jeudi 30 avril 2015

1001 Nuits : La Tour Scellée de Salomon

(en complément du numéro spécial "Tour" de The Hanging Garden)

Nuit 271-272 (édition Burton) : La Tour Scellée de Labtayt et le Trésor de Salomon

A l'Ouest, dans al-ʼAndalus [au sens large en arabe désigne toute la péninsule hispanique, voire les pays francs], dans l'Empire de Roum se trouve la Cité de Labtayt. [Burton pense qu'il pourrait s'agir de Tolède, en arabe Tulaytulah, la capitale des Wisigoths]

A Labtayt se trouvait une Tour fermée et à chaque nouvel Empereur de Rome, on ajoutait une nouvelle chaîne et une nouvelle serrure à cette Tour. Après 24 Rois et 24 serrures, le nouveau Roi fut curieux de voir ce que cachait la Tour malgré tous les conseils. Il fit ouvrir la Tour et y trouva une prophétie illustrée disant que lorsque cette Tour serait ouverte, les Arabes en turban de l'illustration viendraient conquérir la Cité.



Alors, le général Tāriq ibn Zīyād, sous le 6e Calife des Omeyyades, Al-Walid ibn Abd al-Malik (668-715), franchit depuis Tanger le Roc qui prit son nom (Gibraltar). Il conquit le Royaume d'Andalousie et accomplit la prophétie [à partir de 711 / 93 de l'Hégire]. Il tua le Roi [qui devait être Roderic le dernier roi des Goths] et trouva dans la Cité le trésir tant convoité, la Table d'émeraude du Roi Salomon, avec des récipients d'or et des plats de jaspe.

Il y avait aussi un recueil de Psaumes en Ionien [Grec] en feuilles d'or et de joyaux, un livre sur l'Alchimie, sur les Talismans, les propriétés des Pierres et des Herbes, un troisième livre sur les rubis, les poisons et les thériaques, une Carte du Monde, une poudre hermétique qui transformait l'Argent en or, 170 Couronnes de Perle et de pierres de hyacinthe et le Miroir Magique de Salomon qui pouvait voir à travers les Sept Cieux.

[De nombreux témoignages historiques occidentaux mentionnent cette Tabula Salomonis comme une possession des Rois wisigoths, qu'ils auraient offerte puis rachetée à des Rois francs mérovingiens. On perd sa trace pendant la conquête musulmane de l'Espagne. Selon une autre tradition semi-historique musulmane, le Général Tāriq fit passer la Table d'or de Salomon à son supérieur le Gouverneur d'Ifrīqīya (le Maghreb), Mūsá bin Nuṣayr (qui devint un des célèbres héros des Mille et Une Nuits dans la légende de la Cité d'Airain). Il craignait que Mūsá ne s'attribue la découverte de la table et remplaça un pied. Quand Mūsá, après la fin de la conquête, fut convoqué à Damas, il présenta la Table comme sa prise du butin, Tāriq sortit alors le vrai pied et dénonça le mensonge du Gouverneur. Mūsá bin Nuṣayr (qui avait déjà désobéi au Calife en montrant parfois trop d'esprit d'initiative) fut disgrâcié devant le nouveau Calife, Suleiman ibn Abd al-Malik, et partit en pélerinage, où il mourut dans la pauvreté. La Table aurait été alors confisquée par le Calife.
Une autre légende dit que 100 ans plus tard, le Calife Hārūn ar-Rashīd détenait encore la Table de Salomon et l'offrit peut-être parmi ses présents à Charlemagne - bien que cela la confonde avec ce qui était en fait des plats persans de Chosroès.
Il ne faut pas confondre cette Table, qui serait soit en émeraude soit en or, avec la Tabula smaragdina, Tablette d'Emeraude hermétique, tablette contenant des formules occultes alchimique. Mais on remarque que la suite du Trésor est alchimique.]

Abe

Je me rends compte que je n'ai plus parlé du Japon depuis 8 ans. Donc reprenons le temps perdu.

On rappelle que la démocratie japonaise a autant d'alternance qu'une dictature normale. Ou que la République italienne de l'après-guerre.

Si on prend le Parti au pouvoir depuis la mise en place du processus moderne, cela donne en effet :

* 1947-1948 Un Premier Ministre du Parti socialiste japonais, Tetsu Katayama, sous la tutelle de l'occupation américaine avant que la Guerre froide ne chasse les socialistes du pouvoir pour 47 ans.

* 1948-1993 16 Premiers Ministres du Parti libéral ou Parti libéral-démocrate (Jiyū-Minshutō, abrégé en Jimintō, qui n'est, comme dans la blague, ni libéral ni démocrate, mais protectionniste et oligarchique)

* 1993-1996 Crise parlementaire qui amène au pouvoir enfin une coalition d'opposition, avec d'abord l'éphémère "Nouveau Parti" (en gros, des ex-Libéraux démocrates en alliance avec la gauche, 2 Premiers Ministres) et ensuite la gauche avec un Premier ministre socialiste, Tomiichi Murayama (qui mit en place notamment le congé parental et fut le Premier ministre qui présenta pour la première fois des excuses pour les atrocités commises par les Japonais pendant la Guerre). Le Parti socialiste a fortement décliné depuis ce court mandat.

* 1996-2009 Retour des Libéraux-démocrates (Jimintō) avec 7 Premiers ministres, dont notamment le charismatique Junichiro Koizumi (2001-2006, presque un record de longévité, en tout cas à l'époque récente) et déjà l'actuel Shinzō Abe (2006-2007).

* 2009-2012 Le Parti démocrate (Minshutō) plus centriste bat les Libéraux-démocrates (avec l'originalité qu'ils avaient gagné dans la Chambre haute avant de gagner dans la Chambre basse de la Diète). 3 Premiers ministres : Yukio Hatoyama (bien que centriste, peut-être l'homme le plus à gauche qui ait marqué la politique japonaise durablement par ses réformes), Naoto Kan et Yoshihiko Noda. La catastrophe de Fukushima a lieu pendant leur gouvernement, en 2011 et ne fut pas particulièrement bien gérée par Kan et Noda.

* 2012-à nos jours : retour de Shinzō Abe du Minshutō. Il a une très vaste majorité : 291 sièges (61%) sur 475, + 35 voix du Kōmeitō, qui est assez indiscernable idéologiquement (en dehors du fait d'être issu d'une secte bouddhiste).

Abe, 61 ans, incarne une aile assez à droite du PLD, il est très nationaliste (encore plus que d'habitude dans le Parti libéral-démocrate) et il mène une politique conservatrice qui voulait lutter contre l'endettement majeur du pays tout en permettant un plan de "stimulus" et un assouplissement monétaire (le Dollar est passé de 75 Yens à 120 Yens en trois ans). Le résultat semble pour l'instant être un échec de la lutte contre la Déflation (piège central de l'économie japonaise depuis 25 ans), notamment à cause de la forte hausse de la TVA qui a encore contribué à faire s'effondrer la consommation.

lundi 27 avril 2015

1001Nuits (5) : Les suppléments d'Al-Qadim (2)

Ceci est la suite du survol en tapis d'Al-Qadim et ses Suppléments (Ie partie)

(9) The Complete Sha'ir's Handbook (130 p., 1994) est par Sam Witt, que je connais surtout pour un supplément d20 sur des Méchas de fantasy, Doom Stryders, qui témoigne de son goût pour le steampunk. Comme c'est surtout un livre de technique qui développe les options magiques d'Al-Qadim, je n'ai pas grand chose qui m'intéresse. Contrairement au titre, le livre parle en fait de toutes les magies d'Al-Qadim et pas seulement des Sha'ir. Les Sorciers sont divisés en magie des Sables, du Vent, des Flammes et de l'Eau, qui ne sont pas que des éléments mais aussi des catégories de magie et même de personnalité. Une des idées que je n'aime pas vraiment est celle selon laquelle le sha'ir doit penser à payer, littéralement, en or, son génie (même si ce "salaire" reste assez symbolique). Il vaudrait mieux trouver d'autres systèmes pour représenter le fait que le génie ne veut pas être considéré comme un simple esclave (il y a déjà l'idée d'un "congé" périodique pour le génie et on propose aussi d'autres compensations). En revanche, j'aime beaucoup l'idée de rituels pour "customiser" son génie. Puis viennent les 8 nouvelles sortes ("kits") de sorciers (dont plusieurs semblent plus adaptées à un PNJ, comme le Chacal). L'Astrologue, par exemple, met des sortilèges en "réserve" dans des constellations et chacun de ces douze signes est visible pendant trois mois par an. Si on n'a pas un système astral qui change aussi vite que le zodiaque quotidien de Rêve de Dragon, cela rend le sortilège parfois très peu accessible. Puis vient l'Horloger ou Mécanicien (qui fabrique des machines qui peuvent contenir des sortilèges, et Sam Witt l'a vraiment développé alors que le lien avec Zakhara ne me saute pas aux yeux), le Digitalogue (une sorte de "numérologue" qui contrôle ses sorts par des formules mathématiques plus efficacement mais aussi plus lentement), le Seigneur des Ghuls (qui utilise de l'énergie négative nécromantique pour alimenter tous ses sorts, mais cela finit par le dégrader et détruire aussi les objets magiques qu'il transporte, cf. erratum), le Chacal (qui vole ses sorts dans l'esprit d'autres sorciers des environs). le Mage-Tisserand (qui fabrique des textiles, foulards ou tapis, ce qui le rend encore plus lent pour utiliser sa magie), le Mystique de Nog (modifie son propre corps par magie) et, enfin, le Tueur de Sorts (assassins spécialisés pour contrecarrer la magie, ils sont en guerre sainte contre tous les sorciers). La suite est consacrée à diverses Sociétés de sorciers, dont une pour chacun des quatre éléments, la Confrérie de la Vraie Flamme (les principaux adversaires des autres factions, puissant groupe d'élémentalistes), le Culte du Sable (sorciers des sables), les Enfants de la Mer (sorciers des eaux), les Serviteurs du Zéphyr (sorciers du vent), la Constellation (Astrologues), les Mains de Badiat abd Ala'i (des sha'irs alliés des pouvoirs des Génies, une des plus intéressantes pour un PJ), la Ligue des Mécaniciens, les Yeux Rouges (sorciers maléfiques), la Société des Sables Changeants (sorciers étudiant les ruines des déserts), les Tueurs de Sorts (en jihad contre tous les sorciers et qui se servent du feu contre le feu) et les Vizirs (groupe de Sha'irs exclusivement féminines, dirigée par la "Reine des Oreilles", et qui ont déjà infiltré les agents des Yeux Rouges sans que ceux-ci connaissent même leur existence).

La fin comprend 30 nouveaux sorts et une centralisation (classée selon les quatre éléments) des quelques sorts déjà ajoutés dans City of Delights (4 sorts) et dans Secrets of the Lamp.

Bien que cela ne soit pas directement et officiellement relié, le Complete Book of Necromancers de Steve Kurtz (1995) développait le Ghul Lord et incluait un mini-cadre de campagne, l'Île des Nécromanciens, de style "mésopotamien" et avec des Descentes aux Enfers, qui allait bien avec la version sombre lovecrafto-clarkashtonsmithesque d'Al Qadim que Wolfgang Baur & Steve Kurtz préféraient (voir Dragon n°198).

