jeudi 7 avril 2011

Célibat et Etat de droit


Selon The Economist, Francis Fukuyama (l'homme de la "Fin de l'Histoire" en 1989) propose dans son nouveau livre The Origins of Political Order que toute l'histoire de la stabilité politique est l'opposition entre l'Etat de droit (avec l'égalité de tous devant la Loi) et le patrimoine familial (où les individus veulent favoriser leur famille).

Malgré le Népotisme, le célibat des Prêtres dans l'Eglise catholique (devenu plus rigide au milieu du Moyen-Âge) aurait pu selon lui favoriser l'émergence d'un ordre bureaucratique non-dynastique, le formalisme abstrait de la Loi contre les liens et les corruptions du sang et du clan. Et de même toute structure limitant le pouvoir familial (que ce soit par les concours anonymes impériaux des fonctionnaires en Chine ou par le pouvoir des Eunuques et des Janissaires dans l'Empire ottoman) faciliterait cette rationalisation politique. L'abstinence comme préalable pour l'obéissance aux lois, il faudrait priver certains de la pérennité de leurs gènes pour assurer celle de l'organisation politique.

Fukuyama prétend aussi traiter l'émergence de l'Etat à partir des données de l'anthropologie évolutionniste mais il revient à l'idée d'un primat (weberien?) des croyances et institutions culturelles ou religieuses par rapport à l'anthropologie plus "matérielle" (économique) ou bien les explications fonctionnelles par l'environnement.

Voilà une vidéo (de plus d'une heure) où Fukuyama reprend l'idée de naissance de l'Etat comme mode d'organisation et l'idée que ce ne fut pas un progrès à tous les points de vue (en rigidifiant les classes sociales par rapport aux tribus sans Etat).



Bien entendu, le but demeure la justification de la démocratie libérale : l'Etat le plus fort serait celui fondé à la fois sur l'Etat de droit et la responsabilité (accountability) du gouvernement devant les gouvernés. A terme Fukuyama continue d'espérer que la Chine devra nécessairement passer vers la démocratie libérale en abandonnant l'archi-nationalisme qui lui sert maintenant d'idéologie de substitution avec la fin du communisme. Il prévient en revanche que la baisse de la mobilité sociale aux USA et le pouvoir des nantis serait aussi un signe de déclin de l'Etat. [Ironiquement, Fukuyama est accusé récemment d'avoir été peut-être un peu manipulé par une organisation payée par le clan Kadhafi en Libye vers 2006--2007, ce qui ne paraît pas très intègre dans sa théorie de l'Etat de droit démocrate-libéral.]

Cf. reviews dans New York Times, Chronicle of Higher education.

2 commentaires:

Fr. a dit…

… et un entretien avec Roger Pol-Droit dans Les Échos.

Phersv a dit…

Merci. RPD est décidément dans tous les médias à la fois.

Francis Fukuyama est plus humble que d'habitude dans ce dialogue dans ses concessions.