mardi 26 janvier 2010

Guildes & Gangs



La Cour d'appel du 7e circuit des USA (qui couvre l'Indiana et le Wisconsin) a décidé qu'il était légal d'interdire D&D en prison parce que la structure entre Maître du Donjon et Joueurs imite celle des gangs.

Heureusement qu'ils ne jouaient pas à Nightprowler. COPS ne serait peut-être pas protégé non plus.

Mardi, c'est Aristote, naturellement



Rappel :
0 Plan de la Métaphysique
1 Introduction et Plan de la Physique ;
2 Introduction au Livre I sur les Principes ; 3 Plan de Physique I, 2-9 ; 4 I, 9 Le principe de la matière ;
5 Introduction au livre II : les Quatre causes et leurs modalités (II, 3)


  • Rappel du plan du livre II :

    • Chapitre 1 : ce qu'est la Nature et en quoi elle diffère de l'artifice
    • Chapitre 2 : En quoi l'étude de la Nature diffère des Formes mathématiques
    • Chapitres 3 & 7 : les Quatre Types d'explication : formelle, finale, productive et matérielle
    • Chapitres 4-5-6 Le hasard (et la Fortune) existe-t-il ?
    • Chapitre 8 : La Nature peut-elle être expliquée uniquement par le Hasard, la Nécessité et la sélection naturelle ou a-t-elle une finalité ?
    • Chapitre 9 Quelle est la nécessité dans la Nature ?





  • Le Chapitre 1 : La définition de la Nature

    Le terme φύσις (phusis) ne désigne pas encore chez Aristote un "système de phénomènes soumis aux régularités" (pour prendre la définition kantienne de la Nature). Chez les Grecs, la phusis vient du verbe phuomai, "croître, pousser", mais elle désigne déjà son pouvoir causal, ses effets. Homère dit dans l'Odyssée que le dieu Hermès donne à Ulysse une plante comme remède contre la fée Circé et qu'il lui indique alors la "phusis" de cette herbe.

    Comme y insistait Heidegger dans son article de 1940 "Comment se détermine la φύσις" (Questions 2), Aristote est parti d'une interrogation par les Principes et les Causes et la Nature va être comprise à partir d'une première distinction sur les causes : il y a des causes par nature, phusei, et des causes par l'art(ificiel), tekhnê(i). Les animaux, les parties des animaux (les os, la chair), les plantes, les éléments simples sont par nature alors que le lit existe par la technique.

    Ici arrive la définition :

    Tous les étants par nature semblent avoir en eux un principe de mouvement et de stabilité, soit (1) selon le lieu, soit (2) selon l'augmentation et la diminution, soit (3) selon l'altération. (192b12-16)

    (...)

    Ont une nature tous les étants qui ont un principe de genre. Ces étants sont tous des substances car ce sont des sortes de substrats et la nature est toujours dans un substrat. (192b32-34)

    L'être naturel a donc un principe interne de "mouvement" (qu'il soit mouvement spatial ou bien plus généralement changement qualitatif ou quantitatif). Cela ne s'applique pas qu'aux êtres qui connaissent une "croissance". La pierre a une nature (qui la pousse à tomber vers la terre) et le feu une nature opposée (qui le pousse à s'élever).

    Les commentateurs néo-platoniciens comme Jean Philopon (cf. le survol des Commentateurs antiques) s'étonnent alors que cette définition d'un Principe interne de mouvement (auto-moteur) puisse être le même que celui de l'Âme. Mais c'est qu'ils travaillent avec la définition platonicienne de l'Âme comme "auto-motrice" (Phèdre, Timée et Lois X, 895c-896a). Pour eux, la Nature aristotélicienne serait donc ainsi définie comme l'Âme et cela ne les dérangerait pas s'ils admettent une Âme du Monde qui anime l'univers sans être identique avec l'Intellect divin (Timée 30a -34b). Pour Aristote au contraire, l'Âme n'est bien que la vie et même plus précisément le principe des animaux (forme et être en acte de la matière, "l'entéléchie des corps", De Anima II, 1 contre toutes les définitions étudiées au livre I).

    On peut comparer cette définition de Physique II avec celle de la nature dans Métaphysique Δ, 4, (1014b15-1015a20), où le Philosophe énumère 4 sens traditionnels : (1) la génération de ce qui croît ; (2) le principe immanent de croissance d'un être naturel (par exemple le semence) ; (3) la matière pour un être (qu'il existe par nature ou artificiellement) et (4) la substance composée de forme des êtres naturels. La définition par le mouvement généralise donc surtout le second sens (et en partie le quatrième).

    Puis Aristote affirme qu'on ne peut ni ne doit démontrer que la Nature existe, mais le constater. Il n'est rien de plus "manifeste" qu'il y a des êtres naturels et il compare celui qui prétendrait démontrer par un pur principe l'existence des substances physiques à un aveugle-né qui parlerait des couleurs sans pouvoir les voir (tiens, une préfiguration de l'Argument de Mary sur les Qualia).

    Enfin, Aristote pose un problème à partir de son analogie "technique" si essentielle dès qu'il parle de la Matière et de la Forme (voir son exemple constant de la statue). La Nature va être dite à la fois matière (substrat) et forme, mais principalement forme. Le modèle hylémorphique généralise en partie à partir de l'objet fabriqué. Cependant, une objection semble être que l'artefact fabriqué est peut-être encore plus forme que matière (le lit est en bois mais c'est par la figure qu'il accomplit sa fonction de lit, pas seulement par son matériau). La différence est dans le principe interne de croissance et dans la reproduction : un olivier produit des olives et d'autres oliviers, le lit en bois ne produit par lui-même aucun lit (même si sa matière pouvait faire pousser du bois).

    La différence semble être dans la finalité car l'être vivant a une fin mais il tend aussi à produire ainsi d'autres étants de même forme. Même l'os n'a pas encore sa nature et sa croissance sans une "forme" qui lui donne sa fonction dans l'animal vivant. La Nature sera donc avant tout une "forme" (ou bien une forme comme privation) comme principe interne (cause productive et cause finale).






  • Chapitres 2 : Physique et Mathématique

    On considère souvent qu'une rupture de la Physique moderne galiléenne a été la mathématisation et la mécanisation de la Nature. Mais l'astronomie platonicienne était déjà géométrisée (tout comme l'optique). Même Aristote, qu'on accuse parfois d'une physique trop "qualitative" ou encore pleine de préjugés sensibles dans ses explications, introduit quelques équations générales de mécanique (mais les ingénieurs ou Archimède devaient avoir des modèles déjà plus élaborés).

    La distinction entre les deux se fait contre Platon. La Physique porte sur des substances réelles composées de matière et de forme alors que les Mathématiques portent sur des formes séparées ou abstraites : la ligne, la surface, le volume. Il ne faut pas confondre la sphère réelle du Soleil et la Sphère abstraite du géomètre qui est séparée de toute matière réelle.