(10) ALQ5 Ruined Kingdoms Campaign (1994), par Steve Kurtz (qui avait déjà fait A Dozen and One Adventures) est à nouveau une boite avec un Campaign Guide (32 p. sur l'est de Zakhara, et notamment ses Jungles et les empires déchus de Nog et Kadar) et un recueil de scénarios (64 p.). Le coeur des secrets antiques est la "Géomancie", une magie de la terre dont les Prêtres-Sorciers utilisaient des "géoglyphes", des sortes de runes cabalistiques qui pouvaient non pas seulement deviner la Destinée mais aussi modifier la Destinée par des Talismans (peut-être en rapport avec le Sceau du Destin qu'on trouve dans ALQ1 Golden Voyages ?). Cf. là dessus l'article dans Dragon Magazine #250, août 1998, p. 92-94. La grande force de cette notion de Destin est qu'elle ne se réduit donc pas ici à une fatalité qui retirerait toute activité aux personnages-joueurs, au contraire la campagne donne une Destinée à certains personnages pour en faire des héros de contes et mieux se rapprocher du texte de référence. Les adversaires seront la dernière des Archi-Géomanciens et le Culte païen de Ragarra, la Déesse-crocodile. En 9 scénarios, ils exploreront les Jungles de l'Ouest et vaincront un antique péril qui nous change un peu des Hommes-Yaks et de la Confrérie de la Vraie Flamme. Cela devrait intéresser aussi bien la Société secrète de la Constellation (les Astrologues, qui doivent se méfier de cette Géomancie) mais surtout les archéologues des Sables Changeants.



(11) Année prolifique pour le même Steve Kurtz (quasiment la dernière, il abandonna le jeu de rôle peu après et serait devenu aujourd'hui un ingénieur reconnu en mécanique appliquée aux prothèses).  Il fait aussi la boite ALQ6 Cities of Bone (1994), avec le même format (guide de 32 p, scénarios de 64 p.) mais cette fois il n'y a pas de campagne, plutôt six modules plus traditionnels et donjonnesques avec une unité thématique autour des pillages de tombeaux et de nécropole. Les idées de départ sont parfois originales mais le traitement est plus habituel que Ruined Kingdoms. Bien entendu, en raison du thème, ce sont aussi des scénarios bien plus abondants en morts-vivants que les autres dans la série.

(12) ALQ7 Corsairs of the Great Sea (1994) est par Nicky Rea (qui est ensuite partie travailler pour White Wolf, elle a aussi fait le supplément sur la Grèce mythique de TSR). La boite décrit les Domaines pirates du Nord qui sont donc l'équivalent de la Côte barbaresque. La zone n'est pas complètement illogique, c'est un passage obligé par mer entre l'Occident (Faerun) et l'Orient (Kara-Tur), sauf si on passe par des caravanes à partir d'Huzuz. Le livret décrit deux cités ennemies, Hawa, la Cité du Chaos, seule base stable des pirates, et Qudra, la Cité des Mamelouks qui représente le pouvoir du Calife. Les pistes de scénarios sont dans l'ensemble assez bien faites dans la thématique "Libre arbitre ou Destinée" qui était déjà celle de Ruined Kingdoms. Une des idées est directement reliée au problème principal du Calife qui n'a pas d'héritier et pourrait donc être faite avec la boite City of Delights.

(13) ALQ8 Caravans  (1994) est par Rick Swan. Un des charmes de cette campagne est le "PNJ" principal, un tapis magique nommé Ala'i l'Affamé, qui se nourrit de pages de livres (de poésie ou d'érudition). Ce tapis est illustré par un poster avec des détails (il porte plusieurs symboles et maximes morales) et il peut faire des oracles uniquement en utilisant les symboles du textile et après avoir dévoré une page d'un texte. C'est un mécanisme original qui doit pousser le MJ à des efforts pour inventer la réponse symbolique (il y a des exemples illustrés) et ensuite les PJ à un travail d'interprétation des réponses.

(14) Reunion (1998) était un petit module de 32 p. créé par Nicky Rea et son compagnon Jack Cassada pour les conventions de la RPGA et publié bien après la fin de la gamme d'Al Qadim (le niveau n'est pas précisé, 4-5 sans doute). Cela vise donc une partie isolée et je ne comprends pas pourquoi il n'y a pas de pré-tirés, il faut quand même créer les personnages à usage unique. On joue obligatoirement une tribu de nomades d'Altaïr, l'Aigle en Vol (an-nasr aṭ-ṭā’ir, est-ce lié à la Maison de Nasr, Land of Fate p. 38-39 ?) qui ont été capturés et réduits en esclavage (alors que le code de la Législatrice dit bien que l'esclavage est interdit pour les peuples "éclairés"). Les hommes, les femmes et les enfants ont été séparés en trois groupes de six et on est censé jouer les trois groupes de personnages séparément avant de voir si les trois évasions réussissent et s'ils peuvent se réunir. Le scénario des hommes est une évasion plus traditionnelle et violente, les évasions des femmes et des enfants sont en revanche plus originales. Cela donne une atmosphère proche d'un conte mais cela peut aussi sembler extrêmement dirigiste pour certains joueurs, non seulement pour l'amorce mais même dans les résolutions.

Al-Qadim fut une série limitée sur deux ans (1993-1994) mais les boites furent d'une qualité supérieure à la production habituelle de TSR à cette époque. Jeff Grubb a déclaré dans Dragon n°315 que les auteurs s'y sentaient nettement plus libres qu'ailleurs parce que (1) les dirigeants de TSR ne croyaient pas du tout au succès d'Al Qadim et étaient donc peu directifs, (2) le choix d'une gamme en temps limité semblait aussi réduire les risques. Le succès surprise de la Saison 1 (les boites ALQ1 à ALQ4) avait permis la Saison 2 (boites ALQ5 à ALQ8). Rétrospectivement, on voit que ces mini-campagnes avaient souvent une unité supérieure à de nombreux autres modules TSR, comme ce qu'on appellera ensuite des Adventures Paths. Presque tout Zakhara a été couverte : la capitale (City of Delights), le nord avec les Cités franches (ALQ2, ALQ3 et ALQ7), l'Ouest et la Mer (ALQ1), le Désert (ALQ8), l'Orient (ALQ5). Il manquait encore des détails sur les Cités du Pentapanthéon (les Chiites-Puritains de Zakhara) et sur les Yikaria (Dragon n°241) mais les 14 accessoires semblent suffisants tels qu'ils sont.

Il y eut aussi en 1994 un jeu électronique : The Genie's Curse. Mais je ne le connais que par l'entrée Wikipedia et un bref article dans Dragon n°208. Cela semble plus imiter un film de série B à la Sinbad que des thèmes précis de Zakhara.

Articles dans Dragon Magazine

* Jeff Grubb, "Wonders of the Lands of Fate", Dragon n°179, mars 1992, p. 66-77 : C'est la reprise du chapitre sur les objets magiques dans Land of Fate.
* Jeff Grubb, "Sounds of Wonder & Delight", Dragon n°190, février 1993, p. 84-88 : Un article illustré sur les instruments de musique des sociétés arabes (avec quelques versions magiques).
* Wolfgang Baur, "Dark Arabia: Scimitars Against Dark", Dragon n°198, octobre 1993, p. 65-71 : Une version plus sombre et propre au jeu d'horreur de Zakhara (avec du Lovecraft).
* Steve Kurtz,  "The City of Lofty Pillars", Dragon n°201, janvier 1994, p. 10-14 : Description d'une version d'Iram la Cité des Hauts Piliers des Mille et Une nuits. Dans cette version, c'est une cité construite par les Génies et qui fut ensuite enlevée dans le Plan des Rêves et qui ne réapparaît que périodiquement en divers endroits sur Zakhara selon des conjonctions astrologiques. La cité est dirigée par les Treize Vierges, des makshi (voir Monstrous Compendium : des fées Chaotiques-Neutres, ici polymorphées en divers oiseaux). Kurtz mentionne aussi des interactions possibles avec les Contrées des rêves lovecraftiennes (comme W. Baur).
* Gregory W. Detwiler, "Campaign Ideas for Al-Qadim", Dragon n°202, février 1994, p. 96-100 : Des conseils très généraux sur les types de campagne selon les types de PJ : (1) exploration et commerce, (2) guerre, (3) intrigue, (4) vendettas, (5) centrées autour des génies.
[Le numéro 211 a un article de Steve Kurtz sur le Palais de Topkapi avec une carte du Sérail, ce n'est pas directement pour Al-Qadim, mais autant le mentionner.]
* Jim Parks, "Scions of the Desert", Dragon n°233, s+eptembre 1996, p. 40-47 : Un article remarquable adaptant le système de Birthright pour Al-Qadim et décrivant donc plusieurs factions si on veut faire un jeu plus politique. Il introduit l'idée de sept lignées de compagnons (Sharit) de la Législatrice : Anwarh, Rahman, Badiat, Basaia, Maneira, Umar et Aasir (pour correspondre aux sept lignées de Birthright : Anduiras, Reynir, Brenna, Basaia, Masela, Vorynn and Azrai). Les Hommes-Yaks ou Yikaria sont bien sûr mentionnés comme une menace pour les intrigues politiques comme ils peuvent voler les corps de n'importe qui.
* Wolfgang Baur, "The Roof of the World", Dragon n°241, novembre 1997, p. 88-95 : Description des Hauts Plateaux des Yikaria, la Chaîne des Colonnes du Monde qui rivalise avec l'Himalaya. Il y a une rumeur qui dit que si Al-Qadim avait mieux marché, il y aurait eu une 3e "Saison" en 1995 avec un supplément prévu sur ces Yikaria, mais on n'aura donc que ces 5 pages (en plus de la fiche de créature Yikaria dans Land of Fate et des éléments dans le n°233). On apprend qu'ils sont dirigés par un "Empereur du Trône du Lotus" qui est périodiquement sacrifié à leur Dieu Sans Visage (qui semble avoir été un antique sorcier qui a réussi une apothéose et s'est créé son peuple d'Hommes-Yaks maléfiques pour le servir : ils n'ont pas fait de l'Empereur une réincarnation de ce Dieu Oublié pour ne pas trop accentuer des ressemblances avec le Tibet et le Dalai Lama).
* Paul Fraser, "Secrets of the Arch-Geomancer", Dragon n°250, août 1998, p. 92-94 : Cela ajoute quelques sortilèges au Kitab al-Asfr, le livre de Tisan, l'adversaire dans Ruined Kingdoms (titre qui évoque le Kitab al-Azif d'Abd al-Hazred).
* Paul Fraser, "Secrets of the Brotherhood of True Flame", Dragon n°268, février 2000, p. 50-54 : Article assez riche et bien illustré sur la Confrérie des sorciers du Feu et leur mystérieux chef, "Nar-Aidiya" ("le Bûcher") sur son Trône En Fusion dans son Krak al-Mazhar (Fort de la Lumière). Dans les Mille et Une Nuits, on mentionne un Géant Nardoun, qui serait adoré par les Mages zoroastriens (mais R. Burton pense que ce n'est qu'une erreur de traduction de Galland dans sa 65e Nuit, Nar voulant juste dire "feu").
* Dean Poisso, "Return of the Sha'ir"  Dragon n°315, janvier 2004,  p. 78-83 : 10 ans après la fin de la gamme, c'est l'adaptation du Sha'ir pour les règles de D&D3. Je n'ai pas l'impression que ce soit si différent du Sha'ir de seconde édition, en dehors du rôle directif du Charisme (comme pour l'Ensorceleur).
* Dean Poisso, "Champions of Fate"  Dragon n°321, juillet 2004, p. 84-90 : Adaptation des classes du Barbier, Corsaire, Assassin sacré, Mamelouk en versions "classes de prestige" de D&D3, Jolies illustrations.
* Wolfgang Baur, "Magic and Intrigue in the High Desert Tribes", Dragon n°351, janvier 2007, p. 28-31 : Courte aventure chez les Bédouins de la tribu al-Nasr reliant Al-Qadim à une auberge interdimensionnelle (thème de ce numéro qui comprenait aussi des voyages vers les six autres mondes de Dark Sun, Greyhawk, Kara-Tur, Planescape, Ravenloft et l'Île de la Terreur).

