jeudi 15 novembre 2012

[JDR] Fins de jeu



  • Quand je jouais régulièrement à Runequest (2e), je regrettais un peu l'absence de "points d'expérience" pour "guider" les joueurs. Comme les joueurs ont une tendance à chercher l'optimisation des personnages, l'inflation en puissance et comme les récompenses monétaires étaient nécessaires pour acheter des sortilèges ou acquérir de l'entraînement, ils devenaient donc vite obsédés par l'argent (le symptôme était qu'ils fouillaient toujours les corps pour ramasser quelques pièces, ce qui les réduisait à de médiocres pillards ou vautours). Certes, certains Cultes religieux de RQ pouvaient déjà limiter cet effet mais je craignais que le système même ne les pousse à devenir des mercenaires peu héroïques qui auraient refusé toute quête désintéressée. De ce côté-là, les autres éditions de RQ ou d'Heroquest, où les personnages sont plus insérés dans leur société au lieu d'aventuriers isolés, ont bien corrigé ce défaut (au point que l'argent n'est plus qu'une abstraction sans grande importance dans Heroquest).

    Mais tout dépend bien entendu du style de jeu désiré dans une campagne. Les jeux de superhéros doivent bien entendu nier tout rôle de l'argent (c'est pourquoi les Points de Karma sont si bien faits dans Marvel Superheroes, comme mélange d'expérience, de points de chance et de "contentement socio-spirituel").

    Mais Evan rappelait cet été que Mike Mornard (le célèbre vétéran Old Geezer) dans ses premières campagnes faisait intentionnellement l'inverse et augmentait la valorisation de l'argent. Il ne donnait aucune récompense en points d'expérience pour tuer les monstres (!) mais uniquement pour l'or recueilli. Ainsi, les joueurs se montraient bien plus prudents et rusés, évitaient les risques inutiles en cherchant à optimiser les récompenses avec le moins de combats possibles. Cela favorisait un type de récit picaresques avec des Tricksters à la Souricier Gris ou Cugel l'Astucieux à la place de l'épopée à la Beowulf. Un combat devenait même parfois une sorte de signe d'échec et les aventuriers étaient plus des cambrioleurs habiles fuyant la confrontation.

  • Earthdawn avait proposé - si je me souviens bien - un système d'expérience très "héroïque" (les "Points de Légende") où la réputation comptait plus que les simples réalisations. Cela n'avait rien de réaliste mais il était plus important de rendre ses actes célèbres et d'en faire grandir l'image auprès d'un public. De manière post-moderne (à la Unforgiven), le "héros" doit être un propagandiste de son héroïsme. Cela risquait d'augmenter la forfanterie des personnages-joueurs mais cela valorisait aussi une sorte de gestion de sa propre Légende dans les fameuses auberges entre les aventures. Vous aviez intérêt à devenir conteurs et bardes (ou bien à en entretenir certains) si vous vouliez devenir de vrais héros.

  • A Thornton va jusqu'à dire que D&D devrait plus refuser "l'insertion sociale" qu'il ne le fait déjà. Il propose une fin de jeu allant vers le renoncement au pouvoir social acquis localement, l'aventurier comme pur nomade sans attache ou le Lucky Luke allant "au-delà du Soleil Couchant", comme Ulysse fuyant Ithaque ou Jason cherchant l'infinité ouverte de l'inconnu :
    I hope we can mostly agree that D&D is an American myth. It's the American myth, in fact, which is the Western, and which kinda resembles the Christianization of Europe in some ways: it's about carving order and domesticity out of the howling wilderness, about taming the frontier. So far, so Gygax.

    But after he's made the town safe again, the Man With No Name doesn't settle down there and plant a garden and get married and get old and die. Oh no. Instead, he leaves again; in fact, he's driven out, because there's no role for him in the society he has created.