    Cela commence toute la polémique qui revient si souvent contre Platon : les Formes mathématiques ne sont pas des substances réelles, seulement des abstractions (Métaphysique Livre I (A), 6-7 ; Livre II (α), 3 & Livres M & N). Les Mathématiques n'ont pas de "substance" complète car elles n'ont que des Formes immatérielles.

    Aristote revient alors à la dualité matière-forme de la nature et à son analogie entre Technique et Nature. Une science ou une technique peut porter sur un objet mais aussi sur son but. Il faut distinguer deux sens du mot but (télos) : le but vers lequel et le but pour lequel. Par exemple, toute technique a un but vers lequel il se dirige (par exemple réussir son oeuvre) et un but pour lequel il accomplit cela (nous et notre intérêt, par exemple). Le charpentier naval doit savoir de quelle matière (par exemple de quel bois) sera telle partie du navire (but vers lequel) mais son vrai but (pour lequel) est l'intérêt du timonier, qui, pour l'efficacité de cette partie, connaît mieux la forme adéquate que sa matière.

    La physique n'a pas à se demander s'il y a ou non une forme séparable de la matirèe. Elle se sert des concepts mais ce sera la philosophie première (et la théologie) qui se demandera s'il peut y avoir des substances immatérielles. Cet argument, qui semble être seulement méthodologique sur la téléologie, annonce donc déjà un autre opposé à la Nature, ce qui dépasseraient les substances sensibles composées (cf. Physique VII-VIII sur le Premier Mouvant Immobile et Métaphysique XII (Λ) sur la substance éternelle).





  • Chapitre 3 & 7 : Les Quatre Explications

    Voir il y a 15 jours sur le chapitre 3. Après la digression sur le Hasard, Aristote revient au chapitre 7 (198a 14-198 b9) à une unification des quatre types d'explication : pour les êtres naturels, on peut distinguer la matière et d'autre part le fait que la forme, le moteur et la finalité coïncident en une seule, la forme de cet étant. La forme comme espèce de la fleur est à la fois sa figure, ce qui lui permet de pousser (mouvement quantitatif) et le but en vue duquel elle pousse (pour transmettre ses graines par exemple), alors que sa matière ne serait que le substrat qui reçoit cette forme.

    La physique (sublunaire) se limite aux êtres changeants et corruptibles (l'astronomie supra-lunaire porte sur les êtres mus mais incorruptibles comme les astres et la théologie porte sur un être qui soit absolument délivré de tout mouvement comme principe et cause finale de tout mouvement). Dans l'être mobile, le principe immobile est "ce en vue de quoi" il se dirige, c'est sa forme (mais le Premier Moteur ne sera pourtant pas la "forme de l'univers", car il est séparé de toute matière et de tout être en puissance).



  • Chapitres 4-5-6 Le Hasard




    Il y a ici un léger problème de traduction car Aristote distingue deux mots grecs, Τύχη et αυτόματον. La traduction classique (par exemple Carteron dans l'édition aux Belles-Lettres) traduit τύχη comme "la Fortune" et l'automaton comme "le hasard", mais la nouvelle traduction Pellegrin traduit le premier par "le hasard" et le second par "spontanéité". Je vais me conformer à l'usage traditionnelle contre Pellegrin car la distinction faite au chapitre 6 me semble bien être entre une heureuse Fortune, "la chance" comme coïncidence entre une intention et un événement et le simple hasard aveugle comme événement aux causes indifférentes (toute fortune est donc une sorte de hasard mais il y a des hasards dont on n'a pas envie de parler comme d'une heureuse fortune). Mais la différence semble assez subjective ou anthropocentrique comme il ne s'agit dans le cas de la Fortune que de notre interprétation de la coïncidence (je voulais rencontrer X et je "tombe sur" X).

    La position d'Aristote est ici un juste milieu qui assure une certaine place au hasard (du moins dans notre Nature sublunaire, pas dans l'ordre astronomique parfait) mais en refusant que le hasard et la fortune puissent être des causes essentielles de l'ordre physique. Il refuse donc le Nécessitarisme attribué à Démocrite (pour qui tout, hormis la création, arriverait par Nécessité) et le "Contingentisme" d'autres atomistes (pour qui tout ordre apparent émerge en fait à partir d'un chaos imprévisible), mais aussi toute conception superstitieuse d'une Fortune "surnaturelle" ou mythologique (par exemple la "Providence" (la cause finale dans les êtres physiques d'Aristote n'impliquant pas un Destin organisé).

    Le Néo-Platonicien Simplicius dans son Commentaire prendra soin de corriger en ajoutant la Tuchè providentielle comme Déesse et Cause divine. La tradition platonicienne et stoïcienne sera en fait bien plus "finaliste" et providentialiste que le sobre Aristote.

    L'argument d'Aristote en faveur du Hasard/Fortune est que dans le monde sublunaire il y a des exceptions et des régularités qui ne valent que la plupart du temps. L'exemple typique en est les "anomalies" et "tératologies", les naissances monstrueuses en biologie. L'homme bipède engendre l'homme bipède mais il peut engendrer parfois des monstres.

    Mais le hasard n'est pas alors une cause essentielle. Ce n'est que par accident que la semence n'a pas produit sa finalité naturelle et qu'elle a raté son but. Il n'y a donc pas à ajouter cet échec de la forme comme une cause à part en plus des quatre autres. Elle ne serait qu'un écart accidentelle entre la forme et la matière en des substances individuelles.


  • Chapitre 8 : Le Hasard et la Finalité

    Après être repassé par la Forme comme Cause Motrice et Finale au chapitre 7, Aristote l'oppose à nouveau aux théories du Hasard et de la Nécessité. C'est la défense du Finalisme par Aristote qui a sans doute eu la plus longue pérennité dans toute son oeuvre, continuant bien après le mécanisme cartésien jusqu'à ce que Darwin perfectionne enfin grâce à la Sélection naturelle une explication qui évoque un peu celle d'Empédocle ou des atomistes.

    Aristote reconnaît d'ailleurs qu'on risque parfois de mal interpréter une cause qui arrive comme si c'était une cause finale : la pluie ne tombe pas pour faire pousser le blé (cause finale) mais c'est grâce à la pluie que le blé peut pousser (cause motrice). La célèbre critique de la finalité à l'époque moderne (par exemple celle que fait Spinoza dans l'appendice de la première partie de l'Ethique) ne fait que généraliser cette précaution contre l'abus de causes finales.

    La solution d'Empédocle semble avoir été, si l'on en croit Aristote, de partir d'une Nature sans loi biologique où les parties se seraient agrégées par pur hasard avant que des formes se stabilisent. Il y aurait donc eu des minotaures monstrueux avant que n'émergent les formes des hommes et des vaches. Il n'y a pas encore d'idée de mutations et de sélection pour expliquer la spéciation, seulement une sorte de mythe du désordre originel avant les espèces.