Casus Belli (vol. 4) n°14 (avril-mai 2015)


Cela fait longtemps que je me reproche de ne pas assez parler du nouveau Casus Belli en mook édité par BlackBooks. Je me demande si depuis qu'il a pris sa vitesse de croisière (avec moins de retards), on est parvenu à un Nouvel Âge d'Or pour le magazine, qui est devenu de plus en plus riche - le numéro récent sur la Guerre des tranchées était digne d'un des meilleurs suppléments historiques (même si ce n'est pas une période que je trouve très "jouable"). J'ai croisé un ancien rôliste qui m'a dit s'être remis au jeu grâce à l'inspiration de ce nouveau Casus.

Au début, j'étais assez sceptique sur Chroniques Oubliées (la version maison légèrement "simplifiée" du système D&D3 / Pathfinder). Mais j'ai été plutôt convaincu par certains arguments des auteurs de BlackBooks (dans le Hors-Série spécial dédié à l'anniversaire de la compagnie) sur la nécessité d'un système commun pour réunifier des joueurs balkanisés.
Je préfère l'époque BaSic de 1997, mais ce n'est qu'une question de goût et justement la 7 édition de l'Appel de Cthulhu (qui vient de récolter 400 000 euros, comme le rappelle l'édito) a encore modifié ce système. Tant que D&D5 n'est pas traduit en français, c'est D&D 3 / Pathfinder qui reste donc le jargon commun - même si l'auteur des Chroniques Oubliées de Casus, L. Bernasconi affirme que leur version anticipait justement les évolutions vers D&D5 mais il reste à voir si D&D5, avec son retour en arrière plus néo-classique, ne va pas reprendre la place que Pathfinder avait réussi à prendre à D&D4.

Il y a près de 260 pages, dont 33 pages de critiques jeux de rôle (p. 36-69), 5 scénarios sur 100 pages (Pathfinder, Appel de Cthulhu au Moyen-Âge, L'Anneau Unique, X-Corps, Shadowrun, p. 78-177), plus des scénarios en campagne pour Chroniques Oubliées Contemporaines (campagne Detroit inspirée de The Wire, et campagne New York Gigant, où les Dieux grecs reviennent de nos jours).

Un détail est que je ne trouve presque aucune publicité dans ce Casus (en dehors des publicités "internes" pour l'éditeur BlackBooks et une pub pour Sans Détour p. 15). Cela montre une évolution du jeu de rôle où les éditeurs ne doivent plus vraiment avoir de moyens pour un budget publicitaire dans un magazine.

Got S05E03 "Le Grand Moineau"


C'est un peu une inversion entre la série et les romans : dans la fin du cycle romanesque, Cersei, de plus en plus alcoolique, est complètement dépassée et ne se rend pas compte de ce qu'elle fait alors que dans la série, (ce qui est plus intéressant et tragique) elle est l'artisan consciente de sa propre ruine en tentant d'instrumentaliser l'Eglise contre Margaery. Margaery, en revanche, provoque de manière trop imprudente sa belle-mère, en présumant trop vite qu'elle contrôle son mari (alors qu'on avait plus de sympathie pour elle, il me semble, dans le roman).

J'adore le personnage du Grand Moineau (Jonathan Pryce). GRR Martin a su rompre avec un cliché sur les ecclésiastiques. D'habitude dans les romans de fantasy (vaguement catholicophobes), les Prêtres sont soit (1) des hypocrites libidineux ou corrompus, comme le Grand Septon de cet épisode, soit (2) des Torquemada inquisitoriaux comme Melisande. Le Grand Moineau est plus subtil et difficile à catégoriser, il commence en Saint François d'Assise parfois assez sympathique (il fait même l'éloge de Ned Stark, je crois) et apparaît aussi comme un Saint Dominique ou plutôt Savonarole prêt à bien des peines cruelles dans son goût de pureté. Jonathan Pryce (le héros de Brazil) jouait déjà le puissant et corruptible Cardinal Thomas Wolsey dans Wolf Hall (la série de la BBC de 2012 sur Henry VIII) mais le Moineau est plus habile dans son mélange d'apparente simplicité ou humilité et de détermination intransigeante.

Sur le mariage Ramsay Bolton-Sansa (qui remplace l'intrigue de la Fausse Arya dans le roman), je comprends pourquoi les scénaristes voulaient que Sansa ait quelque chose à faire cette Saison au lieu de végéter dans les Vaux mais on ne voit pas ce que Littlefinger ait censé gagner dans ce marché. Et cela va finir par paraître suspect aux spectateurs que Sansa épouse successivement les deux pires psychopathes sadiques de la série. Mais cela donne aussi quelque chose à faire pour Brienne.

Je me méfie d'habitude du Ressentiment dans ce que les Américains appellent le "revenge porn" (mettre en place une haine des spectateurs et ensuite les satisfaire sadiquement par la punition de cet objet de leur haine) mais je dois avouer à ma grande honte que je partageais la satisfaction malsaine par vicariance à voir Janos Slynt se faire exécuter. C'est presque un sans faute pour Jon Snow en trois épisodes.

Tyrion était très pénible dans Dance of Dragons en s'apitoyant sur son sort mais il en part assez bien dans la scène où il est capturé par Jorah Mormont.

dimanche 26 avril 2015

Strange fruits


Hanging Gardens #2 est paru, avec toujours trois axes : (1) l'OSR (ici, un générateur de 100 (+2) types de Tours par konsumterra - dont certaines peuvent vraiment donner des idées dans un bac-à-sable improvisé - et la suite de la campagne pour M!M!), (2) l'Histoire (ici, sur la Papauté, le Concile Cadavérique par Cronista et sur la Papesse Jeanne - ce qui donne donc une deuxième Carte de Tarot dans le même numéro) et notamment ici (3) l'Histoire asiatique en OSR (avec une classe de personnage et un scénario pour Qelong, le cadre bizarre pseudo-asiatique pour LotFP). Il y a aussi une nouvelle traduite de l'italien (et qui est aussi liée au thème de la Papauté). 

Les programmes des prochains numéros sont annoncés : le n°3 de juin sera sur les Vikings et le n°4 d'août sur le Wild West (intraduisible, non ?).

En passant, grâce à la campagne de Xoth par Cronista, je découvre ces jolies cartes de Xoth que je ne connaissais pas. 

Liens divers JDR


(1) Sur Donjon du Dragon, le livret de règles Al-Qadim: Aventures en Arabie est en cours de traduction et va bientôt être disponible. Il faudra que je vérifie leurs choix de traduction (par exemple pour "Holy Slayer" que je change en "assassin sacré" alors que je garde "tueur de sorts" pour "spellslayer").

(2) Et sur le même site, pour le monde du Dodécaèdre, il y a depuis cette année une très belle carte complète des Douze Côtés (l'équivalent de l'Europe étant "Seconde" et le Moyen-Orient "Septe").

(3) Sur ce blog, une adaptation du système de magie (avec la combinaison de Runes et l'Invocation d'esprits) du jeu peu connu Melanda: Land of Mystery (1981). Melanda était visiblement dans ces jeux de "seconde génération" un des plus innovants mais il disparut hélas sans suppléments (en dehors de quelques modules introuvables). Voir aussi le site sur Tome of Treasures et le site de Catacomb Librarian qui en parle souvent.

vendredi 24 avril 2015

1001 Nuits (4) : les Suppléments d'Al Qadim (1)


Il y a déjà un bon portrait de famille de la gamme Al Qadim sur le Guide du Rôliste Galactique.

Al Qadim avait commencé avec deux sources écrites par Jeff Grubb en 1992, comme on l'a déjà vu :
(1) le livre d'Al-Qadim: Arabian Adventures (qui était surtout des règles, notamment sur les Sha'ir par exemple et les autres classes originales comme l'Assassin Sacré, ou un système sur le Statut social) ; et
(2) la boite d'Al-Qadim: Land of Fate, sur le descriptif de ce sous-continent de Zakhara.

Le second me semble le plus intéressant, comme le premier est surtout technique. Mais si vous voulez y jouer avec D&D, le premier (qui n'a que quelques pages sur le cadre) devient indispensable.

(3) Wolfgang Baur et Steve Kurtz firent ensuite un livret de créatures en complément de celles qui se trouvaient déjà dans Land of Fate (Génies, Cyclope, Rocs et les mystérieux ennemis, les Hommes-Yaks) : MC13 Monstrous Compendium Al-Qadim Appendix. Il y a environ 60 créatures (dont 13 autres sortes de Génies divers et Génies spécialisés sur une seule tâche). Il y a plusieurs créatures plutôt "bonnes" (asura, buraq, chameaux intelligents, pahari, sakina, seigneur-serpent, simurgh, vierge de pierre). Une de mes favorites est la zaratan (Tortue-Île, comme le Poisson-Île du Premier Voyage de Sinbad).

(4) David "Zeb" Cook (l'auteur de la 2e édition d'AD&D) fit une mini-campagne en boite, ALQ-1 Golden Voyages. qui sert en même temps à décrire la Bahr al-Izdiham (Crowded Sea, ce que je traduis de manière très infidèle par Mer des Myriades). La boite comprend aussi un écran de Maître de jeu. Les PJ partent de Gana, la Cité des Richesses, Cité des Perles (Land of Fate, I, p. 87-88). Le but est de pousser les personnages vers une quête qui les fasse explorer les îles et Cook propose plusieurs McGuffins possibles en s'inspirant peut-être de la méthode d'Aaron Allston (adapter le McGuffin au type de joueur selon qu'il cherche pouvoir physique, puissance politique, jouer un rôle, développer un récit). J'aime bien dans la thématique le méta-trésor du Sceau du Destin, qui permet de matérialiser l'intervention du joueur (l'objet lui donne le droit de réarranger un destin en changeant ce qui arrive mais le sceau risque de disparaître à chaque usage). J'aime moins une des propositions d'accroche : Trouver le trésor en moins de 90 jours ou le personnage est mis en esclavage pour ses dettes. La limite dans le temps ne doit pas pousser à explorer. Le reste est plus ouvert et pourrait presque être du "bac à sable", même s'il y a une carte et un objectif. On peut aller de l'île du Dieu-Crabe aux Griffes de la Djinni et aux Îles des Vapeurs, mais potentiellement cette Mer Bondée est susceptible d'accueillir à peu près n'importe quoi. En un sens, je n'avais pas remarqué qu'un archipel de ce genre peut ressembler à une sorte de "Donjon" non-linéaire avec des îles à la place des salles fermées.

Voir aussi Imaginos qui avait fait dans son Défi des 40 ans du jeu de rôle le scénario n°30 "L'île mystérieuse" dans ce cadre de la "Mer Bondée" (+ commentaires qui évoque l'adaptation pour Légendes des Mille et une nuits ou GURPS Arabian Nights).