    This gets right at the heart of the core paradox of American self-identity: we have this myth of the rugged frontiersman individualist. And that's great, but it's no way to run a civil society, so the society comes with its own baked-in distrust of itself right in its founding myth.
  • Distinguons les fichiers d'acteurs


    Je souffre d'une forme faible de syndrome de Fregoli sur les acteurs et je tends à tous les identifier (un peu comme les gens de TotallyLooksLike) . J'avais déjà dit que j'assimilais Julianne Nicholson et Nicole deBoer mais je viens de me rendre compte que je crois depuis une douzaine d'années que Donald Moffat (né en 1930, qui jouait par exemple l'androïde dans la série Logan's Run) et James Cromwell (né en 1940, qui jouait par exemple George H.W. Bush dans W). Il se peut même que je l'aie déjà découvert et oublié plusieurs fois - la vieillesse est un naufrage.

    Moffat

    Cromwell

    Mais je vois que c'est en réalité dans ce cas précis une confusion fréquente (comme confondre Zooey Deschanel et Katy Perry).

    lundi 12 novembre 2012

    Überfolks

    Une vieille rumeur dit qu'Alan Moore se serait énormément (et peut-être inconsciemment) servi pour Marvelman, Watchmen ou Twilight of the Superheroes d'un obscur roman parodique de 1977, Superfolks, de Robert Mayer (sur un double de Superman, dernier superhéros dans un monde où ils ont tous dégénéré ou disparu). Aujourd'hui l'érudit Pádraig Ó Méalóid essaye de défendre Moore contre ce soupçon de plagiat et malgré tous ses arguments détaillés sur des différences ou des influences parallèles, sa plaidoirie me semble finalement renforcer la thèse d'une influence au minimum inconsciente (que Moore a d'ailleurs reconnue dans une interview, contrairement à ce dont se plaint Robert Mayer). Cela n'enlève rien à ce que Moore en a fait, transformant une parodie sur les mass-media en des méditations plus élégiaques sur notre rapport au pouvoir.

    samedi 10 novembre 2012

    There are real knowable facts

    Rachel Maddow arrive à des thèses métaphysiques comme l'énoncé du titre dans sa critique de Fox News et des Républicains.



    Ohio really did go to President Obama last night. And he really did win. And he really was born in Hawaii. And he really is legitimately President of the United States. Again. And the Bureau of Labor Statistics did not make up a fake unemployment rate last month. And the Congressional Research Service really can find no evidence that cutting taxes on rich people grows the economy. And the polls were not skewed to oversample Democrats. And Nate Silver was not making up fake projections about the election to make conservatives feel bad. Nate Silver was doing math. And climate change is real. And rape really does cause pregnancy sometimes. And evolution is a thing! And Benghazi was an attack ON us, it was not a scandal BY us. And nobody is taking away anyone's guns. And taxes have not gone up. And the deficit is dropping, actually. And Saddam Hussein did not have weapons of mass destruction. And the moon landing was real. And FEMA is not building concentration camps. And UN election observers are not taking over Texas. And moderate reforms of the regulations on the insurance industry and the financial services industry in this country are not the same thing as Communism.

    vendredi 9 novembre 2012

    Controverses pédiatriques


    En procrastinateur certifié, j'avais tendance à ne jamais aller chez le médecin et à feindre de croire que la Nature serait toujours le meilleur des soins. Ma mâchoire désormais entièrement cyborg semble démentir cette croyance. Le fait que je n'envoyais jamais non plus les remboursements avant la Carte Vitale limitait aussi mes éventuelles excentricités d'hypocondriaque.

    Mais le fait d'avoir à présent un enfant me contraint à ne plus différer ces consultations.

    Respirer
    Le petit Mellon a déjà été hospitalisé pour cinq jours dès son premier mois pour une bronchiolite (30% des nourrissons l'attrapent pendant leurs deux premières années mais avant trois mois, c'est moins bénin - l'épidémie du Virus semble exploser et doubler chaque année depuis une douzaine d'années).