    L'argument d'Aristote est que cela ne donne pas assez de limites au hasard et n'expliquerait pas assez les régularités biologiques. Il faut que les formes soient nécessaires ou au minimum qu'elles s'appliquent "la plupart du temps" (hôs epi to polu). Le semblable engendre (le plus souvent) le semblable. Même des végétaux sans aucune intention montreraient déjà des fonctions qui impliquent une cause finale : elles produisent des feuilles pour se reproduire et des racines vers le bas pour se nourrir.

    Mais Aristote explique le mutant par une nouvelle comparaison avec l'artifice : l'erreur typographique du copiste (Daniel Dennett se sert de la même comparaison sans cesse dans son livre sur Darwin). Ce qui semble donc le plus manquer à Empédocle comme à Aristote n'est pas l'idée d'un "heureux mutant" par les hasards mais l'idée de la sélection environnementale sur plusieurs générations pour rendre compte de "l'adaptation".

    En passant, dans son Commentaire à la Physique (310), Philopon a une idée assez originale en disant qu'une différence entre art et nature est que l'art pourrait bien chercher à produire des monstres volontairement alors que la nature ne produit le monstre toujours que par accident.

    Aristote reviendra souvent sur les causes finales dans ses oeuvres "zoologiques". Il explique par exemple (Des Parties des animaux III, 1 ; IV, 11 ; Génération des animaux II, 6) que la Nature ne fait jamais "rien en vain" et que ce finalisme fonne une voire plusieurs fonction à différentes parties qui sont réutilisées (mais sans aucune "évolution" possible). Car si Aristote croit à une finalité, il croit aussi que la Nature est déjà "finie", achevée, parfaite. Cela interdit d'ailleurs tout providentialisme de type stoïcien, il n'y a pas d'intervention d'un dessein divin dans notre intérêt.


  • Chapitre 9 : Nécessité et Finalité

    Dans ce court dernier chapitre, Aristote fait une synthèse un peu obscure, même si le but est claire.

    Il distingue ce qui est "absolument nécessaire" et ce qui est nécessaire "ex hypothesi". Il n'est pas absolument nécessaire que la scie existe mais il est nécessaire ex hypothesi pour qu'elle accomplisse sa fin qu'elle soit d'une matière métallique adaptée. C'est donc la fin qui détermine la matière pour les étants naturels et il n'y a qu'une nécessité conditionnelle qui dépend de la forme. La finalité n'implique pas un "programme" mais fonde ici une limitation de la nécessité.
  • Match de démagogie



    Le Président de la République a dit qu'il était plus choqué par les salaires de certains sportifs que par celui du nouveau Président qu'il a nommé à EDF (tout cela parce qu'il y aurait une vingtaine de patrons qui toucheraient plus que les 2 millions d'euros par an).

    J'ai beau avoir une hostilité quasiment irrationnelle contre le concept même de sport professionnel, l'argument me paraît curieusement idiot, même pour celui qui le prononce. Mais il s'agit seulement de détourner l'attention par des propos de comptoir qui puissent paraître plausibles de prime abord.

    Le sportif professionnel ne produit certes aucune "richesse" d'idées ou de biens (sauf pour les publicitaires) mais je ne suis pas certain que ce soit Proglio qui la produise non plus à Véolia-ex-Vivendi-ex-Générale des Eaux (fondée en 1853 sous Napoléon le Petit). Le sportif fait l'objet d'un "marché" du spectacle. Il ne fixe pas son salaire lui-même. Il ne s'augmente pas lui-même de +46,8% comme Proglio par rapport à son prédécesseur Gadonneix (ou de +200% comme le Président de la République actuel). Il ne fixe pas son salaire arbitrairement, indépendamment de ses "performances" réelles ou ne se fondant que sur une opaque "réputation" à l'intérieur d'une clique. Et quand les patrons prétendent que si leur salaire n'évolue pas, ils partiront, on a envie de leur dire de céder à ces sirènes. Il ne semble pas que M. Proglio soit une star convoitée qu'il s'agirait d'augmenter dans une mise aux enchères dans le "Mercato" (certes, M. Carlos Ghosn, devenue une "vedette" des cours de management, pourrait être une des rares exceptions).

    Le seul avantage décisif de Proglio était qu'il était devenu proche du cercle du pouvoir et que le Président de la République ne voulait pas du dauphin interne choisi par Pierre Gadonneix.

    Supermajorité



    Les Démocrates n'ont pas perdu leur majorité au Sénat mais seulement leur "supermajorité" (de 60 sièges sur 100). On peut geindre à présent qu'ils ne peuvent plus rien faire avec seulement 59 sièges sur 100 (dont seulement 53 Sénateurs prêts à soutenir la réforme) mais ce n'est pas comme s'ils en faisaient grand-chose avant.

    Cela dit, le fait que ce soient les électeurs du Massachussetts (qui ont déjà une couverture médicale au niveau de l'Etat) qui détruisent ainsi l'oeuvre du défunt Ted Kennedy est particulièrement cruel.

    vendredi 22 janvier 2010

    Grand Guignol



    Keith Olbermann était souvent déconcertant dans sa rhétorique si pompeuse du temps de ses Philippiques contre Bush. Il semble avoir du mal à trouver son ton depuis la fin du 43e Président.

    Jon Stewart a illustré cette dérive parfois ridicule où Olbermann devient un "O'Reilly de gauche".

    The Daily Show With Jon Stewart
    Mon - Thurs 11p / 10c
    Special Comment - Keith Olbermann's Name-Calling
    www.thedailyshow.com

    Daily Show
    Full Episodes

    Political Humor
    Health Care Crisis


    Mais cela dit, la grandiloquence auto-caricaturale d'Olbermann peut être presque touchante comme dans ce message sur la nouvelle décision des 5 juges conservateurs de la Cour Suprême Citizens United v. F.E.C. (qui permet aux compagnies de donner désormais autant qu'elles le veulent à des candidats). Désormais, la ploutocratie aura les mains libres pour financer n'importe quelle campagne contre un candidat qui ne lui plairait pas (bien sûr ce %!*£$ de Clarence Thomas n'était pas d'accord sur un point avec la majorité, parce qu'il aurait aussi voulu que les dons des entreprises puissent être secrets et anonymes...).






    La comparaison avec le Juge Roger Taney (qui fut à l'origine de la Guerre civile en décrétant qu'un Américain noir n'avait pas les mêmes droits qu'un autre et qu'on pouvait le remettre en esclavage même s'il s'installait dans un Etat ne reconnaissant pas l'esclavage) paraît hyperbolique, comme d'habitude. Et l'expression "Quisling" agace quand elle est utilisée pour un simple lobbyiste.

    J'espère vraiment que le Juge John Paul Stevens va enfin donner sa démission avant que n'arrive un(e) Président(e) républicain(e)...

    Add. Dahlia Lithwick évoque la décision.