(5) City of Delights


Huzuz ("Chances" en arabe), la capitale du Grand Calife, était décrite p.63-68 du livre de base et c'est une métropole énorme avec 800 000 personnes (ce qui peut même doubler en comptant les périodes de Pélerinage). Cette boite de 1993 par Tim Beach (avec Tom Prusa et Steve Kurtz) développe cela sur deux livrets d'une centaine de pages chacun : Gem of Zakhara (guide des différents quartiers) et Golden Huzuz (vie quotidienne, PNJ et scénarios). Par opposition à de nombreux suppléments urbains de cette période, le survol évite un peu le côté catalogue détaillé comme il s'agit d'une grande métropole.

On avait déjà fait la connaissance des intrigues de la Cour du Calife. Le Grand Calife Khalil al-Assad al-Zahir n'a pas d'héritier connu. Sa femme favorite Tanya bint Perijan lui a donné des filles mais, s'il y a eu des Sultanes locales, il n'y a jamais eu de Grande Calife depuis l'époque du Fondateur. La Grande Vizire (et puissante magicienne) Alyana al-Azzazi, la Dame d'Acier, est une femme âgée, l'ancienne tutrice du Grand Calife et elle veut le pousser à plus s'impliquer dans la gestion de son Empire, contre ses deux oncles de la famille royale. Jiraad le Noble Marid (Génie des Eaux, Chaotique Bon) est l'ambassadeur des Génies à la Cour et aussi Grand Amiral de la Flotte. Le Prince Tannous al-Assad est l'oncle paternel du Grand Calife et l'héritier actuel du régime. Il dirige le réseau des agents secrets. La favorite Tanya et la Vizir Alyana le soupçonnent de vouloir prendre le pouvoir mais le Calife garde sa confiance en son oncle. Un autre oncle paternel, le Prince Cheddah al-Assad, est le chef de l'armée et est aussi protégé par son neveu malgré son incompétence. Dans les officiers, il faut aussi compter Preani Qin, la charmante chef des Mamelouks et une des maîtresses du Grand Calife. Le Grand Imam Renn min Zann, un Elfe prêtre ("pragmatiste") de Zann l'Erudit, dirige les Moquées des Panthéons de Huzuz et est nettement moins rigoriste que la Grande Vizir sur les questions de morale.

Le guide de City of Delights ajoute à ces PNJ tout le harem, les autres épouses et favorites, ce qui ajoute quelques secrets (et notamment le problème de l'absence d'héritiers, où plusieurs théories sont proposées au MJ). Les Hommes-Yaks de Yikaria ont le pouvoir de posséder des corps humains et il y a donc aussi quelques agents infiltrés que je ne dévoilerai pas (même s'ils craignent les pouvoirs et les protections de la Vizir Alyana et qu'ils ne sont donc pas encore dans le cercle le plus rapproché). Un autre groupe dangereux est la Confrérie de la Vraie Flamme, des élémentalistes du Feu qui veulent prendre le pouvoir (et qui semblent clairement être un équivalent des Zoroastriens dans le monde de Zakhara). Il y a aussi 4 Contes assez réussis dans l'atmosphère des Mille et Une nuits et plus utilisables que les histoires de la boite de base comme points de départ pour des aventures. En revanche, sans vouloir avoir l'esprit trop scabreux, je modifierais le nom du trésor de la Goutte d'eau qui crée des fontaines inépuisables ("L'Eau d'Or"). Parmi les créatures supplémentaires, il y a le Chat ailé, qui joue un rôle important dans le Harem royal, et un hybride magique Chaotique Bon, l'opinicus (chameau ailé, tête de singe, crinière de lion), qui s'ajoute au buraq et aux autres créatures bienfaisantes du Guide des Créatures.

Un de mes projets à long terme sur ce blog serait de faire des récensions de villes de jeux de rôle (au-delà de ce bref survol) et il faudrait que je revienne sur Huzuz comme elle est bien plus grande que la plupart des villes de jeu de rôle. Mais cette boite n'a pas assez développé des PNJ d'origine modeste, ce qui est un comble, comme historiquement un des grands apports des Mille et Une nuits à la littérature mondiale en général et à la littérature fantastique en particulier est justement d'avoir eu de nombreux héros de "basse extraction".

(6) ALQ-2 Assassin Mountain (1993) par Wolfgang Baur est aussi une boite avec deux livrets : Holy Slayer Sourcebook (32 p., pour les joueurs) et Adventure Book (65 p., pour le MJ), avec un scénario qui se déroule dans les Cités libres de la côte "nordique" de Zakhara et ensuite dans les Terres hantées.


Land of Fate: Fortunes & Fate p. 25-27 avait fait la liste de 11  organisations d'Assassins sacrés : l'Eternel (dédiés à Hajama le Brave, le plus puissant Ordre d'Assassins, qui, curieusement, n'était pas évoqué dans Arabian Adventures, peut-être pour rester des PNJ), la Corde finale (qui lutte contre les panthéons officiels), la Mort enflammée (liée à la Confrérie de la Vraie Flamme), le Mot Amical (des Assassins dédiés à Zann l'érudit, ils assassinent seulement les réputations), la Paume dorée (dédiée à Jisan l'Abondante), le Doux Murmure (ordre féminin seulement dédiée à Hakiyah la Juste), le Vent du Destin (ordre masculin seulement de Haku des Vents), la Colère de l'Ancien (Kor le Sage, ils ne tuent qu'en échange de connaissances nouvelles), l'Orage Destructeur (dédiée à l'interprétation rigoriste du Pentapanthéon), le Feu Gris (Najm l'Aventurier) et les Tisserands de la Lune (Selan).

Le supplément est centré seulement sur la Confrérie de l'Eternel, l'Ordre dédié à Hajama le Brave dont les agents sont présents partout dans tout Zakhara. Ce sont ceux qui ressemblent le plus drectement à leur modèle des Assassins du Vieux de la Montagne en un sens. Ils ont aussi une base isolée dans la Montagne, mais ils ne servent pas une secte complètement hétérodoxe (bien que certains Imams de Hajama plus modérés ou "pragmatistes" désapprouvent leurs assassinats). Leur chef, le Calife des Ombres, l'Aïeul Marwan al-Jabal est l'un des hommes les plus puissants du Pays de la Destinée, et la Confrérie de l'Eternel est elle-même divisée en plusieurs organisations dont un groupe de sorciers-assassins (les alliances des Assassins de l'Eternel avec des Djinns étant une part importante de leur politique). Les trois scénarios, qui partent de Liham, la Cité des Soldats, ont pour but non seulement de confronter les Assassins mais aussi de comprendre leur fonctionnement (notamment dans le final de l'aventure où les personnages devront analyser les factions de l'Ordre - je me demande s'il n'y a pas aussi un hommage à un vieux scénario D&D, Thieves of Badabaskor qui avait aussi différentes factions de criminels sur un plateau). Mais toute la description de l'Ordre ne change rien au fait qu'ils ne sont que des ennemis - qu'on ne peut pas complètement éliminer.

(7) Le titre de ALQ-3 A Dozen and One Adventures (1993) me faisait penser à une anthologie hétéroclite par plusieurs auteurs mais il s'agit en fait d'une série relativement liée par Steve Kurtz. La boite a à nouveau un livret de scénarios (64 p.) et un guide de la région des Terres Hantées avec les PNJ (32 p.). On part de Muluk, la Cité des Rois, une des Cités Franches entre Umara et Qadib et au fil des aventures, on finira par connaître les origines secrètes des premiers Rois de Muluk, au risque de déstabiliser la région et les adversaires sont encore une fois membres de la Confrérie de la Vraie Flamme. Cela me semble plus intéressant que les quelques pistes de scénario d'Assassin Mountain.


(8) ALQ-4 Secrets of the Lamp de Wolfgang Baur a un livret sur les Génies en général (68 pages) et un recueil de trois scénarios (32 pages).




Le premier livret a la description officielle de la Madinat al-Nuhas, la Cité d'Airain (p. 23-30, plus une grande carte, je reviendrai un jour sur d'autres versions comme celle de Necromancer Games de 2007). Le Sultan des Efreets s'appelle ici Marrake al-Sidan al-Hariq ben Lazan (dans la version non-officielle de Necromancer Games, il s'appelle Nomylus, Ibn al Kabith, Ibn al Nar, Ibn al Shaitan, Ibn al Fajarah, Ibn al Munkar, Ibn al Maakir, Ibn al Dajjal). Les idées d'aventures sont assez amusantes, avec un grand Djinn qui devient non pas un adversaire mais au contraire un allié embarassant pour les PJ (un peu plus comme Bat-Mite dans les vieux Batman des années 50, pas comme Mister Mxyzptlk). L'aventure finale est une traversée de cette Cité d'Airain.

Pour plus d'informations sur l'évolution des Plans élémentaires dans D&D, lire justement l'article récent de Shannon Apelcline.


C'est tout pour la première vague d'accessoires en boite de 1993 (en dehors des articles dans Dragon Magazine). Mais la gamme dura encore un peu. (A suivre)

mercredi 22 avril 2015

GoT S5E02 "La Maison de Noir et de Blanc"


(SPOILERS)

La relation s'est inversée entre Lecteurs des romans et Spectateurs de la série depuis cette saison où on rattrape les volumes A Feast For Crows (qui contenait les histoires de Cersei, Arianne Martell, Sansa, Arya et les Greyjoy) et A Dance With Dragons (qui contenait les histoires de Daenerys, Tyrion, Varys & Aegon, Jon Snow et Stannis, les Boltons). Avant, les Lecteurs pouvaient se flatter de pouvoir spoiler beaucoup de choses aux Spectateurs. Maintenant, les Lecteurs craignent que les choix de la série ne spoilent les romans en infirmant par avance certaines théories. Il suffit de voir les personnages retirés de la série pour se dire que leur rôle doit être plus mineur qu'on le croyait (par exemple Dame Coeur de Pierre).

Une autre inversion de la dynamique habituelle est que la chaîne demande maintenant aux producteurs de ralentir le rythme pour tenir plus longtemps et les producteurs affirment qu'ils préféreraient suivre le  projet initial de 7 saisons, alors que d'habitude ce sont les producteurs de séries dramatiques qui se battent pour rester plus longtemps à l'écran face à l'usure des chaînes.

(1) A Port-Réal et à Dorne

On a donc une grande rupture avec le roman. Arianne Martell n'existe pas et c'est Ellaria (Indira Varma, qui a un petit air de Geraldine Chaplin), la maîtresse d'Oberyn, qui jouera son rôle mais de manière plus belliciste (avec l'aide des Vipères des sables). Et Jaime, au lieu d'aller lutter contre les derniers membres de la famille de Catelyn Tully, va donc faire une mission suicide avec Bron, juste parce que Bron est un personnage populaire (dans le roman, il se marie et a un petit enfant qu'il nomme "Tyrion" pour offenser Cersei). Mais sérieusement, quelle chance auraient deux hommes, dont un manchot, pour enlever une princesse dans un palais royal ?

L'acteur Siddig El Fadil (d'origine en partie soudanaise) semble apporter de la gravitas au Prince Doran Martell (que j'imaginais plus impotent à vrai dire même si on devine dans le roman aussi très vite qu'il cache sa vraie force).

Ils ont un peu réduit la grand Massacre des Nains et on ne voit qu'un seul Nain tué par erreur à la place de Tyrion.

Dans la scène du Conseil, je regrette un peu qu'on ne donne pas plus d'importance à l'oncle de Cersei, Kevan Lannister. C'est un des personnages tragiques des romans, le plus honnête des Lannisters peut-être, en dehors de Tyrion.

(2) Sur le Mur
C'est la première fois en 5 saisons que je commence à trouver Jon Snow un peu intéressant. Ce n'est pas trop tôt, comme il est quand même censé être le personnage principal avec Daenerys (Tyrion est de fait le plus intéressant mais personne ne s'imagine qu'il finira en héros classique de l'histoire).