    Cela a déjà donné l'occasion à de multiples battages de coulpes comme il y a des chances que nous lui ayons transmis le Virus Respiratoire Syncytial (VRS) nous-mêmes dans un cocktail contagieux de nos toux, puisqu'il ne va pas encore en Collectivité et que notre vie hivernale est d'habitude scandée par la succession de nos rhinites. Les manuels de pédiatrie nous disent de maintenir une température de seulement 18°-19°, ce que je trouve quand même assez frigorifié parfois. Et l'appartement commence à ressembler à la chambre d'hôtel de l'ultime Howard Hugues comme nous portons des masques et nous mettons du gel anti-bactérien même sur les clenches de porte.

    Nous avons donc dû absorber rapidement l'apprentissage d'acronymes et nous mettre en stage accéléré de premiers secours de puériculture.

    "Vous lui avez fait une déhairpé ?"
    "Une quoi ?"
    "Ah, je vois, vous êtes cette sorte de parents... Une Désobstruction Rhino-Pharyngée avec sérum physiologique. Il faudrait peut-être vous intéresser à la santé de votre enfant, vous savez ?"

    Bon, j'exagère à peine.

    Depuis, nous déconstruisons, débouchons, décongestionnons, désencombrons, désobstruons donc la pharyngocentrisme avec componction (même si certains sites Web parano qui fourmillent sur Internet ont réussi à me faire peur que cela puisse parfois provoquer des otites).

    L'hospitalisation a été une succession de Sceptiques pires que toutes les hypotyposes de Sextus Empiricus.

    On lui a donné des "aérosols" (simplement du sérum salé) mais une praticienne nous a dit qu'il y avait de sérieux doutes sur l'efficacité de cette méthode. Nous n'avons pu ni la démentir ni la conforter et je commençais donc à redouter que ce prétendu air marin ne puisse avoir des effets indésirables.

    De nombreux parents m'ont dit qu'il faudrait de la Kinésithérapie Respiratoire avec "A.F.E." (Accélération du Flux Expiratoire,une méthode qui ne date que des années 1990 mais qui semble avoir acquis une sorte d'autorité surnaturelle sur tous les hôpitaux français à la place du clapping thoracique et drainage postural antérieur). Il y a même des affiches dans les offices de Protection Maternelle et Infantile avec le slogan triomphant pour la corporation "La bronchiolite, c'est kinésithérapique" avec le numéro d'une sorte de SOS Kiné "d'Urgence" à Domicile, la SUK.

    Certains pédiatres préconisaient la Kinésithérapie Respiratoire comme une évidence mais le chef de service (qui n'était certes pas lui-même en pneumo), très remonté, nous a rappelé les trois arguments contre cette pratique si répandue (arguments qu'on trouve par exemple sur ce célèbre article de la revue Prescrire) :

    (1) la kiné respiratoire est efficace à court terme mais nécessite ensuite de recommencer, elle n'a pas d'efficacité supérieure à une Aspiration artificielle par exemple.
    (2) Elle n'a aucune efficacité médicale prouvée et n'est pas pratiquée en dehors des pays francophones (ce site belge prend bien soin de prendre ses distances vis-à-vis de la mauvaise kiné française)
    et (3) il y aurait des risques non-anodins de ruptures de côtes. La revue parle d'un cas sur mille (dont certains cas non-détectés), mais les Kinésithérapeutes répondent que ce chiffre est trop élevé comme ils soignent plusieurs centaines de milliers d'enfants avec bronchiolite chaque année en France, ce qui donnerait donc des centaines de traumatismes alors qu'on ne cite qu'une poignée de cas.

    Dans le doute et dans l'ignorance, primum non nocere et il n'y a donc pas eu de Kiné Respiratoire (il est vrai que nous n'y étions pas forcés et que la division de l'autorité nous a renforcés dans la voie de la suspension du jugement).

