lundi 6 décembre 2010

DCB sur DSK


On peut reprocher ce qu'on veut au libéral-libertaire écologiste Daniel Cohn-Bendit, mais ses interventions publiques n'ont souvent rien à voir avec celles des hommes politiques français. Il est indéniable que c'est rafraichissant. Les autres préfacent leur propos par "Je ne fais pas de langue de bois" et se contredisent généralement aussitôt. Cohn-Bendit parle un peu plus comme un commentateur assez franc, sans tomber dans la brutalité démagogique. 

Hier, dans l'interview de DCB sur France Inter, on lui demande qui il soutiendrait pour les Primaires socialistes et on s'attend à ce qu'il fasse la non-réponse ennuyeuse prévisible (c'est une affaire interne au PS, ce n'est pas mon problème puisque je soutiens la candidature d'Eva Joly pour le premier tour) mais il accorde aussitôt, contre tous les usages, que la candidature verte n'étant qu'un témoignage pour des places gouvernementales, il importe en effet de savoir qui ce sera entre les hiérarques socialistes.

Il dit qu'il a soutenu Ségolène Royal en 2007 mais qu'il le regrette à présent parce qu'il pense que son idéologie est trop contradictoire et peut même être trop "nationaliste" à son goût (je ne me souviens plus à quel "dérapage" il peut faire référence dans ses propos, la défense du Service national ?). Il dit qu'il pense que DSK serait le meilleur candidat face au Président sortant (qu'il continue à trouver très difficile à battre malgré son bilan). Il ajoute que DSK est certes trop à droite mais qu'il vaut mieux un candidat de compromis qui gagne qu'un candidat plus satisfaisant qui redonne 5 ans de plus de la kleptocratie des Hauts de Seine. Il en parle donc comme d'une option d'un débat d'idée : un social-démocrate libéral contre un démagogue qui dit tout et son contraire. 

J'ai voté pour DSK aux primaires internes en novembre 2006 parce que je craignais que Royal ne soit décevante malgré ses sondages. Je crois pourtant que je ne revoterais pas pour lui aujourd'hui et que Royal a raison de le limiter à une position de premier-ministrable car je l'imagine mal faire campagne en Province. Le problème n'est pas seulement l'image du FMI dans une partie de la population ou bien l'image de DSK comme ami du CAC40 à gros cigares. 

DSK peut être un bon candidat de deuxième tour face au Président actuel mais je crains vraiment qu'il contribue à démobiliser une grande partie de la gauche, qui le considérera vraiment comme une sorte de "Sarkozysme light". Il se peut même qu'il fasse fuir une partie de l'électorat populaire vers le populisme de droite. Si même un social-démocrate pas particulièrement révolutionnaire comme moi ai cette perception, je crois à une multiplication de candidatures à sa gauche sans gains sur la candidature de Bayrou (ou le 1% de Morin). 

Le score de premier tour de Badinguet reste relativement élevé pour l'instant malgré sa popularité en berne et même s'il ne récupérera pas tous les électeurs lepenistes de 2007. Le risque d'un second tour Marine Le Pen-Badinguet n'est pas complètement éteint. DSK est très élevé dans les sondages parce qu'il est loin mais le pays a assez changé pour que les affaires de moeurs ou les souvenirs d'affaires de financement seules puissent suffire à le "chabaniser" en 2012 (Chaban-Delmas était donné largement gagnant dans les sondages comme gaulliste social contre Giscard et Mitterrand, avant que le pompidolien Chirac ne le trahisse, que les élections de 74 ne commencent et qu'on s'aperçoive qu'il avait réussi à bénéficier légalement d'une dispense d'impôts). C'est d'ailleurs le calcul de Badinguet, nous refaire à peu près la même chose qu'en 2007 avec un candidat de l'opposition populaire dans les sondages et qui s'effondre en campagne.

Je ne comprends toujours pas vraiment pourquoi il faut faire ces primaires et pourquoi la secrétaire du principal Parti de l'opposition n'en est pas automatiquement la candidate officielle comme dans un pays parlementaire (il est vrai que sans la promesse des Primaires, le combat pour diriger le Parti aurait été plus violent). 

Mais j'imagine que sans ces Primaires qui imitent le processus italien (octobre 2005, où le démocrate-chrétien Romano Prodi avait été choisi comme leader de l'Union de l'Olivier allant des centristes aux ex-communistes), il y aurait multiplication de petites candidatures idiotes comme celle de Taubira en 2002.

On dit que Martine Aubry ne décolle pas dans les sondages et qu'elle aurait déjà accepté intérieurement de soutenir DSK. Cela pourrait rendre les choses plus ouvertes quand on verra la différence entre les électeurs réels se déplaçant aux Primaires (il n'y aura pas besoin de carte, il faudra seulement signer une "déclaration qu'on est de gauche") et les sondages. 