Les allusions plusieurs fois à la maladie de Greyscale qu'a Shireen me font penser qu'une épidémie se prépare (puisque l'épisode avec les Hommes de Pierre n'aura probablement pas lieu).

(3) Dans les Vaux
Arya et Sansa ont toutes les deux refusé l'aide de Brienne. La pauvre n'a vraiment plus aucune fonction.

(4) A Braavos
Le rythme de l'initiation d'Arya ne peut heureusement qu'être plus court que dans le roman.

(5) A Meeren
Cette scène sur la justice est censé montrer la complexité de la politique, des compromis et des réconciliations à la fin de conflits. Mais Daenerys tue l'Affranchi qui était son partisan parce qu'il a tué le Fils de la Harpie sans procès. Ne pourrait-elle pas pour montrer la fin de l'arbitraire mettre en scène aussi un procès pour l'Affranchi ? On me dira que l'Affranchi a avoué. Mais cela ne retire pas le procès. La vraie raison est qu'il a directement désobéi aux ordres de Daenerys et qu'elle ne se bat pas vraiment contre l'arbitraire.

L'autre fonction de la scène est de rappeler par Ser Barristan Selmy des éléments d'histoire des Targaryen pour commencer à préparer la révélation du Secret dit "R+L=J" (que tout le monde connaît déjà). Cela réapparaît de manière appuyée aussi au 4e épisode, je crois. Comme le prétendu Aegon a disparu dans l'adaptation (et avouons que c'était une révélation très tardive et donc trop téléphonée), on imagine que cela ne jouera pas un rôle important.

vendredi 17 avril 2015

1001 Nuits (3) Al-Qadim


Qadīm (القديم) veut dire "l'Ancien" (même si certains locuteurs de l'arabe disent que cela évoque plutôt aujourd'hui "vieux, vieillot, usé, archaïque") et c'est le nom choisi par Jeff Grubb (un des co-créateurs des Royaumes Oubliés avec Ed Greenwood) pour sa fusion en 1992 d'AD&D (à l'époque 2e édition) et des Mille et Une Nuits (le nom du territoire sera le Zakhara, qui correspond à la Péninsule arabe).



Cela fait longtemps que D&D pille des Rokhs, des Goules & des Génies, des Djinns ou des Efrits (la Cité d'Airain était citée dès la couverture du Dungeon Master's Guide) ou des tapis volants. Greyhawk avait ses Baklunis (qui vivaient au nord-ouest, comme Gary Gygax avait à peu près inversé la carte d'Europe) - ils adoraient au départ Istus, la Déesse du Destin mais finalement furent associés à Al-Akbar, un culte hénothéiste qui ferait plus penser à l'Islam réel. Mystara avait les Emirats d'Ylaruam, dirigés par les Califes descendants de leur héros Suleiman al-Kalim ("l'Interlocuteur", ils étaient positionnés au nord de Thyatis, l'équivalent de Byzance et juste au sud de la Scandinavie, comme si l'Arabie occupait donc l'Europe centrale).


Avec Al-Qadim, il s'agissait de faire pour le Moyen-Orient ce que les Royaumes Oubliés avaient déjà fait pour l'Europe médiévale (même si cela ne changerait pas beaucoup si le Zakhara était complètement séparé du continent de Faerun, avec lequel ils semblent avoir peu d'interactions profondes). Bien sûr, en un sens, les Royaumes Oubliés se distinguent nettement de l'Europe médiévale et ressembleraint plus aux Terres du Milieu de Tolkien. Et le continent de Faerun a déjà son lot de territoires assez "proche-orientaux". Le Sud-Ouest de Faerun avait déjà eu un territoire, Calimshan, qui avait été colonisé par des Djinns et des populations de Zakhara (et cela avait été une djinnocratie avant que les Mamelouks, les soldats-esclaves, ne prennent le pouvoir). Le Grand Pacha de la région demeurait aussi polythéiste que le reste, ce qui retire beaucoup d'analogies avec un éventuel Califat de Cordoue. Le Mulhorand est l'Egypte, mais pharaonique, et l'Unther est la Mésopotamie antique. La République de Turmish a quelque chose d'assez oriental aussi mais géographiquement, elle bien plus au nord et elle ne garde guère des clichés sur le Levant qu'une spécialisation sur le Commerce. Il y a eu aussi un vague équivalent de "croisades" contre les invasions de Nomades orientaux mais ils sont plus des Mongols pré-islamiques, sans beaucoup de liens avec la culture de Zakhara (et en général, le Zakhara eut peu d'influences visibles sur le reste des publications).

L'originalité principale de ce supplément dans la gamme D&D est l'attention à la vie quotidienne. Il y a des planches sur les costumes ou des passages entiers sur l'alimentation ou sur le mode de vie nomade des Bédouins et de ce point de vue cela semble bien fait.


Les divers Génies sont omniprésents. Une des classes de personnage s'appelle le "sha'ir", terme qui évoquait littéralement les poètes mais aussi par extension des sortes d'enchanteurs de l'époque pré-islamique. [Certains locuteurs de l'arabe n'aiment pas le terme, qu'ils associent plus à la poésie en général qu'à la magie (siḥr).] Ici, le sha'ir est avant tout un conjurateur de Génies. Il est potentiellement très puissant s'il a le temps car le Génie met assez longtemps à lui apporter ses "voeux". Cela le rend polyvalent mais aussi assez faible en combat. Et c'est aussi une classe vulnérable par rapport à d'autres magiciens car s'il perd son Génie attitré, il aura du mal à s'en refaire un.



Un Espace aux Mille histoires mais sans Histoire
Un des aspects qui m'a agacé est le choix d'absence d'Histoire, comme si le "Pays du Destin" devait être anhistorique et plongé dans une inertie de contes alors que les Royaumes Oubliés sont au contraire obsédés par les questions de chronologie précise pour chaque année.

On sait seulement qu'il y a eu des empires écroulés des Géomanciens au sud-est nommés Nog et Kadar le long de fleuves aujourd'hui desséchés, pour fournir encore une pseudo-Egypte ou pseudo-Mésopotamie à aller piller (supplément Ruined Kingdoms). Puis, à une époque indéterminée une jeune femme nommé La Législatrice ou la Prophétesse (anonyme, mais j'aime imaginer qu'elle est Sheherazade) avait eu un enseignement, qui fut retranscrit. Il y a 500 ou 600 ans, un jeune nomade non-nommé [des sources non-canoniques sur Internet l'appellent "Ahmad al-Assad"] redécouvrit par un oracle du Destin le manuscrit de la Révélation de la Prophétesse et commença à convertir toutes les tribus à la nouvelle Voie de l'Illumination. Il devint le Premier Calife (on remarque que la fonction politique dynastique et la fonction prophétique et législatrice sont ainsi distingués, même si la première impose la seconde) et en 600 ans, environe une vingtaine de califes de sont succédés (ce qui est une moyenne indiquant des règnes assez longs). C'est aussi l'époque où apparut le premier magicien sha'ir Jafar al-Samal, qui épousa quatre génies (bien qu'il n'y ait peut-être pas de lien). Le Califat a unifié tout le Zakhara, en assimilant tous les peuples autour d'une culture et d'un panthéon de 8 Grands Dieux (en dehors du schisme du Pentapanthéon au Sud, plus conservateur). Mais le Califat fonctionne en partie comme une confédération de cités-Etats avec un Grand Calife à l'autorité en partie symbolique, plusieurs Califes descendants du Fondateur et des Pachas, Sultans ou Sultanes (la société de Zakhara est polygame mais donne des droits politiques aux femmes, même si la majorité des dirigeants sont des hommes).

Un détail curieux est qu'ils ont inventé un Calendrier avec douze mois de type julien (Taraq, Masta, Magarib, Gammam, Mihla, Qawafil, Safa, Dar, Riyah, Nau, Rahat, Saris) qui ne semble avoir aucun lien avec quelque culture arabe ou musulmane réelle.

En revanche, à la place d'une Histoire, le supplément a mis 5 contes ou histoires qui sont extraites de la version zakharienne des Mille et Une Nuits. Le rôle des organisations d'élémentaires semble y être plus important. Un détail d'un conte sur la "Vierge de Beauté" est qu'on peut se demander si la figure mortelle de la Législatrice est la déesse Selan (la Lune) ne pourraient pas être secrètement liées, comme les dieux Hajama (Guerre), Kor (Sagesse) et Najm (Aventure) se sont battus en vain avec les Rois des Elémentaires pour épouser la Législatrice.

Le Panthéon
La Prophétesse avait apporté la Révélation d'une force impersonnelle, la Destinée, qui ne peut pas être directement adorée même si elle domine les Dieux. Le polythéisme est assez tolérant de milliers d'autres dieux, mais en pratique chaque "Mosquée" est associée à l'un des Huit Grands Dieux (5 dieux et 3 déesses) liés à la nature et à des vertus morales : Hajama le Brave (Guerre), Hakiyah la Juste (Commerce et Navigation), Haku le Libre (Vents), Jisan la Prospère (Abondance), Kor le Vénérable (Sagesse, qui semble aussi être à peu près le chef du Panthéon), Najm l'Aventureux, Selan la Belle (Lune) et Zann l'Erudit. Un schisme du Sud (du Pentapanthéon, qui joue à peu près le rôle des Chiites mais conçus comme avant tout plus puritains et moralistes) ne reconnaît que Cinq Dieux, qui devaient être plus anciens (3 dieux et 2 déesses) au lieu de huit : Hajama le Brave, Kor le Sage, Najm l'Aventurier, Selan la Belle et la déesse Jisan est remplacée par une version bien plus stricte moralement et en tchador, Jauhar aux Gemmes. Chaque culte peut avoir des interprétations morales variées entre Pragmatistes et Moralistes. Chacun a son propre Ordre d'Assassins, comme le Doux Murmure, les femmes-assassins qui servent Hakiyah des Brises marines (cf. aussi le supplément Assassin Mountain).

La Destinée est aussi un point de règle car dans un système qui fait un peu penser à l'Intervention divine de Runequest, les personnages peuvent en appeler à la Destinée en cas de situation vraiment désespérée (avec des chances assez déprimantes : 2% de réponses favorables, 93% sans réponse, 5% d'infortune, avec des bonus de succès pour les prêtres qui les font monter à 20%- Niveau).

La Géographie
Zakhara est un grand territoire avec comme prédominante un terrain sec et désertique. Au nord et à l'ouest s'étend la Bahr Al-Kibar (Grande Mer). A l'Orient, c'est la Bahr Al-Ajami (Mer des Etrangers) et au Sud, constellée d'innombrables îles la Bahr Al-Izdiham (Mer des Myriades ou Mer peuplée).

Au centre de la Mer des Caravanes et du Grand Golfe d'Or se trouvent les cités principales, dont la capitale, Huzuz, la Cité des délices (huzuz a l'air de signifier plutôt "chances"). C'est le siège du Grand Calife Khalil al-Assad al-Zahir et de sa vizir, la puissante magicienne Alyana al-Azzazi. Il n'a toujours pas d'héritiers et de nombreux oncles et cousins. Au nord de Huzuz dans le Golfe se trouvent Wasat, la Cité Intermédiaire et Hiyal, la sinistre Cité des Intrigues, et plus à l'est se trouve Halwa, la Cité de la Solitude. Et plus au nord-est, ce sont les Contrées Hantées, vaste désert où se trouvaient des Cités disparues et recouvertes par les Sables comme la Cité de la Paix. C'est aussi là, sur de Hauts Plateaux isolés que vit un peuple de monstres, les mystérieux Hommes-Yaks, qui ont le pouvoir d'occuper les corps des autres, ce qui en fait des espions très inquiétants.