    But you can plainly see the weariness in Stevens eyes and hear it in his voice today as he is forced to contend with a legal fiction that has come to life today, a sort of constitutional Frankenstein moment when corporate speech becomes even more compelling than the "voices of the real people" who will be drowned out. Even former Chief Justice William H. Rehnquist once warned that treating corporate spending as the First Amendment equivalent of individual free speech is "to confuse metaphor with reality." Today that metaphor won a very real victory at the Supreme Court.

    jeudi 21 janvier 2010

    Diadoques, Scholarques et Exégètes



    Après l'époque des Royaumes hellénistiques, les grandes écoles philosophiques de Platon (Académie), d'Aristote (Lycée péripatéticien), des Stoïciens, des Sceptiques et des Epicuriens finirent par disparaître au Ie siècle avant notre ère, soit par dissolution interne en courants divers, soit par influences réciproques qui rendaient parfois leurs différences plus floues (les Nouveaux Académiciens étaient des sceptiques et le matérialisme des Stoïciens influença aussi certains Péripatéticiens). Mais le déclin était aussi politique : les deux capitales intellectuelles d'Athènes et d'Alexandrie furent absorbées dans l'Empire romain et les philosophes qui servaient les Rois héritiers d'Alexandre allèrent servir les familles patriciennes romaines (le dernier tyran d'Athènes, Aristion/Athenion, fut soit aristotélicien, soit épicurien).

    L'humanité ne s'est peut-être jamais vraiment remise d'avoir eu deux philosophes fondateurs aussi incroyablement géniaux que Platon et Aristote. Pendant des siècles, la philosophie faillit même se réduire à un débat dans les marges entre ces deux géants. Philosopher n'aurait plus été chercher la vérité que par l'exégèse ou la glose de ces deux oeuvres opposées.

    C'est donc la période des "Grands Commentateurs" (et tout le Moyen-Âge en sera une extension jusqu'à la rupture de Descartes).

    A la fin du IIe siècle de notre ère, sous l'Empereur Septime Sévère, Alexandre d'Aphrodise va faire revivre (à Athènes ou à Alexandrie ?) le commentaire d'Aristote en étant attentif aux différences avec Platon (Alexandre est même qualifié de quasiment "matérialiste", il insiste sur la mortalité de l'âme, l'intellect "matériel" qui reçoit les formes mourant avec le corps alors que l'intellect "producteur" est identifié au Dieu séparé).

    Dans le sens inverse, le mouvement le plus vivant est les Néo-Platoniciens qui commentent aussi Aristote soit pour le critiquer comme une version simple d'introduction à Platon, soit au contraire dans la théorie dite "concordataire", pour montrer que le Stagyrite ne pouvait qu'être d'accord avec son maître.

  • Retour à Platon à Rome


  • Au IIIe siècle, le Néo-Platonisme est surtout à Rome même avec notamment Plotin (204-270, il avait été formé à Alexandrie) puis le Phénicien Porphyre (234-305). Ces Néo-Platoniciens n'allaient pas encore jusqu'à la théorie de "l'accord secret" entre Platon et Aristote (Aristote étant jugé toujours comme une approximation inférieure à son maître), mais Porphyre se montrait parfois aussi un "Néo-Aristotélicien" en même temps qu'un Néo-Platonicien (c'est l'Isagogè, "Introduction aux Catégories" par Porphyre qui va introduire toute la logique pendant des siècles, poser le premier le problème médiéval des Universaux et c'est son Arbre qui sera projeté ensuite rétrospectivement sur Aristote, malgré les écarts). Plotin et Porphyre vénèrent Platon mais ils ne vont pas encore jusqu'au mysticisme "sectaire" de ce qui va devenir ensuite le Néo-Platonisme.

  • Les Génies du paganisme


  • En effet, dans sa lutte contre les Chrétiens et surtout contre leurs frères ennemis les Gnostiques, qui mélangeaient hardiment Christianisme et diverses "révélations" sacrées (Orphisme, Pythagorisme, Oracles chaldéens, Hermétisme magique alexandrin), le Néo-Platonisme après Porphyre va évoluer dans une direction nettement plus religieuse. Porphyre va donc lutter sur deux fronts, contre le Christianisme qui commence à devenir dominant et contre son élève syrien Jamblique (245-325), qui est directement influencé par les pratiques supersitieuses dans le culte aux divers dieux, anges, démons et demi-dieux (la "Théurgie", qui va aussi influencer le Christianisme via le Pseudo-Denys l'Aréopagite). Jamblique, plein des Mystères des Temples égyptien, tire la théorie de l'Intuition intellectuelle vers une Inspiration supra-rationnelle. L'Un de Plotin et de Porphyre va être accompagné de myriades d'émanations et divinités.

    C'est un Athénien qui se disait disciple de Jamblique, Plutarque (350-430 - pas le célèbre écrivain prêtre d'Apollon du Ier siècle), qui refonde "l'Académie" dans la cité d'origine cinq siècles après sa disparition.

    Il faut dire que le contexte avait pu paraître plus favorable avec l'arrivée du dernier Empereur païen Julien (dit "l'Apostat"), qui retenta vainement une ultime restauration du Polythéisme en 355-363 avant de périr en Perse.

    Les persécutions des polythéistes reprennent vite et la mathématicienne Hypatia, exécutée à Alexandrie en 415 (et qui est le sujet du film Agora) en sera une première martyr (et quelques années après, l'un des derniers Empereurs, Anthemius, polythéiste en privé, n'osera même plus imiter Julien dans son espoir de Restauration face au pouvoir chrétien).

    Alors que l'Empire romain d'Occident s'écroule au Ve siècle, la seconde Académie d'Athènes est dirigée par Proclus le "Diadoque" (412-485), prêtre de la Déesse Athéna, qui écrivit les plus célèbres commentaires de Platon. Lorsque le Temple d'Athéna est fermé, Proclus fait alors le rêve que son enseignement sera le dernier sanctuaire des idoles (et on pense que le Pseudo-Denys qui introduisit les hiérarchies angéliques et la théologie négative aurait été un disciple de Proclus).

  • Le Crépuscule des Exégètes


  • En 515, c'est à nouveau un Syrien, Damascius (458-538) qui va devenir le dernier "Scholarque" de l'Académie et à cette époque Ammonius (440-520) dirige l'école à Alexandrie.

    Les Néo-Platoniciens vont fournir à cette époque deux des commentateurs les plus importants à la Physique d'Aristote : Simplicius (490-560) à Athènes et Jean Philopon (490-570). Ils ne se sont pas connus personnellement mais ils se sont affrontés par leurs écrits.