Mais même si DSK est le candidat choisi et même s'il ne s'effondre pas, il déjugera aussitôt le programme qu'il n'assumera pas, et les diverses promesses d'Aubry, ce qui ouvrira à nouveau la voie à la guerre civile et à de nouvelles candidatures. Mélenchon doit presque espérer que ce sera lui car il attirera alors un score plus important. 

6 commentaires:

maruku a dit…

"Je ne comprends toujours pas [...] pourquoi la secrétaire du principal Parti de l'opposition n'en est pas automatiquement la candidate officielle comme dans un pays parlementaire".
Elle n'est d'ailleurs pas membre du Parlement pas plus que les deux autres principaux candidats socialistes ce qui en dit long sur le fait que la France n'est plus du tout un pays parlementaire mais une sorte de démocratie plébiscitaire.
Et la gauche n'est pas très bien armée pour réussir dans ce type de régime.

Phersv a dit…

Oui, cela traduit que la carrière législative semble moins prisée que la gestion régionale et les fiefs locaux (et le vrai enfer est le Parlement européen qui n'est plus guère qu'une sorte de retraite ou de limogeage aux yeux des politiques ambitieux, en dehors de quelques petits partis qui y apprécient la proportionnelle).

Martine Aubry n'a pas entièrement choisi, elle n'a pas fini d'ailleurs de payer le fait qu'elle ait été battue en juin 2002 dans la foulée des Présidentielles (elle n'avait d'ailleurs exercé le mandat législatif que peu de temps, seulement en juin 1997 avant de devenir ministre). Elle s'est entièrement reconcentrée sur la gestion municipale mais peut-être pas complètement volontairement.

DSK n'a démissionné de son poste de député de Sarcelles qu'en novembre 2007 quand il est devenu Directeur du FMI.

A part les passages au gouvernement, Royal est restée députée de 1988 à 2007. Royal s'est concentrée sur son poste de Présidente de région seulement en 2007 pour être en accord avec son programme et ne plus cumuler le siège de députée.

Anonyme a dit…

Si le premier secrétaire était le candidat naturel cela simplifierait les choses, certes, mais étant données les incertitudes sur la légitimité de l'élection d'Aubry, cela aurait aussi conduit à une rupture de Royal avec les instances et peut-être même à une scission du parti. Pour l'instant, les apparences d'une règle collective sont respectées. Mais si Royal remonte dans les sondages, on risque de voir les partisans de DSK rejeter brusquement le mécanisme de désignation démocratique (la manière dont ils ont réagi à la proposition de Royal montre à quel point ils n'ont aucune intention de se plier à la discipline commune si les événements tournaient à leur désavantage). Royal aura certainement la tentation d'y aller toute seule (surtout si le vote était serré et/ou litigieux) mais bizarrement je la sens trop attachée à la légitimité référendaire des primaires pour rompre maintenant. Quant à Aubry, elle triomphera peut-être si ces deux adversaires s'épuisent dans des stratégies stériles symétriques de "désir" et de faux "suspens". On peut même voir émerger un candidat surprise. L'idéal serait d'avoir maintenant un débat d'idées pendant un an avant de trancher peu avant l'élection, mais il y a peu d'idées et DSK n'y est pas pret (alors qu'il paraît presque avoir choisi ses affiches de premier tour selon le Canard enchaîné...)
Goodtime.

Phersv a dit…

Le problème du débat d'idées est qu'on a une sorte de séparation entre les programmes (décidés de manière collégiale par une partie de la majorité du parti) et ensuite la sélection des individus.

Royal et surtout DSK décrédibiliseront le programme après leur sélection, en disant qu'il n'était pas réaliste et qu'il ne les engage pas, comme l'a fait Royal après 2007 quand elle a dit qu'elle n'y croyait pas du tout.

Je ne vois pas à quel candidat surprise on peut penser maintenant. Fabius ne fera pas mieux qu'en 2007. Hollande a l'air encore aussi agonisant que Jospin. Dans le courant jospiniste, Delanoë semble avoir admis qu'il ne ferait pas un bon score hors de Paris.

Anonyme a dit…

Parce que la seule question qui semble légitime, est quel est le plus sûr moyen de bouter celui dont le nom ne doit pas être prononcé hors du champ politique qu'il a justement transformé en tabula rasa programmatique. Ce lieu du politique ne semble plus fertile qu'aux personnalités; la prééminence du scrutin présidentiel, décidé par le Villepin de la gauche qu'a été en la circonstance Jospin, n'arrange rien à l'affaire. Ne pas réfléchir quand il faut appuyer sur le bouton "off". Ou bien rire avec cette amie du NPA de la perspective rêvée d'une droite au carré avec celui dont le nom ne doit pas être prononcé, légitimé dans le simple vacillement d'un culbuto.

Anonyme a dit…

Quand je lis ce que j'écris, je crois bien que je est un autre (crétin). Mais pour revenir à DSK, quelles promesses hors son credo (social)-democrate voudriez-vous qu'il fasse ? Il ne s'est pas gêné pour approuver la réforme des retraites telle que préparé par Woerth. jJ ne l'imagine guère faisant du soft-mélanchonisme...