Au sud-ouest de ce Golfe et de la Mer Surpeuplée, ce sont les Cités des Perles : Ajayib, la Cité des Merveilles, Gana, la Cité des Richesses, Jumlat, la Cité des Multitudes, Sikar, la Cité des Deniers, et Tajar. la Cité du Commerce. Au nord, la côte de la Grande Mer a les Cités Libres, assez indépendantes en dehors de Qudra, la Cité des Mamelouks tatoués (leur tatouage indique leur grade), siège du pouvoir militaire du Califat. C'est un domaine de Pirates, autour de Hawa, la Cité du Chaos, mais il y a aussi Qadib, la Cité des Magiciens.



La Mer des Myriades a une constellation d'îles (peut-être plus l'Indonésie et Malaisie) avec des Dieux exotiques et c'est plus le cadre pour des voyages de Sindbad. Au Sud-Est dans de grandes jungles, c'est plus un équivalent de la péninsule indienne avec d'autres Divinités. Parmi les Cités, je ne résiste pas à livrer un des "secrets" de ce monde que je touve assez réussi : Rog'osto, une Atlantis inversée. C'est une ancienne Cité d'un peuple des abysses qui a été sortie des flots par magie et qui est donc maintenant occupé par des Humains de la Surface bien que les créatures des profondeurs veuillent la réclamer.

Bilan général

On est toujours dans un dilemme dans le jeu de rôle pseudo-historique. Si on ne s'écarte pas de la réalité, cela devient difficile à jouer, et si on s'écarte trop, on ne voit plus vraiment l'intérêt. Par exemple, le fait d'avoir pris la langue arabe réelle (appelée ici le "Midani") permet des noms plausibles mais avoir pris un calendrier fantastique me paraît discutable (ils devaient vouloir éviter le mot "ramadan"). Ici, Zakhara et Al-Qadim apportent au moins deux choses qui ne seraient pas présentes dans les Mille et Une Nuits : (1) une société relativement égale entre les sexes, où une femme peut être une grande guerrière ou même une Vizir par exemple. (2), c'est moins important mais il y a aussi l'égalité entre espèces, avec des Fidèles elfes, nains ou gnomes qui ont les mêmes droits que les humains (si du moins on tient à mettre des espèces tolkieniennes dans Sheherazade).

Le rapport avec les Génies est un cliché mais du point de vue du jeu de rôle, cela a un grand avantage : la magie devient toujours une discussion avec un personnage au lieu d'être une simple incantation. Pour un jeu, il vaut mieux que les pouvoirs tout comme les adversaires soient le plus possible susceptibles de favoriser des dialogues et interactions et pas seulement du combat tactique. Cela donne un charme à Al-Qadim, même si je n'ai pas vu dans la plupart des Cités décrites des idées passionnantes qui donneraient aussitôt envie d'y jouer,

lundi 13 avril 2015

GoT S5E01 "Les Guerres à venir"


(SPOILERS)

Un bon départ pour cette nouvelle saison, même si je crains que cela ne s'enlise un peu par rapport aux grands chocs des saisons 3-4. On n'aura sans doute rien d'aussi spectaculaire que les Noces rouges de la saison 3 ou le Duel judiciaire de la saison 4. Il paraît que l'intrigue à Dorne sera assez différente, ce qui devrait la rendre un peu plus vivante - car potentiellement, toute cette histoire de Loi non-salique pourrait être fascinante, si on croyait ne serait-ce qu'une seconde que Myrcella ne va pas vite mourir comme tous les autres enfants malchanceux de Cersei.

(0) Premier flashback dans toute l'histoire de la série. D'habitude, ils sont racontés et jamais représentés. Cela permet de donner plus de force à la prophétie que si Cersei l'avait racontée dans un monologue. [Ils n'ont pas encore mis la prophétie sur le "valonqar", le Petit Frère, qui permet d'excuser certains des pires défauts de Cersei contre Tyrion, Sansa ou Margaery. Bien entendu, tout le monde s'attend à ce que le vrai Valonqar soit en fait Jaime et que la Princesse plus jeune soit Daenerys.]

Au fait, est-ce que GRR Martin avait été inspiré par l'étrange récit sur la prophétie d'Euphémia pour Josephine de Beauharnais dans sa jeunesse en Martinique ("Tu seras plus qu'une Reine").

(1) A Port-Réal
J'ai mal compris ou Cersei sait que Jaime avait aidé l'évasion de Tyrion ? Elle ne lui en voudrait pas plus que cela (surtout qu'elle croit encore que Tyrion se cache dans un recoin du Donjon Rouge) ?

Les tribulations de Cersei sont (j'imagine) l'histoire la plus intéressante de toute la saison en Lady Godiva (le reste étant un peu morne). C'est la partie avec le Moineau où GRR Martin défie nos attentes avec un personnage d'Archevêque de Canterbury/Pape assez "sympathique" (même en Savonarole).

Margaery semble se comporter de manière plus imprudente que dans le roman, ce qui risque de rendre ses malheurs moins surprenants.

Ils ont retiré toute l'intrigue sur la puanteur du corps de Tywin (qui suggérait que la Vipère avait eu le temps de l'empoisonner avant que Tyrion n'accélère le processus de son décès inéluctable).

(2) A Meeren
Daenerys est toujours incapable de faire de la politique, même si elle a de l'intégrité obstinée digne de Stannis dans ce dialogue avec Hizdahr zo Loraq. Si Vaerys l'Araignée voyait cela, il finirait par regretter Robert Baratheon ou Tommen...

(3) A Pentos, en route vers Meeren
Pauvre Tyrion. Il a un peu "sauté le requin", comme on dit, non ? Je me demande s'il redeviendra aussi intéressant un jour qu'il l'était quand il était la Main de Joffrey. Le problème des intrigues de la saison 5 est que Tyrion devient finalement assez passif, ballotté par les événements.

(4) Dans les Vaux
Sansa commence à progresser un tout petit peu dans l'intelligence politique grâce à Littlefinger mais elle est encore loin d'être un personnage actif (même si l'apprentissage d'Arya risque de la rendre assez passive aussi cette saison).

(5) Sur la route dans les Vaux
Ils ne savent pas trop quoi faire de Brienne s'il n'y a pas de Coeur de Pierre.

(6) Au Mur
Enfin une scène où Jon Snow paraît un peu héroïque ! Il semblerait que, contrairement aux romans, Mance Rayder soit vraiment mort, cette fois, mais de manière finalement plus noble et plus digne grâce à Jon.

Stannis n'a pas tant progressé que cela dans son alignement Loyal-Borné. Il compte vraiment libérer le Nord à la tête d'une croisade d'une religion étrangère et avec des hordes de Sauvageons haïs de tous ? Il va finir par rendre même les Boltons populaires dans le Nord en agissant ainsi.

Parfois, je remercie vraiment la série d'avoir coupé tant d'intrigues (le fils de Mance, la fausse Arya, l'élection du Nouveau Roi des Fer-Nés - qui est peut-être reportée à la prochaine saison si le Cor de Valyria doit vraiment jouer un rôle...). Même le refus de Coeur de Pierre est peut-être une bonne idée (bien qu'il soit encore possible qu'elle apparaisse un jour).

dimanche 12 avril 2015

RPGs, Invisible Ideology & Health Care


Matthew Surridge :

Back around the year 2000, Wizards of the Coast released the third edition of Dungeons & Dragons. Here’s a passage from the Dungeon Master’s Guide discussing how common the game rules assume magic is in a campaign world: “Spellcasters may be fairly rare in the big picture, but they’re common enough that when Uncle Rufus falls off the back of the wagon, [common people] could take him to the temple to have the priests heal the wound (although the average peasant probably couldn’t afford the price.)” I remember reaching that sentence and stopping for a minute, puzzled why presumably–good-aligned clerics would be charging peasants for healing which, in the game, is effectively a renewable resource. And the only conclusion I could come to was that this was a function of the book being written by Americans, who were used to a for-profit medical system. As a Canadian, I’ve lived my whole life not having to pay for, basically, healing. So what I’d found was an artifact of a specific political sensibility; the authors weren’t aware of it, but it left me as a reader briefly confused.

I’m not necessarily saying the authors would have been better to have a different example — though, if they were looking for sales outside of the US, maybe they would have, and then also maybe the logic of the game should have led them to wonder why priests charge money. My point is that I suspect this was something that was invisible to the writers. I think it was a blind spot that they didn’t know existed, and I think that sort of thing is always going to happen. There’s always going to be, let’s say, the ideology writers don’t see.
Of course, we could still claim the patients or their family do not have to "pay" the Clerics but that they are supposed to give freely a kind of tithe or ex voto offering to the Temple (it's the same with the Chalanna Arroy in Glorantha.

vendredi 10 avril 2015

Outremer RPG


Outremer (285 pages, 2011) par Clash Bowley et Albert Bailey est un jeu de rôle uchronique qui peut rappeler le comic book 1602 de Neil Gaiman (où cette version d'Elizabeth tentait d'obtenir le Saint Graal en Terre Sainte).

On est au début du règne de la Reine Elizabeth Ie à la seconde moitié du XVIe siècle et par des changements depuis le XIIe (victoire de la Deuxième Croisade et ensuite de Richard Coeur de Lion), la Couronne anglaise (qui vient de devenir anglicane) contrôle encore un Royaume d'Acre multi-confessionnel (dans ce continuum, le grand Roi kurde Saladin avait accepté l'offre de Richard d'unir sa famille à la sienne). Les intrigues médiévales se retrouvent donc dans le contexte de la Renaissance et de la Réforme.



Bien entendu, la Magie existe et les Mille et Une Nuits ont l'air d'avoir été à peu près authentiques, ce qui implique que le Royaume (protestant) d'Acre est plein de royaumes de Djinns cachés (et certains individus ont même du sang de Djinn ou de Nephilim).

Les PJ sont censés être des agents de John Dee et des Services secrets magiques de Sa Majesté (ou d'un cercle plus restreint mais qui peut aussi être engagé par ces Services secrets). Et dans cette version, ces Agents peuvent être aussi bien des Cabbalistes juifs, des Derviches soufis ou alévis, des Ordres de chevaliers protestants ou des Croisés qui peuvent avoir des intérêts communs pour défendre Acre contre des Assassins chiites de l'Emirat de Homs ou des agents d'autres Royaumes des environs (et notamment l'Empire ottoman de Soliman le Magnifique qui est en plein essor au nord, même si on est très loin de l'extension réelle des Turcs - l'Egypte notamment est restée sous le contrôle des Chiites et il y a toujours un Califat à Bagdad).

Le jeu fait beaucoup d'efforts pour que toutes les religions de la région semblent être des fragments non-contradictoires de la vérité et pour éviter l'accusation d'un simple choc confessionnel. La Magie cabbalistique (qui est ici aussi multiconfessionnelle pour les trois religions du Livre) utilise notamment des Anges (ou crée des Golems), mais ces Anges ne tranchent pas les disputes entre Juifs, Catholiques, Orthodoxes, Calvinistes, Anglicans, Sunnites et Chiites.