    Simplicius, élève de Damascius, est essentiel par ses citations nombreuses d'auteurs anciens que nous aurions perdus sans ses gloses. Il a tendance à replatoniser Aristote et à se montrer condescendant contre les "ignorants" (sc. les Chrétiens) qui décèlent une contradiction entre les deux philosophes. Dès qu'Aristote polémique contre Platon (et même contre Parménide), Aristote a simplement manqué de clarté ou bien ce n'est que dans un usage didactique pour préparer à la doctrine plus ésotérique de Platon [c'est un peu le parti inverse de celui de Werner Jaeger dans Aristoteles: Grundlegung einer Geschichte seiner Entwicklung pour qui Aristote n'est platonicien que dans les passages où il n'a pas encore atteint sa maturité].

    Jean Philopon a l'originalité d'être un Chrétien, qui va donc rompre avec les autres Commentateurs et cette singularité en fait aussi un critique d'Aristote bien plus radicale, qui propose notamment une défense du vide et une théorie de la force qui dépasse la "dunamis" aristotélicienne et est considérée comme importante dans le développement de la mécanique médiévale et galiléenne. Philopon révise aussi la théorie aristotélicienne de la Matière en remplaçant la "matière première" inconnaissable (pure "puissance") par un corps étendu, tri-dimensionnel (inspiré de concepts stoïciens). Contrairement aux Néo-Platoniciens de la période, il n'essaye pas de lisser les conflits entre Aristote et les "Amis des Idées".

    En 529, Jean Philopon rend public sa rupture avec les "Philosophes". Il publie une réfutation Contre Proclus sur l'éternité du monde, pour défendre la nécessité rationnelle d'une Création, et la même année l'Empereur Justinien intensifie les persécutions contre les polythéistes (qui étaient déjà interdits de nombreux postes) et ferme définitivement la nouvelle Académie d'Athènes (qui n'avait donc été refondée que depuis un siècle).

    Simplicius et Damascius s'enfuient pour un temps vers l'Empire perse et Philopon passera de la philosophie vers la théologie chrétienne (ses écrits seront interdits après sa mort pour "Trithéisme" dans sa lecture de la Trinité). C'est chez le Roi sassanide Chosroès que Simplicius rédige son Commentaire à la Physique et ses réponses polémiques contre Philopon (le Shāh mazdéiste dénonce alors dans des lettres les persécutions contre les religions anciennes - il était lui-même le fils du Roi-Philosophe mazdakiste Kavadh).

    Certains ont imaginé toute une Odyssée des manuscrits grecs d'Athènes vers l'Orient (et retour ensuite vers l'Occident). Des Néo-Platoniciens seraient ensuite allés vers Carrhae (Harran, Syrie) où ils auraient influencé la religion sabéenne astrolâtre, mais les données sont très fragiles (surtout si certains Néo-Platoniciens revinrent ensuite vers l'Empire byzantin et ne restèrent pas à la Cour des Rois perses).

    dimanche 17 janvier 2010

    La Seconde Guerre des Emissions Vespérales



    Un des rares éléments de la culture américaine qui n'ait pas passé l'Atlantique et qui ne soit pas directement une part de notre culture mondialisée (à part certains sports comme le base-ball, qui ne marche guère qu'au Japon) est leur vedette de télévision Johnny Carson (1925-2005). Cet humoriste présenta sur NBC pendant 30 ans (1962-1992) une émission quotidienne d'interviews, le Tonight Show (de 23h30 à 0h30 en gros). A partir de 1982, l'émission fut suivie d'une émission, Late Night présentée par David Letterman (né en 1947).

    En 1992, lorsque Johnny Carson prit sa retraite éclata la Première "Guerre des Talk Shows" du soir. Un des comparses, Jay Leno (né en 1950) fut choisi par NBC à la place de David Letterman pour remplacer Carson (alors que celui aurait préféré Letterman). Amer de ne pas avoir obtenu le Tonight Show, Letterman claqua la porte de NBC et partit créer le Late Show sur CBS à la même heure que le Tonight Show de Jay Leno. Un ancien scénariste de Saturday Night Live et des Simpsons, Conan O'Brien (né en 1963) reprit le Late Night Show à l'emplacement laissé par David Letterman.

    La nouvelle guerre des Talk Shows a éclaté récemment. Jay Leno avait promis publiquement en 2004 qu'il confierait son émission à Conan O'Brien cinq ans après.




    En mai 2009, Jay Leno reçut une nouvelle émission sur NBC (appelée de manière très imaginative le Jay Leno Show) plus tôt, à 22h, et Conan O'Brien succéda donc à Leno en juin 2009.

    Mais depuis janvier 2010, l'échec de l'émission de Leno en prime time poussa les producteurs de NBC à lui rendre son ancien emplacement à 11h30 tout en repoussant le Tonight Show de Conan O'Brien à minuit. Conan O'Brien a refusé cette nouvelle marginalisation et a commencé à attaquer directement la chaîne.

    TV Gawker a quelques extraits des attaques que les émissions ont sur les différents participants (la plus violente a été celle de Jimmy Kimmel pendant que Jay Leno l'interviewait). L'audience de Jay Leno semble un peu plus "âgée" que celle d'O'Brien, ce qui expliqueen partie que l'opinion en ligne prenne si largement parti pour ce dernier (qui prétend que toute la responsabilité retombe seulement sur NBC).

    Mais cela reste moins divertissant que le grand pugilat entre Jon Stewart, Stephen Colbert et Conan O'Brien (pour occuper les émissions pendant la Grève des Scénaristes de 2008).

    Quantification de l'omnipotence



    Un Dominicain à Haïti :

    Grâce à Dieu nous n’avons pas subi la pluie dans ces circonstances.

    Remise à jour du CV de Dieu :

    Arrêter un séisme de magnitude 7 dans une large concentration urbaine : quelques rudiments
    Empêcher des précipitations ensuite : EXPERT

    Je ne veux pas dire, mais Poséidon (Ebranleur des Terres et Dieu des Océans) me paraît avoir un porte-feuille plus varié que cette divinité unique.

    mardi 12 janvier 2010

    Mardi, Aristote cause toujours



    Rappel : 1 Introduction et Plan de la Physique, 2 Introduction au Livre I sur les Principes, 3 Plan de Physique I, 2-9, 4 I, 9 Le principe de la matière


  • Rappel sur les Eléments, les Principes et les Causes

    Nous sommes maintenant prêts à passer du livre I sur les Principes (forme, privation de forme, matière) à la théorie des Causes. Ce livre II va en effet arriver à la définition de la Nature et poser en même temps une théorie de l'explication (causale mais aussi finale). On remarque que le Livre I n'avait pas jugé utile de définir la Nature, peut-être parce que la notion des Principes seraient en fait plus générale que l'opposition de la Physique (du Changeant) et des Mathématiques ou de la Théologie (de l'Immuable).

    Le texte "théologique" de Métaphysique XII (Λ), 4-5 (qui commence la démonstration du "Premier Moteur") reviendra d'ailleurs sur la question de savoir si les Principes et les Causes sont ou non les mêmes pour toutes les substances, sensibles ou "séparées" (la solution est qu'elles sont dites être "les mêmes", mais "par analogie").