    Mais cela rappelle encore que même si nous ne sommes plus à l'époque des escrocs de Molière, notre confiance dans l'art médical, l'art-roi de nos époques anxieuses, est encore très fragile. Les triomphes de la science médicale fondée sur des faits et des preuves n'empêche pas une suspicion généralisée sur des anomalies. Une pratique peut être majoritaire et préconisée tout en étant honnie par certains médecins (je ne mentionne pas les sites bizarres comme ceux qui lui attribuent tous les maux et même de causer l'asthme qu'elle est censée éviter).

    Digérer
    Quand nous sommes rentrés de l'Hôpital, nous avons suivi certains des conseils alimentaires du pédiatre Philippe Grandsenne dans Bébé, Dis-Moi qui Tu Es (en gros, nourrir à la demande, l'enfant s'auto-régulera et trouvera son propre rythme individuel, du moins c'est un des éléments que j'avais cru retenir) et un autre pédiatre a expliqué que nous alimentions aussi par cette fragmentation les Coliques du nourrisson (car la Nature, dans son aveugle et navrante absence d'optimum téléologique, n'a même pas jugé utile de finir les intestins des enfants avant trois mois) si nous ne laissions pas 2h30 pleines sans aliments nouveaux.

    Tout en-cas intercalé aggrave donc encore les Coliques qui auraient lieu de toute manière et qui font tant hurler les nourrissons sans que la science médicale ait rien trouvé pour l'instant pour l'empêcher.

    La journée devient maintenant chronométrée pour vérifier les temps de digestion. Et si l'enfant a la mauvaise idée de s'éveiller trop tôt ou de ne pas dormir du tout, on essaye de faire la soudure avec un biberon d'eau s'il crie avant les 2h30 consommées. Cela donne un peu l'impression d'être des horlogers improvisant autour d'un mécanisme qui nous dépasse, ou des Sisyphe qui doivent ruser avec la faim de Tantale.

    mercredi 7 novembre 2012

    Ganesh against the Nazis!


    Quelqu'un devrait vraiment en faire un comic ou un jeu entier (via reddit).


    Certes, l'Inde de Gandhi préférerait peut-être rester neutre pour ne pas soutenir l'Empire britannique mais Gaṇeśa le Destructeur-d'Obstacles est un fils de Śiva et frère de Skanda, il n'a pas de code d'ahiṃsā.

    Et je suppose que le dieu Þórr risquerait d'être dans le mauvais camp, avec tout le néo-paganisme nazi.

    Félicitations après l'élection


    Wonder Woman est élue Présidente ! Mais seulement en 2942, parce qu'il faut mille ans pour que les USA acceptent comme Chef de l'Etat une Amazone qui n'est même pas née sur le territoire. On comprend enfin qu'elle porte la culotte de Betsy Ross (couverture de 1942, qui remonte au dernier Président démocrate ayant gagné deux fois une majorité absolue, via The Beat, le comic est disponible en ligne).


    Ce qui rappelle que le Wisconsin a élu hier la première membre du Sénat qui reconnaisse publiquement son homosexualité, Tammy Baldwin.

    Hélas, la 6e circonscription du Minnesota a gardé Michele Bachmann. On entendra donc encore pour au moins deux ans toutes ses attaques paranoïaques contre les Musulmans, les Démocrates, les étrangers, les Gays ou l'ONU qui feraient passer McCarthy pour un modèle de sagacité et de prudence.

    Le discours de victoire d'Obama avait quelques bons moments. Il a rendu hommage à l'esprit de "service public" de la famille de Mitt Romney, George et Lenore, bien plus modérés que ce que leur fils était devenu pendant les Primaires. Il a fait l'éloge de la politique contre notre tendance cynique. Et il a eu raison de rappeler que quelle que soit l'importance du débat, les enjeux sont parfois très simples en politique : si les Républicains avaient gagné et si Paul Ryan était venu infliger son randisme au pays, certains enfants n'auraient plus eu droit à une couverture médicale seulement parce qu'ils étaient affligés à la fois par la pauvreté et par la maladie.

    Rien à voir mais comme je suis tombé dessus en cherchant cette couverture de WW, une autre affiche de campagne publique en faveur des bibliothèques à laquelle elle a participé :