ai jamais joué à Magic mais Zendikar est un univers d'îles volantes qui était utilisé par le jeu de cartes en 2009-2010 et repris cette année en 2015-2016 .

    Magic est gourmand en dimensions et en change régulièrement, si j'ai bien compris, avec le Plan de Dominaria à l'origine et encore en 2007-2008, Ulgrotha en 1995, Rath/Mercadia en 1997-1999, Mirrodin en 2003-2004/2010-2011, Kamigawa en 2004-2005, Ravnica en 2005-2006/2012-2013, Lorwyn/Shadowmoor en 2007-2008, Alara en 2008-2009, Innistrad en 2011-2012, Theros en 2013-2014, Tarkir en 2014-2015.

    Je n'avais jamais compris pourquoi ils refusaient si obstinément cette convergence avant pendant la 3e ou la 4e édition de D&D en 2000-2012. L'explication, plus sociologique que stratégique, devait être que les équipes du jeu de cartes et celle sur D&D n'avaient pas envie de diluer leur attention ? Même cette version est donnée clairement comme un test.

    dimanche 1 mai 2016

    Rip Hunter... Time Master (2/2)

    (suite des résumés des aventures de Rip Hunter pendant l'Âge d'Argent)

     Rip Hunter...Time Master #16 (septembre 1963): "The Criminal League of Time"
    C'est la première apparition de l'uniforme vert futuriste que portera désormais l'équipe de Rip et de l'Encyclomatic (encyclopédie omnitemporelle, peut-être inspirée d'outils du futur dans le #12). Le bandit Lars Kreel enlève Corky et une sphère pour recruter un certain "Harry Hawkins", bandit britannique de 1573 siècle et le "Baron de Koven", criminel français en 1560 (Jack Miller, qui est vraiment en baisse de régime depuis quelques numéros, ne cherche même plus à se documenter pour trouver de vrais noms et ce décor de "1560" semble être plutôt 1460). Ils veulent former une "Ligue Temporelle des Criminels" et pensent même recruter Attila. L'équipe les arrête avant qu'ils n'aient élargie leur modeste équipe.
    Deux mois après, Edmond Hamilton publie dans Adventure Comics #314 une meilleure version de la même histoire où se forme une Légion de criminels avec cette fois Néron, Joe Dillinger (???) et Adolf Hitler qui viennent occuper les corps des trois plus puissants membres de la Légion des superhéros. Est-ce une coïncidence ou bien Hamilton a-t-il simplement plagié le moins doué Jack Miller (à condition d'avoir eu accès au scénario avant la parution) ? D'ailleurs, Rip Hunter affronte Hitler dans le #20.

     Rip Hunter...Time Master #17 (novembre 1963): "Track of the Wizard's Beast"
    Lars Hawkins (on reconnaît les mêmes noms que dans le numéro précédent) engage l'équipe pour lutter contre la malédiction familiale du Duc d'Ogilvie, Comte de Ponthieu (Ogilvie est pourtant un nom plutôt écossais), commencée en 1360 qui va le transformer en monstre (on reconnaît le remake du #1 !). Le Mage Vareau semble avoir accès à une vraie magie (ce qui contredirait les épisodes précédents) ou du moins à des formes de technologies anormales mais il n'y a aucune explication. Vareau est tué par le Duc d'Ogilvie transformé en monstre mais l'équipe a le temps d'obtenir l'antidote pour sauver son descendant six cents ans plus tard. Le rapport entre Corky et le monstre est peut-être imité de celui de Ricky et Hulk chez la Concurrence ?

     Rip Hunter...Time Master #18 (janvier 1964): "Public Enemy -- of the 26th Century"
    Ils retournent en 2550 (où ils étaient déjà allés dans le #14 et Rip Hunter y est accusé d'avoir volé un minerai de "velium". Hunter avoue avant de découvrir qu'il avait été hypnotisé par le vrai voleur (qui utilise un rayon évolutionnaire pour transformer Jeff en Néanderthalien).

     Rip Hunter...Time Master #19 (mars 1964): "Cleopatra's Deadly Trap"
    Jack Miller doit avoir plus de temps pour écrire car la série s'améliore un peu à partir de ce numéro. La Sphère a un accident en prenant des films de l'histoire de l'Egypte et tombe vers -48. Rip tente d'aider Cléopatre VII contre son frère Ptolémée XIII. Elle l'hypnotise pour qu'il croie être Jules César pour mieux faire croire à son soutien, mais une fois délivré, Rip ramène le vrai César pour l'allier à la reine lagide.

     Rip Hunter...Time Master #20 (mai 1964): "Adolf Hitler's Greatest Secret"
    En filmant l'Allemagne vers 1942-1945, l'équipe est prise en otage par Hitler. Il les force à aller lui ramener Napoléon pour trouver un plan secret pour vaincre la Russie. Rip Hunter retourne vers 1806 et sauve Napoléon (dessiné plutôt comme le jeune Bonaparte du Pont d'Arcole) d'un complot prussien. Napoléon aide alors Rip à donner de faux conseils pour piéger l'armée allemande et sauver les otages. La fin où Rip doit rassurer Napoléon en lui disant qu'il n'était pas aussi maléfique qu'Hitler est assez drôle.