    Le vocabulaire y sera légèrement différent de la Physique dans le rapport entre les concepts d'éléments et de principes. Aristote y parle (Λ, 4, 1070 b 25) de trois "éléments" (hulè, eidos, stérèsis) mais de quatre principes qui sont la forme, la matière, la privation et la cause motrice (je suis ici le commentaire de Tricot volume II p. 656 ; la Physique parle de quatre causes qui seront la cause formelle, la cause matérielle, la cause motrice et la cause finale).

    Mais quiconque lit Aristote sait que les listes qu'il aime énumérer ne sont pas toujours exhaustives (sans aller jusqu'à l'hypothèse étrange de Pierre Aubenque dans Le Problème de l'être chez Aristote pour qui il n'y a de droit aucune liste définitve des catégories de l'être) et que toute cette terminologie peut se modifier.

    Avec la Nature et son être en devenir, on introduit donc deux causes plus particulières pour analyser l'articulation des formes spécifiques (ou de leur privation) à un substrat matériel : le "moteur" et la "fin", ce qui met en mouvement et ce qui est visé (sachant que pour les êtres naturels vivants, la finalité va en fait dépendre de la forme spécifique, ce qui permettrait une réduction des causes biologiques à la matière et à la forme).





  • La définition des quatre Causes (αἰτία)

    Je vais à nouveau aller dans le désordre en commençant par le concept de Cause, défini au chapitre II. Dans son lexique philosophique en Métaphysique Livre V (Δ), 2, qui reprend presque intégralement Physique II, 3, 194b 25-195a 25, Aristote donne l'ordre suivant pour les quatre types de cause :

    • (1) la matière. Le bronze est la cause de la statue de bronze.
    • (2) la forme ou le "modèle" qui définit quelque chose. Le rapport numérique de 2 à 1 est la cause de l'octave.
    • (3) le principe premier du changement ou du repos. L'agent est cause de l'action, le père est cause de l'enfant.
    • (4) La fin. La santé est la cause pour laquelle on se promenait.
    Le "modèle" dont il est question dans le sens (2) est un terme qui évoque le "paradigme" chez Platon (le fait que les Idées-Formes sont les Causes des apparences sensibles) mais Aristote utilise le terme sans reprendre l'idée que ce modèle serait "séparé" des choses singulières. Le même être ou événement peut avoir plusieurs causes. La statue a la cause matérielle (le bronze) et la cause productive motrice (le sculpteur). Le fait que les sens (3) "principe du changement" et (4) "ce en vue de quoi" soient opposés implique des ambiguïtés. L'effort est cause (motrice) du fait de bien se porter et la santé est cause (finale) de l'effort. De manière générale, le "bien" dans ses divers sens (bien se porter, être bien, le plaisir, le bonheur, etc.) est la Fin des êtres en mouvement.




  • Liste de Modalités (tropoi) des Causes

    Le système des Quatre Causes est l'élément principal de l'étiologie aristotélicienne mais on peut ajouter une seconde typologie ou analytique des causes, qu'on ne retrouve pas vraiment par la suite et qui est un peu plus obscure dans ses allusions au langage.

    Le problème logique est de savoir "compter" les causes. La statue a une cause matérielle qui est le bronze mais aussi un métal (le genre du bronze) et une cause productive qui est l'individu singulier "Polyclète" ou bien une forme spécifique plus indéterminée, "un Statuaire" ou bien un genre encore plus abstrait, "un homme", voire "un animal".

    Aristote a donc posé ici un problème logique qui ressemble à ce qu'on appellerait aujourd'hui le caractère "intensionnel" (avec un "s") de la cause. L'intensionnalité est la propriété qu'a un terme qui ne peut pas être remplacé dans tous les contextes par une autre terme qui est pourtant attribué de manière vraie au premier. Par exemple, on pourrait dire qu'il est "essentiel" à une statue fondue d'être "de métal" mais pas de "ce morceau de bronze" ou à l'inverse que ce serait par accident que le genre (un artiste) a produit cette oeuvre (ce dernier exemple me paraît très peu clair comme Aristote dit ensuite que "Polyclète" serait équivalent à "le statuaire Polyclète").

    L'argument peut paraître curieux si on se dit qu'il serait plus essentiel à cette statue d'être de Polyclète que d'être d'un statuaire en général. Mais ce n'est que par un accident que Polyclète a produit cette statue (dans le sens où il a la puissance de ne pas la produire) alors qu'il est essentiel au statuaire de faire une statue.

    D'après un modèle de Polyclète

    De même, après cette distinction modale sur la définition (essence/accident), Aristote applique aussi la distinction fondamentale entre l'être en acte et l'être en puissance. Le constructeur en train de construire est "cause productive" en acte mais le même constructeur avant la production n'était "cause productive" qu'en puissance.

    Toutes ces causes sont au nombre de six, dites chacune de deux manières,
    A. elles sont dites (1) soit comme le particulier, (2) soit comme le genre, (3) soit comme l'accident, (4) soit comme le genre de l'accident, (5) soit comme ceux-ci combinés, (6) soit absolument ;
    B. d'autre part toutes sont dites selon l'activité et la puissance.
          Physique II, 3, 195b 12-16

    Pour reprendre le commentaire de Pierre Pellegrin & Michel Crubellier à leur édition de la Physique, cela donnerait donc un tableau à double entrées avec les six distinctions essentiel/accidentel et les deux distinctions acte/puissance (Polyclète sculptant, Polyclète capable de sculpter).

    On peut donc donner plusieurs exemples pour illustrer ce système de causes. Une sculpture peut avoir pour cause (1) "un sculpteur" (pour qui il est essentiel de produire une statue) (2) le même "en tant qu'artiste" (genre) (3) "Polyclète" (pour qui il est accidentel de produire une statue) (4) le même "en tant qu'un homme" (le genre de cette cause accidentelle) ; (5) par exemple "le sculpteur Polyclète", combinaison de (1) et (3). Je ne comprends pas en quoi (6) ne revient pas à un des termes entre (1), (2), (3), (4).




  • Plan de Physique II (192b-200b)

    • 1-2 Définition de la Nature
    • 3 Les quatre causes
    • 4-6 Le hasard et la "fortune"
    • 7-8 Retour au système des quatre causes et Finalité
    • 9 La nécessité dans les causes physiques et la Finalité

  • lundi 11 janvier 2010

    Kleptocratie à Clefs



    Dans son article (Libé p. 24), Jacques Rancière fait plusieurs allusions (à Roman Polanski par exemple) mais il y en a une peu plus obscure :

    Récemment un philosophe allemand appelait les riches à se révolter contre la "kleptocratie" fiscale organisée par l'Etat pour servir le vil ressentiment des pauvres. Il appelait les mêmes riches, au nom de la culture noble, au don volontaire. Cette seconde partie du programme risque de susciter moins d'enthousiasme que la première.