Le thème peut étonner : si on a envie de jouer une uchronie sur les Croisades, on s'attendrait à y jouer pendant les Croisades du XIIe-XIIIe (comme dans Miles Christi), pas au XVIe. Les auteurs font remarquer qu'ils ont fait le choix de ne pas faire trop intervenir la Magie dans la chronologie du cadre pour qu'elle puisse éventuellement être retirée (les déviations se veulent donc assez "réalistes"). Une qualité de la distance de trois ou quatre siècles est justement de tenter d'éviter l'écueil du simple fantasme croisé de Reconquista. La forme de Colonisation qui est décrite est moins violente que celle qui a lieu dans le Nouveau Monde. Les conflits sont nombreux mais finalement plus politiques que purement religieux.

Même si on n'a pas envie de jouer dans cette uchronie, la description du système magique fait des efforts pour évoquer les représentations réelles sur les magies de cette période. C'est un des meilleurs exemples de Cabbale que j'ai vus depuis Chivalry & Sorcery (la version d'Ars Magica était meilleure mais exclusivement juive, celle de Nephilim était plus riche mais un peu éloignée de sources historiques reconnaissables alors que celle-ci utilise aussi un hermétisme plus syncrétique pour permettre aussi la Cabbale de John Dee).

Enfin, un détail que j'aime bien est le générateur de scénario p. 130-148. Tirons un exemple de combinaison Rumeur - Lieu - Organisateur - Récompense - PNJ :
"Un Dirigeant des Djinns demande notre aide dans l'Emirat d'Aqaba (au sud de Jerusalem/Al-Qods, c'est un complot organisé par le Calife de Bagdad). La récompense est de Niveau 8. Ils rencontreront un(e) PNJ plein d'amertume en une mission religieuse et qui cherche des informations politiques."

Il y a quelques défauts. Pas de table des matières ou d'Index, ce qui est très bizarre pour un jeu qui a l'air par ailleurs si bien édité. L'organisation est donc un peu frustrante. Je n'ai trouvé le système de jeu qu'à la page 100, dans le chapitre sur les Compétences. Le jeu est plus proche du simulationnisme des jeux dits de "Seconde Génération" mais le système a une base simple : Caractéristiques + Compétences et on doit faire moins sur un d20 (sachant que les caractéristiques sont sur une échelle plutôt 2-14). Un autre défaut est que je regrette le manque de descriptifs de personnages non-joueurs, notamment des dirigeants (les descriptions de chaque territoire sont assez abstraites).

Mais si vous ignoriez que vous aviez envie de jouer un Francis Drake sur un tapis volant ou un Walter Raleigh en armure de croisé, quel autre jeu vous conviendrait ?

mardi 7 avril 2015

1001 Nuits : La Cité des Mages


("La Cité des Mages", conte dans la version de Galland, Nuits 211-236, ou dans Burton Nuits 171-249, le thème anti-zoroastrien de la deuxième partie, Conte d'Amgiad et Assad, pourrait bien s'introduire dans le scénario Les Tours du silence)

Le Prince de la Lune solitaire
A 20 jours de la Perse se trouve l'Île des Enfants de Khaledan (Khálidán ou "Îles Bienheureuses" ?). Le roi en était Shahzaman ("Roi du temps") et il avait fait emprisonner Camaralzaman (Kamar al-Zaman, "Lune du siècle") son fils unique dans une tour car celui-ci refusait obstinément de se marier tant qu'il ne trouverait pas femme parfaite.

Une Djinn invisible (mais fidèle à Allah), Maïmoune, fille de Damriat [Maymunah, une "ifritah", fille d'Al-Dimiryat, un roi de Janns], le vit dans sa tour et fut surprise de sa beauté. Quand elle s'envola, elle rencontra dans les airs un autre génie ailé, des Efrits qui étaient rebelles à Dieu, Danhash, fils de Shamhúrish (quand elle l'insulte, Maïmoune dit aussi qu'il est un Marid). Elle força alors Danhash à lui dire d'où il venait et il dit qu'il venait de voir le Roi de Chine Gaïour [Ghayur, Roi de l'Île des Sept Palais] avait fait emprisonner sa fille, la princesse Badoure, [selon Burton : Budur, "Pleine Lune"] car celle-ci refusait de se marier. Maïmoune et Danhash firent venir de nuit le prince Camaralzaman et la princesse Badoure dans la même couche et les réveillèrent successivement. Chacun eut le temps de tomber amoureux de l'autre avant de se rendormir : Badoure osa toucher le corps de Camaralzaman mais Camaralzaman prit la bague de Badoure pour s'assurer que ce n'était pas un songe, sans oser l'embrasser. Mais le lendemain, il fut affligé de ne pas savoir où était cette belle endormie vue pendant la nuit. Le roi Shahzaman dut s'occuper de son fils qui était si malade d'amour.



De son côté, la princesse Badoure de Chine était furieuse de ne pas trouver celui qu'elle avait vu. Elle fit venir les plus grands mages pour l'aider et les fit exécuter les uns après les autres pour leur échec. Alors Marzavan, son frère de lait, s'introduisit chez elle déguisé en femme et lui demanda la source de son tourment. Il crut son histoire et partit chercher Camaralzaman, qu'il fit revenir jusqu'en Chine. Quand le Prince Camaralzaman et la Princesse Badoure se retrouvèrent, ils furent aussitôt fiancés.

Les Deux Reines et les Deux Demi-Frères
Cependant, ce soir-là, quand le Prince Camaralzaman vit un étrange talisman sur Badoure, il voulut le contempler et un oiseau le lui ravit. Il partit à la recherche de l'oiseau et disparut.

Badoure, ne voyant pas revenir le Prince et son talisman, décida se de faire passer pour lui pour aller jusqu'à l'île des Enfants de Khaledan. Déguisée en Prince, elle arriva sur l'île d'Ebène dans son voyage et le Roi Armanos lui demanda d'épouser sa fille, la Princesse Haïatalnefous [Hayát al-Nufús, l'Âme des Gens] pour faire s'allier Ebène et Khaledan. Badoure n'osa refuser car elle se dit que c'était là un grand présent pour Khaledan. Quand le Prince Camaralzaman finit par être retrouvé, il devint donc roi d'Ebène et eut deux épouses, la Princesse Badoure, qui avait régné à sa place, et la Princesse Haïatalnefous, qui avait accepté de partager son lit avec elle et les deux Reines s'entendaient fort bien. Le nouveau Roi eut avec la Reine Badoure un fils nommé Amgiad [Amjad], et avec la Reine Haïatalnefous un fils nommé Assad [As'ad].

Mais le malheur voulut que la Reine Badoure tombe amoureuse du Prince As'ad et que la Reine Haïtalnefous tombe amoureuse du Prince Amgiad. Chacune écrivit une lettre à son beau-fils et celui-ci tua le messager et dénonça l'action de sa belle mère. Camaralzaman refusa de croire ses deux fils et décida de les faire exécuter. Mais l'émir chargé de les tuer fut sauvé d'un lion par ses deux prisonniers et leur laissa la vie sauve. Ils purent s'enfuir et Camaralzaman découvrit, mais trop tard, leur innocence.

Les Deux Demi-Frères dans la Cité des Mages
Amgiad et Assad passèrent une montagne et se trouvèrent séparés à des distances très considérables de l'île d'Ebène (au point qu'ils envisagent même que le passage dans les montagne ait été magique).

Assad fut capturé par de cruels Zoroastriens qui le maltraitaient chaque jour et voulaient le sacrifier à leur Feu. Quand il fut emmené sur un navire pour être conduit au sacrifice (car les Zoroastriens, dans les contes musulmans, feraient des sacrifices humains), une tempête envoya le navire vers le pays de la Reine Margiane [Marjanah], qui, elle, était musulmane et dont on disait qu'elle persécutait les Zoroastriens dans son Royaume (ce qui est dit plutôt comme un signe de sa vertu). Les Zoroastriens affirmèrent qu'Assad était leur esclave mais Margiane finit par le libérer. Bostane, la Zoroastrienne qui torturait Assad fut si émue par son prisonnier qu'elle se convertit sincèrement à l'Islam.

Pendant ce temps, Amgiad entra dans la Cité des Mages et tomba amoureux d'une courtisane qui tenta de le pousser à tuer un homme de l'administration royale. Mais Amgiad tua la courtisane et son acte impressionna tant le Roi qu'il le conduisit à devenir le Vizir du Roi des Mages (Zoroastrien qui semble décrit de manière nettement moins négative que dans l'histoire d'Assad).

C'est alors que le prince Amgiad retrouva enfin l'infortuné Assad. Assad fut fiancé à la Reine Margiane et Amgiad à Bostane, la convertie. Le Roi de Chine Gaïour vint pour retrouver sa fille Badoure et il fit la connaissance de son petit-fils Amgiad. Le Roi d'Ebène Camaralzaman retrouva aussi son père Shahzaman, roi de Khalidan, et la fin est donc une scène de reconnaissance mutuelle par tous les personnages. Camaralzaman reprit le trône de Khalidan, Amgiad hérita de la Chine (et sa mère Badoure repartit avec lui) et Assad, qui avait épousé la Reine Margiane, hérita aussi du trône d'Ebène.

* Commentaire

Le conte varie plusieurs figures de la dualité : (1) dualité des sexes entre le Célibataire endurci nommé "Première Lune" et la Vierge endurcie nommée "Pleine Lune" qui tombent mutuellement amoureux. (2) dualité des Djinns entre la Bonne Djinn qui sert Allah et le Mauvais Djinn qui sert Eblis. (3) La Princesse ne trouve le Prince que par son frère de lait, qui agit comme l'intermédiaire dépourvu de sang royal, le héros du commun qui dépasse les deux Princes. (4) La Princesse "Pleine Lune" se fait passer pour le Prince "Première Lune" et épouse une nouvelle Princesse qui accepte parce que la Princesse ressemble étrangement à son fiancé le Prince (même Galland, qu'on dit si censuré, introduit d'ailleurs dans ce travestissement un peu d'érotisme peu dissimulé). (5) Puis les deux Princesses qui avaient été si exemplaires dans la première partie deviennent toutes les deux d'odieuses belles mères à la "Phèdre" vis-à-vis du fils de l'autre, inceste symbolique par déplacement, où pour une fois ce sont les Mères qui cherchent à séduire leur fils (et curieusement, elles ne seront pas punies pour leur passion). (6) En un nouveau chiasme sur la dualité des sexes et la dualité Islam / Infidèle mazdéen, les deux Demi-frères ont des destins opposés : Assad devient l'esclave des Mages et est sauvé par une femme (une Reine chaste), Amgiad tue une femme (une courtisane arrogante) et devient le gouvernant des Mages. Assad épouse la Reine qui l'avait sauvé et qui hait les Zoroastriens. Amgiad épouse une Zoroastrienne qui avait torturé Assad. Il doit sans doute y avoir déjà eu quelques Structuralistes pour étudier ce jeu qui a l'air conscient d'oppositions.

Ce fils de la nourrice Marzavan qui permet à la Princesse de retrouver son Prince peut aussi faire penser à un très vieux thème, comme dans la légende de Chitralekha, où la sage confidente aux pouvoirs magiques aide la princesse Usha à retrouver l'homme qu'elle a vu en rêve.