     Rip Hunter...Time Master #21 (juillet 1964): "The Beauty Contest of the Ages"
    BB, un réalisateur hollywoodien, propose de donner une fortune aux organisations de charité si Rip participe à son idée d'un concours de beauté. Il cherche la plus belle actrice pour son film sur Marie-Antoinette (mais son vrai but est de se faire de la publicité). Rip ramène Hélène de Troie (de -1200, Rip invente le Cheval et dans cette version Paris est une brute et Hélène est fidèle à Ménélas), Cleopatre (vers -31, qui se souvient du #19 qui se passait 16 ans avant, première continuité depuis le début de la série), Theodora (vers 530) et Sheherazade (qui vient avec une poudre de son père vizir qui doit lui donner un charme irrésistible). En voyage, il ramènent aussi Marie, une Française anonyme du XVIIIe siècle qui s'était perdue et elle reçoit la poudre de Shehérazade, ce qui lui fait gagner le concours. (Les tentatives de vague érotisme de Will Ely ne sont pas très réussies mais tout le monde ne peut pas être Wally Wood).



     Rip Hunter...Time Master #22 (septembre 1964): "The Stowaway from ??? AD"
    Jack Miller a un passage sexiste. Une femme fait croire à Rip qu'elle l'a suivie comme passager clandestin dans la Sphère. Elle prétend d'abord être une fiancée de Richard Coeur de Lion en Allemagne (en 1194) puis de Robin des Bois, puis de Casanova et Rip découvre qu'elle vient en réalité du XXe siècle.

     Rip Hunter...Time Master #23 (novembre 1964): "George Washington -- Enemy Agent"
    Lyndon B. Johnson (non nommé) envoie Rip enquêter sur un document qui semble montrer que George Washington aurait envoyé des informations aux Britanniques (on menace déjà de rebaptiser la capitale "Jefferson, DC"). Rip découvre qu'il s'agissait d'un plan pour retarder les Tuniques rouges avant Yorktown. Cet épisode a sans doute inspiré d'autres histoires controversées de Rip Hunter vingt ans plus tard où cette fois George Washington a vraiment été remplacé par les Illuminati dirigés par l'immortel Vandal Savage. Cet épisode est le premier à être explicitement attribué au scénariste Jack Miller (DC ne nommait pas ses auteurs comme le faisait Marvel) mais c'est aussi son dernier numéro. A-t-il été renvoyé parce qu'il exigeait que son nom soit ainsi ajouté ou pour une demande d'augmentation ? C'est désormais l'editor de la série, George Kashdan (généralement peu inspiré) qui reprend les six derniers numéros sur l'année 1965.

     Rip Hunter...Time Master #24 (janvier 1965): "Rip Hunter's Royal Wedding"
    Retour du réalisateur BB du #21 qui envoie un de ses acteurs étudier le vrai Walter Raleigh en 1585 pour son film sur Elizabeth. La Reine Elisabeth tombe amoureuse de Rip et il devra agir pour protéger l'histoire de Raleigh.

     Rip Hunter...Time Master #25 (mars 1965): "The Missing-Link Monster"
    Retour aux clichés des premiers numéros. Un savant trouve un monstre qu'il prend pour le chaînon manquant il y a un million d'années mais Rip découvre que c'est un hybride artificiel créé par des extraterrestres qui visitaient la Terre à l'apparition de l'homme pour y faire des expériences interdites sur leur planète.

     Rip Hunter...Time Master #26 (mai 1965): "Bring Back the Cosmic Key"
    L'équipe sauve Galilée en 1633 d'un complot pour le faire exécuter par l'Inquisition. Le but est d'obtenir ses connaissances sur les satellites de Jupiter pour sauver un astronaute. Autant Léonard de Vinci était curieusement ridiculisé par Jack Miller dans le #14 comme un charlatan, autant Galilée est décrit ici par George Kashdan comme un génie qui aurait un savoir dépassant même la physique ultérieure de la NASA (il a aussi inventé une sorte de Talos mécanique). Cette histoire fut traduite en français dans Aventures Fiction n°1 (1966) et je soupçonne que le scénario a dû inspirer le roman pour enfants de Philippe Ebly à la Bibliothèque Verte SOS Leonard de Vinci (1979), où des voyageurs temporels vont de même demander à un personnage de la Renaissance de résoudre un problème que les savants du futur n'arrivent pas à traiter (ce qui crée d'ailleurs des paradoxes de cercle vicieux : sait-on si Léonard est vraiment si en avance sur son temps s'il a été contacté par des voyageurs lui transmettant la science du futur ?).