    J'ai cru à une exagération de Rancière mais en effet le provocateur "cynique" Peter Sloterdijk a vraiment dit quelque chose qui y ressemble en juin dernier :

    So ist aus der selbstischen und direkten Ausbeutung feudaler Zeiten in der Moderne eine beinahe selbstlose, rechtlich gezügelte Staats-Kleptokratie geworden. Ein moderner Finanzminister ist ein Robin Hood, der den Eid auf die Verfassung geleistet hat. Das Nehmen mit gutem Gewissen, das die öffentliche Hand bezeichnet, rechtfertigt sich, idealtypisch wie pragmatisch, durch seine unverkennbare Nützlichkeit für den sozialen Frieden - um von den übrigen Leistungen des nehmend-gebenden Staats nicht zu reden. Der Korruptionsfaktor hält sich dabei zumeist in mäßigen Grenzen, trotz anderslautenden Hinweisen aus Köln und München. Wer die Gegenprobe zu den hiesigen Zuständen machen möchte, braucht sich nur an die Verhältnisse im postkommunistischen Russland zu erinnern, wo ein Mann ohne Herkunft wie Wladimir Putin sich binnen weniger Dienstjahre an der Spitze des Staates ein Privatvermögen von mehr als zwanzig Milliarden Dollar zusammenstehlen konnte.

    (...)

    Die einzige Macht, die der Plünderung der Zukunft Widerstand leisten könnte, hätte eine sozialpsychologische Neuerfindung der „Gesellschaft“ zur Voraussetzung. Sie wäre nicht weniger als eine Revolution der gebenden Hand. Sie führte zur Abschaffung der Zwangssteuern und zu deren Umwandlung in Geschenke an die Allgemeinheit - ohne dass der öffentliche Bereich deswegen verarmen müsste. Diese thymotische Umwälzung hätte zu zeigen, dass in dem ewigen Widerstreit zwischen Gier und Stolz zuweilen auch der Letztere die Oberhand gewinnen kann.

    La notion de bouleversement "thymotique" à la fin (thymotische Umwälzung, le θυμός est l'ardeur ou courage, qui correspond dans la République de Platon à la Classe militaire) est particulièrement ridicule pour désigner l'espoir du retour d'une Aristocratie chevaleresque pleine d'une générosité magnanime.

    Chez Francis Fukuyama, le "thymos" était le Désir de reconnaissance des Maîtres et le fondement de la société libérale démocratique depuis la "Fin de l'Histoire".

    Mais ici, l'usage est plutôt "libertarien" ou nozickien.

    vendredi 8 janvier 2010

    L'avenir de l'agrégation



    Je ne croyais pas que cela irait si vite mais dans l'exposé limpide de Nicolas Holzschuch, on voit qu'un des effets dès septembre 2010 de la réforme des Concours de recrutement est que les ENS vont sans doute supprimer la préparation aux Agrégations.

    Le Directeur de l'ENS Cachan pense que cela aurait lieu dès l'année prochaine. En effet, il faudra désormais avoir un M2 validé (l'ancien DEA) pour se présenter à l'Agreg (et un M1 pour le CAPES) et les Normaliens suivant un cursus normal sans Congé Sans Traitement n'auront pas tous validé le M2 avant leur quatrième et dernière année.

    La préparation à l'agrégation reviendrait alors aux Universités, ce qui pourrait être une bonne nouvelle pour elles (en plus de quelques bonnes nouvelles pour les Masters Recherche contre les Masters Enseignement).

    J'imagine que cela variera un peu selon les matières. Les Littéraires ont plus besoin de l'Agrégation que les scientifiques, pour qui elle est souvent une sorte de "prix" supplémentaire sur leur CV. Les Normaliens scientifiques parviennent beaucoup plus vers la recherche et le supérieur que leurs collègues littéraires qui ont moins d'options.

    Mais le problème est que les échecs à l'Agrégation sont bien plus nombreux aussi dans les matières littéraires alors que c'est surtout le classement plus que l'obtention qui compte pour les scientifiques.

    vendredi 1 janvier 2010

    Les années Nada ('00's)



    L'ennui avec toutes ces listes de décembre n'est pas la discussion stérile sur ce qui constitue les limites réelles d'une décennie (2000-2009 ou 2001-2010 ?) mais la mémoire courte et la survalorisation du récent. L'avantage d'une liste sur une décennie serait au contraire la piqûre de rappel pour réintroduire de la distance dans nos emportements encore frais en memoire. Je n'échapperai pourtant pas à cette myopie sans relire toute ma bibliothèque de bd. Tant pis, je vais quand même poster en espérant que je n'aurais pas à réviser trop souvent cette note improvisée. Je ne mettrai pas de bd européennes car j'en lis trop peu (en gros, seulement Andreas et récemment un peu de Léo) pour qu'une sélection soit pertinente.

    Mes comics favoris des années Zéro :

    Promethea d'Alan Moore et J.H. Williams (1999-2005) : l'histoire d'une jeune fille qui s'initie à la magie et une exploration graphique du concept rebattu de récit de formation. La Kabbale continue à me paraître une métaphore un peu "procustéenne" pour l'imaginaire mais Moore réussirait presque à convaincre que tout le charabia occultiste (mélange d'ésotérisme du XIXe siècle avec des gouttes de SF et de Tantra) aurait un sens poétique.

    Top Ten d'Alan Moore et Gene Ha! (1999-2005) : une parodie des histoires policières comme Hill Street Police Blues dans une ville où tout le monde a des superpouvoirs. Oh, je ne vais pas non plus mettre tout Alan Moore, même s'il domine de très loin cette partie traditionnelle du medium (tous les autres comics ABC comme Tom Strong furent réussis aussi).

    Summer Blonde d'Adrian Tomine (2002, publié dans Optic Nerve #5-8, 1998-2001) : toute l'acidité de Dan Clowes mais avec une maîtrise supérieure et plus d'émotions authentiques (par ailleurs, la dernière bonne bd de Dan Clowes date de David Boring avant 2000, son récent Death Ray dans Eightball #23 étant complètement vide de toute émotion). La suite, Shortcomings (2004-2007), est curieusement sans doute plus sincère et pourtant contaminée par tout un discours sur l'identité raciale.

    Y: The Last Man de Brian K. Vaughan et Pia Guerra (2002-2008) : sur un concept de départ qui pourrait être de mauvais goût (tous les humains mâles meurent sauf un, thème déjà vu dans Le Grand Manque de Godard et Ribera en 1989), un road comic picaresque sur les rôles sexuels. En revanche, il faudra un jour qu'on m'explique l'obsession américaine sur Houdini et le Bondage et son rapport avec les comics. Je ne mets pas Ex Machina du même scénariste, qui a d'excellents moments mais aussi de longs passages à vide.