[JDR] Créativité & Consommation


Dans son livre Analyzing Marx (interprétation assez originale de Marx selon des critères "individualistes" de la philosophie analytique), le philosophe norvégien Jon Elster proposait un problème ou paradoxe éthique suivant :
(1) Tout le monde semble d'accord avec l'hypothèse qu'on serait plus libre et heureux en étant plus "créatif", plus productif et moins consommateur, moins passif, moins aliéné ou soumis à un marché extérieur.
(2) Pourtant, (par universalisation), si nous étions tous de grands artistes qui créaient chacun de grandes oeuvres de manière assez autonomes pour ne pas se soucier de reconnaissance et sans ressentir aussi le besoin de lire, écouter, critiquer celles des autres, on serait dans une situation de créativité qui ne serait pas optimale, un paradis-purgatoire de Créateurs sans Public. La création serait alors d'autant plus désintéressée qu'elle deviendrait finalement vide de toute attente sans la relative "passivité" des critiques. La gestion du temps impliquerait donc une sorte de devoir moral de se mettre suffisamment souvent en situation de contemplation pour ne pas contredire sa propre créativité (et pas seulement comme un instrument pour stimuler sa propre créativité).

Je ne cesse chaque jour de trouver de nouveaux jeux de rôle amateurs ou professionels intéressants et je commence à me demander si nous ne serons pas un jour dans un genre de situations où il y aura plus de jeux que de joueurs. Même le plus acharné des collectionneurs ne peut plus suivre et surtout encore moins pratiquer. Quand je lis certains de ces jeux qui sont des bijoux, par reconnaissance j'ai envie d'en faire l'éloge avant de perdre la concentration avec l'arrivée d'un nouveau jeu. C'est comme si nous étions pris sur un Tapis roulant de nouveautés qui n'ont plus le temps de laisser assez d'impression. Je suis sûr qu'il y a eu de nombreuses merveilles depuis une douzaine d'années qui sont bien supérieures en réalité à certains de nos "Classiques", mais qui n'auront jamais le même lien fort que peuvent avoir les jeux "cultes" de l'époque où le marché était moins fragmenté et moins prolifique.

vendredi 3 avril 2015

1001 Nuits (2) : Les scénarios de Légendes des Mille et Une Nuits


Légendes des Mille et Une Nuits eut à ma connaissance (et à celle du Grog) trois scénarios officiels : Les Tours du Silence (1984, compris dans le même étui que le jeu), Akhenaton (1985) et Aden (1987). Il y eut aussi deux scénarios dans Casus Belli ("Bani des Brouillards", dans Casus Belli n°25, avril 1985 et "Le Collège", dans Casus Belli n°34, août 1986).




  • Les Tours du Silence (48 pages, par JM Montel)

    Le scénario d'introduction livré avec les règles se déroule dans une ville caravanière imaginaire, Aleshkur, tout à l'est de l'Empire ("Khorasan" au sens large), sur la rivière imaginaire de Daylima, "à 80 km à l'est de Samarcande" (qui n'était évoquée qu'en un mot dans les règles p. 29),

    Cela nous situerait à peu près dans l'actuelle frontière entre l'Ouzbékistan et le Tadjikistan (peut-être du côté de l'antique Cyropolis qu'on ne sait pas situer ?). Le scénario a aussi une datation très précise : 911 après JC (soit vers 299 de l'Hégire, ce que l'auteur aurait pu préciser pour l'atmosphère, même dans cette époque où Wikipedia ne vous convertit pas automatiquement toutes les dates). J'aurais cru qu'on jouerait bien avant, sous le Calife Hārūn ar-Rašīd (vers 170 de l'Hégire) pour qu'on soit dans l'Âge d'Or des Mille et Une Nuits.

    Le supplément ne donne pas plus de détails historiques mais développe cette ville fictive. On est avant que cette région de l'actuel Ouzbékistan ne soit conquise par les Turcs (qui sont souvent encore Nestoriens dans cette période) et Samarcande avait été conquise vers 100 de l'Hégire. La région est sous la tutelle d'une dynastie irano-tadjik, les émirs Samanides (Ahmad II), qui règnent jusqu'en Afghanistan. Ce sont des descendants de la noblesse iranienne zoroastrienne convertie à l'Islam depuis deux siècles. Comme premiers rois persans musulmans, ils demeurent en théorie vassaux des lointains Califes abassides de Baghdad (Al Muqtadir, dont le long règne représente un effondrement de la dynastie abasside) mais ils font aussi revivre la langue et la culture persane depuis leur capitale Boukhara. Les Samanides étaient sunnites mais la région a déjà un des premiers pouvoirs chiites avec les Zaïdistes (Hasan le Sourd) et les Zoroastriens représentent encore un pouvoir important avec Mardavij, fondateur de la dynastie ziyaride à Isfahan (ils se convertiront certes à l'Islam sunnite vingt ans plus tard).

    J'insiste sur ce contexte puisque des Mazdéens (corrompus ou abusés par un Démon cheïtan) sont les Méchants de ce scénario. Cela m'avait déçu à l'origine mais c'est assez conforme à la réécriture des Mille et Une Nuits où les contes iraniens furent islamisés et où les Dhimmis sont souvent des sorciers maléfiques. Les Zoroastriens ne sont pas encore en 299 de l'Hégire la culture complètement marginalisée qu'ils vont devenir des siècles plus tard. A Aleshkur, il y aurait 7000 personnes (turcs et iraniens), 200 juifs et seulement 150 mazdéistes.

    C'est toujours bien d'avoir une description de ville pour mieux entrer dans la vie quotidienne. Et surtout, j'avais tort de dire qu'il n'y avait pas de listes de prix des objets dans les règles de Légendes des Mille et Une Nuits. Elle est en fait dans ce scénario, p. 17. 

    Il y a aussi six personnages pré-tirés (ce qui est très appréciable dans Légendes où la création de perso est si longue) et chacun a droit à une illustration : Bani ibn Kotar le Voleur, Abdullah le Guerrier (égyptien affranchi), Mohammed le Caravanier (turc converti), Samuel le Médecin juif, Khaled le Marchand, Zein al-Mawassif, Enchanteur (nommé d'après l'héroïne juive dans le conte des Amours de Masrur et Zayn al-Mawâsif, nuits 846-863 chez Burton, nuits 653-666 chez Mardrus), Je crois donc qu'aucun n'est censé être mazdéen, ce qui aurait pu être pourtant une bonne idée.

    Le scénario commence plutôt de manière intéressante. La fille d'un riche marchand a été enlevée et les indices à trouver indiquent que ce n'est pas un enlèvement crapuleux si les personnages savent lire les documents en syriaque. Mais cette partie de discussions dans la ville ne sert que d'introduction pour une "opération commando" pour libérer la jeune fille (ce qui devient donc plutôt un Donjon). Il y a quand même quelques péripéties qui ne sont pas sans intérêt (avec quelques fantasmes en passant qu'on peut juger un peu déplacés). La fin annonçait que la suite devrait se déplacer de cette lointaine frontière de Samarcande vers la cité d'Alexandrie. Je croyais qu'Akhenaton, le scénario suivant était cette suite mais en dehors d'Alexandrie, il n'y a pas de connexion.

  • Akhenaton (42 pages, par Laurence Sobraques, 1985)

    Pour une raison inconnue, la date indiquée a été poussée de 34 ans par rapport au scénario précédent, à 945 après JC (l'an 333 de l'Hégire). Le Califat abasside a encore plus décliné et le Calife a même été arrêté et rendu aveugle. Les Bouyides (dynastie iranienne chiite) conquièrent Bagdad et l'Irak, les Ikhchidides de Syrie ont pris l'Egypte et une partie de l'Arabie (tout en se prétendant encore fidèles au Califat sunnite), les Fatimides (dynastie chiite) sont encore occupés plus à l'ouest, en Algérie et en Sicile et n'ont pas encore pris le contrôle de l'Egypte.

    Les personnages sont des ashab al matallib (pillards de tombeaux) et ils font des rêves qui vont les conduire jusqu'au tombeau d'Akhenaton, le pharaon monothéiste. La pyramide en question est l'occasion d'une sorte de donjon-quête héroïque face à des dieux égyptiens dont on ne comprend pas toujours le rapport avec Akhenaton, montré ici comme un prophète pré-islamique. Dans la conclusion, si Akhenaton est libéré, il partira aider les futurs Fatimides à régner sur Le Caire vingt ans après.

    Le scénario a de nombreuses illustrations de PNJ pour les joueurs et le plan typique d'une pyramide. En revanche, on a un peu l'impression que l'auteure voulait plus faire un scénario sur l'Egypte antique que sur les Mille et Une Nuits - à recycler pour Légendes de la Vallée des Rois (1988). Et je ne comprends toujours pas très bien la relation entre les dieux égyptiens et un personnage présenté comme monothéiste. Et pourquoi faut-il toujours que ce soit Akhenaton ?

    J'aimerais croire qu'on peut utiliser cela en le combinant avec l'adversaire annoncé à la fin des Tours du Silence mais il y a peu de rapports.

  • "Bani des Brouillards" (par "Omar el Tannjec", anagramme de Jean-Marc Montel, Casus Belli n°25, avril 1985, p. 67-70)

    Sur l'île de Socotra (au sud du Yémen), les personnages, équipe de pillards de tombeaux comme dans Akhenaton, trouvent la carte du tombeau de Bani, un célèbre pirate. Une histoire à l'atmosphère plus "Sinbad" donc (cf. le 4e Voyage par exemple, où Sinbad pille les tombes avec un cynisme déclaré, en étranglant les Veuves qu'il trouve emmurées vivantes). Il faut qu'un des personnages ait de la magie du Collège des ecritures mystiques.

  • "Le Collège", dans Casus Belli n°34, août 1986, p. 52-56 par Philippe Duchon et Eric Mazoyer).

    Le scénario est à nouveau au Yémen, comme celui du n°25 était au large, sur l'île de Socotra, mais il s'agit ici du gagnant d'un concours organisé par l'équipe de Légendes. Les personnages partiront de Zabīd, au sud-ouest du Yémen, siège des gouverneurs Ziyadides au IXe-XIe siècle. Un certain Haroun el Hakim (Enchanteur/Elémentaliste) engage les personnages pour le protéger jusqu'à un Collège de magie, qui enseigne notamment la Conjuration et d'autres Arts,

    Bien sûr, le Collège a un secret mais je ne suis pas sûr de bien voir comment traiter la progression. L'atmosphère pourrait être intéressante mais cela reste un peu bref en 5 pages.

  • Aden (par Eric Mazoyer, 1987, 58 pages)

    Le dernier scénario de la gamme est aussi le plus intéressant (même si j'imagine que certains lecteurs trouveront aussi qu'il est excessivement "orientaliste" en tentant de reprendre une atmosphère fantastique proche de certaines des Mille et une nuits). On est censé être au XIe siècle, mais je ne pense pas que ce détail ait de l'importance (si ce n'est pour dire que les Ziyadides de Zabid ont décliné face aux Yufurides des hautes-terres ?).

    Une de ses originalités était d'être prévu non seulement pour Légendes des Mille et Une Nuits mais pour une éventuelle adaptation aux règles simplifiées de Premières Légendes (adaptation qui était prévue à cette époque).

    Aden a aussi une description de ville, comme les Tours du Silence, mais l'enquête y est plus riche. Les personnages auront des rêves (comme dans Akhenaton) et feront face encore à une magicienne (qui porte un nom proche de celle des Tours du Silence). Ils devront enquêter dans divers endroits pour savoir vraiment ce qui se trame à Aden, la Cité construite au fond d'un Volcan éteint. Sur certains points, le scénario précédent, "Le Collège", peut sembler assez proche dans l'atmosphère d'horreur lovecraftienne mélangée aux Mille et Une Nuits. Le livre a aussi des conseils de règles sur la mer et la navigation.


  • Add. Je n'avais même pas remarqué que Casus Belli n°14 (de novembre 2014) venait de faire un "Portrait de famille" Légendes, par le célèbre myvyrrian (p. 234-239).