     Rip Hunter...Time Master #27 (juillet 1965): "The Robot Rulers of 2165 AD"
    Un robot extraterrestre, éclaireur d'une invasion, prend la place d'un robot rudimentaire du XXe siècle et accompagne Rip Hunter vers le futur pour étudier l'évolution de la cybernétique terrienne. En 2165, les robots sont en guerre avec les humains et cherchent à les transformer en robots. Le robot éclaireur découvre que les robots terriens veulent le détruire et décide de s'allier avec Rip. Il aide donc les Humains et il retourne ensuite dans son monde en les dissuadant d'envahir la Terre.

     Rip Hunter...Time Master #28 (septembre 1965): "Rip Hunter, the Time Creature"
    Ils partent étudier un sorcier polonais du XVIIIe siècle, Kraklow, qui possède une argile qui lui donne le pouvoir de transformer des hommes en monstre. Rip est transformé en monstre et Kraklow veut le forcer à l'aider à renverser le "Roi Stanislas" (donc sans doute Stanisław Ier Leszczyński qui règne seulement brièvement en 1733-1736, assiégé par les Saxons et les Russes et sans soutien suffisant des Français et Suédois, Stanisław II Poniatowski verra la fin de la Pologne de 1764 à 1795). Rip met Kraklow sur le trône mais réussit à le renverser dès qu'il récupère l'argile. La statuette qui le transformait est cependant perdue dans le tumulte et la fin annonce qu'elle risque de réapparaître un jour, premier cliffhanger de la série mais qui ne sera pas développé (le mage Kraklow réapparaît vingt ans plus tard comme un supervilain récurrent dans DC Comics Presents #77-78).

     Rip Hunter...Time Master #29 (novembre 1965): "The Doom from Giant Valley"
    Ils retournent en 1561 pour retrouver un alchimiste bavarois, Archarus (donc sous Albert V de Bavière). Archarus a inventé un produit qui transforme en géant et il est exilé avec ses apprentis après avoir été agrandi. Ils trouvent l'antidote et reviennent ensuite arrêter les créatures géantes issues du même elixir. C'est la fin de la série et Rip Hunter disparaît pendant une douzaine d'années.

    Justice League of America #144 (juillet 1977) "The Origin of the Justice League - Minus One!"
    Scénario de Steve Englehart : Flashback à la fondation de la Ligue de Justice et la création des premières Sphères Temporelles (que Rip Hunter put financer grâce à un héritage). Rip Hunter est présent avant la création de la Ligue avec d'autres personnages DC comme les Blackhawks, les Challengers of the Unknown, Congorilla, Plastic Man, Rex the Wonder-Dog, Robotman, Adam Strange et Vigilante.

     Challengers of the Unknown #85-87 (février-juin 1978)
    Scénario de Gerry Conway. Les Challengers, aidés de Deadman et Swamp Thing, affrontent une créature géante venue du futur. Pour comprendre son origine, ils tentent de retrouver Rip Hunter, dont on dit qu'il a disparu depuis des années. Avec l'aide des amis de Rip, ils le retrouvent en l'an 12 Millions, où il a été asservi par un mutant d'une époque où toutes les formes de vie sont créées artificiellement. Ils sauvent Rip et reviennent dans le présent.

    Showcase #100 (mai 1978): "There Shall Come a Gathering"
    Rip Hunter participe (avec tous les personnages jamais apparus dans Showcase) à une aventure commune à travers le temps.

     DC Comics Presents #37/2 (September 1981): "Whatever Will (or Did) Happen to Rip Hunter...Time Master?"
    A la fois une aventure et les origines secrètes de Rip Hunter. Une des sphères a été volée par un vieux rival de Rip à l'université et ils le poursuivent dans le futur (4784) et un lointain passé (-3709) avant de revenir à l'époque de l'université où par un paradoxe, c'est le matériel de la deuxième sphère de rechange qui va permettre à Rip de créer sa première et ainsi de causer la rivalité avec ce concurrent.

     Action Comics #540-541, 545, 552-554 (1983-1984)
    Avec l'aide de Superman, on réunit une équipe de plusieurs héros dits les Forgotten Heroes, dont Rip Hunter (qui a soudain étrangement vieilli avant de retrouver sa jeunesse), Dolphin, Animal Man, Cave Carson, Dane Dorrance (des Sea Devils), Immortal Man, Rick Flag, qui luttent contre Vandal Savage. C'est la première fois que l'immortel Vandal Savage va devenir l'ennemi récurrent de Rip Hunter, via Immortal Man.

     Flash Vol. 1 #342 (février 1985): "Smash-Up"
    Pendant le procès du Flash (accusé d'avoir tué le Reverse-Flash), Rip Hunter témoigne comme expert des paradoxes temporels pour certifier que Reverse-Flash est vraiment mort malgré tous ses pouvoirs de voyage dans le temps.

     DC Comics Presents #77-78 (janvier-février 1985): "Triad of Terror"
    Vandal Savage revient avec l'équipe dite des Forgotten Villains : Atom-Master, Enchantress, Faceless Hunter, Kraklow, Mr. Poseidon (ennemi des Sea Devils), Ultivac et Yggardis the Living Planet.

    La dernière apparition de ce Rip Hunter de l'Âge d'Argent est dans les derniers volumes de Crisis on Infinite Earths #10-12.