    Fables de Bill Willingham et Mark Buckingham (2002- ...) : le meilleur comic de chez Vertigo depuis la fin de Sandman. Les êtres des Contes de fée ont fui leur dimension et ont immigré sous diverses formes dans notre univers. L'occasion de construire de multiples récits sur la structure même des récits traditionnels et de nos propres attentes. Le héros est le Grand Méchant Loup, qui a eu sa rédemption et est amoureux de Blanche-Neige, une des autorités politiques de ces "Fables" exilées. Le message politique est parfois très lourd (Bill Willingham est un Républicain et il voulait aussi réagir contre ce qu'il considérait comme des présupposés "de gauche" des autres comics Vertigo, il aurait aussi déclaré que Fables est une allégorie post-9/11 sur le Proche-Orient). Quelles que soient ces intentions politiques, il sait aussi raconter de vraies histoires.

    The Legion par Dan Abnett et Andy Lanning (2001-2004) : Abnett & Lanning reçurent l'occasion de relancer la Legion des superhéros dans la version post-reboot. Ils y furent sans doute moins drôles et originaux que dans leurs séries spatiales chez Marvel (Guardians of the Galaxy) mais dans mon souvenir ce fut la dernière fois que la Légion fut intéressante dans cette version "biopunk" assez sombre tout en étant fidèle à l'esprit. Le second reboot (Mark Waid puis brièvement Jim Shooter) s'écroula vite dans son inutilité et on est à présent reparti vers la version pré-reboot modifiée.

    Common Grounds par Troy Hickman (2004) : une mini-série sur un Café où viennent discuter des superhéros et supervilains (tout combat y est interdit, c'est un terrain neutre sous peine d'être interdit de consommation). Une jolie utilisation d'un Genre fait pour le mélodrame, pour réviser le dialogue sur la banalité. Plus touchant souvent que la plupart des épisodes d'Astro-City de Kurt Busiek qui a inventé ce mélange de réalisme urbain et de superhéros.

    52 (auteurs divers dont Keith Giffen, Geoff Johns, Grant Morrison, Greg Rucka, Mark Waid) fut une expérience d'un comic-book hebdomadaire (2006-2007). Le résultat final fut inégal mais il y eut de bons moments, hélas gâchés par le nullissime Countdown qui tenta d'imiter la formule l'année suivante.

    Legion of 3 Worlds de Geoff Johns et George Pérez (2008-2009). Cela me gênerait presque de mettre du Geoff Johns, le scénariste le plus représentatif et le plus coupables des années Zéro dans leur survalorisation de la Nostalgie (en réaction contre les années 90's, qu'on appelle parfoi "l'Âge de Fer", qui furent celle de la Violence destructrice contre les traditions). Mais cette bd est presque l'archétype de cette esthétique : incompréhensible si vous n'avez pas une connaissance approfondie de la Continuité, délicieuse dans ses myriades de détails auto-référentiels si vous arrivez à voir les allusions à l'histoire de la Légion des superhéros depuis 51 ans. C'est donc un condensé ou une synthèse de tout ce genre, avec ses douzaines de personnages par cases. En revanche, cela ne sauve pas les autres titres incompréhensibles liés à Final Crisis.

    Logicomix d'Apostolos Doxiadis, Christos Papadimitriou et dessins de Alecos Papadatos (2009) raconte la vie de Bertrand Russell dans l'opposition entre Certitude Logique et Folie. L'idée de la bd est que la Folie a plus à voir dans la remise en cause des principes ultimes que dans d'autres branches du savoir. Lord Russell croise donc de nombreux cinglés plus ou moins exagérés (Cantor, Frege, Wittgenstein, Gödel). La thèse est excessive et parfois les auteurs semblent vouloir projeter trop d'éléments à la fois sans rapport avec le sujet (ainsi toute une méditation sur les Euménides et le tragique). Ma scène favorite est celle où Russell crée une école "moderne" fondée sur la liberté (qui échoue complètement) et où Wittgenstein est chassé pour mauvais traitements pour avoir battu des enfants, dans un échec éducatif symétrique. En passant, toutes les listes que je trouve ont mis le soporifique Louis Riel comme bd de la décennie mais Logicomix m'a paru vraiment plus intéressant.

    Asterios Polyp de David Mazzucchelli (2009) : un roman graphique impressionnant sur un architecte, Monsieur Polyp (son nom grec a eu une élision). Je ne crois pas que les multiples thèmes du roman s'imbriquent si bien que cela et l'auteur ne connaît sans doute pas assez l'architecture pour dépasser des poncifs sur l'idée de "structure". Mais l'idée la plus brillante est d'utiliser une diversité de styles graphiques différents pour représenter les différences entre les points de vue des personnages.

    Les films que je pourrais revoir avec plaisir (mais je sors trop peu pour que la liste soit représentative d'autre chose que du hasard de ce que j'allais voir) : Memento (2000), Being John Malkovich (2000), Requiem for a Dream (2000), Gosford Park (2001), The Royal Tenenbaums (2001), La stanza del figlio (2001), Être et avoir (2002), Dogville (2003), My Life Without Me (2003), Before Sunset (2004), Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004), Garden State (2004), The World / Shìjiè (2004), Le Goût du thé / Cha no aji (2004), Das Leben der Anderen (2006), Little Miss Sunshine (2006), El Laberinto del Fauno (2006), Children of Men (2006), Le scaphandre et le papillon (2007).

    Oui, aucun dessin animé, curieusement, alors que je crois toujours en théorie que le medium serait plus ample que le cinéma classique mais je ne me souviens pas d'avoir envie de revoir un Pixar/Dreamworks/Miyazaki.

    L'énigme du 1er janvier



    Comme il l'avait fait en décembre 2006, Emmanuel nous provoque au 105e Quiz Impossible du King William's College.

    Je crois trouver seulement une demi-douzaine de réponses, 6,7 ; 6, 10 ; 8, 1 (allusion à un exemple de chimère impossible chez Aristote dans l'Organon qui a ensuite désigné une antilope réelle) ; 17, 2 (dunce) 17,8 (rastafarian) ; peut-être 10,1 (Saint Etienne, j'imagine) et 10,7 (particulièrement mémorable parce que le ministre français fut en fait tué par la police dans sa panique et non par l'assassin - un argument à étudier pour les complots de JFK).

    Je ne vois hélas pas du tout 5,8 sur Voltaire (cela ne peut pas être de La Barre ou un truc de ce genre comme la question parle d'une "allusion" et d'un "peloton d'exécution").

    Oh, et si 10, 8 est vraiment "Socrate", le Quiz a peut-être tort. Georges Dumézil a critiqué cette interprétation commune (voir Nietzsche) de Phédon ("Criton, nous devons un coq à Esculape") dans son article "Sur les dernières paroles de Socrate" : Socrate veut dire que c'est l'ignorance de Criton qui était l'infirmité qui a été guérie, pas sa propre vie. Il ne considère donc pas toute vie comme une maladie dont la ciguë serait le remède.