samedi 7 juin 2008

D&D 4



Ca y est, la 4e édition du plus célèbre jeu de rôle, Dungeons and Dragons est sortie (et la traduction française du premier volume sort en même temps chez Play Factory !). Je vais un peu me répéter.

Pour fêter cela, Wizards of the Coast organise un nouveau D&d Worldwide Game Day aujourd'hui (mais je crois que je vais rester à la maison pour écouter l'interview d'Alan Moore sur France Culture aujourd'hui de 14h15 à 15h, même si c'est consultable en différé).

La 4e édition change beaucoup de choses et on ne peut pas l'accuser de s'être contentée d'un simple "dépoussiérage". Au contraire, le jeu se transforme si profondément sur certains aspects qu'on peut parfois se demander s'il y a encore vraie compatibilité ou continuité de l'atmosphère. Je n'ai toujours pas essayé D&D3, donc je ne suis pas très attiré par D&D4. Ce n'est qu'une question de goût, mais je n'aime pas tellement l'aspect tactique ou vraiment "ludiste" de gestion des ressources et d'optimisation des choix stratégiques dans les Jeux de société, or D&D4 renforce encore cela.

Les bons côtés que je vois pour l'instant sont surtout l'abandon de certaines vaches sacrées comme la Magie Vancienne (dans D&D1,2,3, les Magiciens et les Prêtres apprenaient X sorts qu'on ne peut lancer qu'une fois par jour dans le jeu, à présent certains pouvoirs n'ont qu'une utilisation par scène de combat, ce qui va changer complètement le rythme des parties).

Une simplification dont tout le monde se félicite est celle des Compétences et des Dons (Feats) qui prenaient trop de temps à être sélectionnés et à se combiner en jeu.

Mais d'un autre côté, les pouvoirs spéciaux me paraissent vraiment trop conduire à une sorte de distance de "méta-jeu" où on se rappelle sans cesse que ce n'est qu'un jeu et où on doit administrer des pouvoirs spéciaux en des "Combos" optimales (mais c'est un reproche qu'on pourrait aussi faire même à un jeu narrativiste abstrait comme mon cher Heroquest).

Les points de vie énormes continuent à conduire à des combats qui me semblent trop longs et avec trop d'écarts entre les différents membres possibles. Je comprends bien qu'on veuille laisser leur chance aux joueurs de se désengager, mais la longueur des combats me rebute vraiment (même si D&D4 prétend accélérer les choses pour l'instant par rapport à toutes les options tactiques de D&D3).

D&D4 va suivre un nouveau modèle commercial. D&D3 avait une règle de base puis des options et des livres spécialisés pour chaque classe. D&D4 aura un nouveau recueil général de Player's chaque année, ce qui doit fidéliser un lectorat à acheter toutes les nouvelles options au lieu de sélectionner des livrets particuliers. Le Player's a maintenant les Objets magiques et toutes les règles qui étaient dans le DMG, ce qui rend ce dernier vraiment très, très optionnel.

Là où le modèle me repousse violemment (et j'espère que ce n'est pas qu'un préjugé technophobe) est l'idée d'extension en-ligne par abonnement. On n'est pas contraint de prendre les add-ons en ligne mais le simple fait de savoir que la version papier n'est qu'un support incomplet pour aller en ligne m'interdit déjà de l'acheter.

L'impression de D&D4 après un premier survol est qu'il est vraiment une "base" élémentaire vide. Les sorts me paraissent curieusement peu nombreux par rapport aux pléthores des éditions précédentes. Les rituels magiques sont de toute évidence un système fait pour être ensuite étendus dans d'autres livres. D&D a toujours donné une illusion d'exhaustivité ou d'encyclopédie qui ne saute pas vraiment aux yeux ici où on a plus l'impression d'une caisse à outils faite pour être développée.

Enfin, il y a des vaches sacrées dont l'abandon me gêne un peu tant il met fin à une tradition. On a jeté les Neuf Alignements (la combinaison de Loyal/Neutre/Chaos et Bon/Neutre/Mauvais). En un sens, je suis d'accord que tout le monde pense que les Neuf Alignements étaient une "bizarrerie" de D&D, mais cela faisait justement partie de l'identité du jeu (ce qui n'interdisait pas d'abandonner les idées associées les plus discutables comme les Langues d'Alignement d'AD&D première édition : tous les Chaotiques Mauvais y sauraient communiquer entre eux par une sorte de code Chaotique Mauvais...).

Bien sûr, rien n'interdit de changer cela, mais ce n'est pas qu'un détail. L'opposition entre Chaotique Mauvais et Loyal Mauvais (tout comme la dérive des Loyaux Neutres vers le Loyal Mauvais, ou les Elfes chaotiques bons) était fondamentale dans le cosmologie de D&D et ce n'est désormais plus qu'un artefact de règles du passé. Tous les Plans de D&D correspondaient à ces 9 alignements et cela va donc être révisé.

Les Classes différentes ne me gênent pas vraiment. Le Players comprend : Cleric, Fighter, Paladin, Ranger, Rogue, Warlock, Warlord et Wizard. J'ai seulement un petit problème avec le fait que Warlock ou Warlord n'ont pas de sens très clair sans explication et que je ne comprends pas bien l'organisation très tactique en Leader, Defender, Striker et Controler. Le Barde et le Druide viendront vite dans des suppléments et je ne regrette pas les classes comme le Barbare, le Moine ou l'Assassin . Mais plus que jamais les classes sont définies par leur fonction pour le Dungeoncrawling et le combat (le Rogue est défini comme un "Striker", chargé de frapper avec des dégats et de se replier derrière le Defender qu'est le Fighter).

De même, l'abandon dans les Races du Gnome ne me fait rien (j'aurais même volontiers abandonné les Halflings !), si on ne tenait pas à ajouter des races aussi inutiles que les Eladrins (à quoi servent-ils alors qu'il y a encore des Elfes ?) et les Tieflings. Oh, et je suis même fan des sauriens dans le genre des Dragonborns, qui manquaient effectivement comme race de base comme on le voyait dans la plupart des imitations de D&D. Le défaut est qu'ils vont devoir changer tous leurs univers pour y développer ces nouveaux gadgets (je ne pense pas qu'ils aient besoin de détruire les Gnomes pour autant).

Pour résumer :

  • Plus : moins de Compétences et de Dons (pour l'instant), des pouvoirs plus souples, les Dragonborns.
  • Moins : trop de ruptures avec des conventions de D&D comme les alignements, des races gadgets inutiles comme les Eladrins, des classes trop adaptées uniquement pour le dungeoncrawling, la dépendance vis-à-vis de l'abonnement en ligne, enfin et surtout une évolution de D&D dans une direction encore plus ludiste contre l'axe simulationniste ou le narrativisme.


  • Le bilan me paraît donc globalement négatif (mais c'est surtout mon anti-ludisme) et je n'achèterai pas D&D4, même au prix modique en ce moment de 22 Euros.

    2 commentaires:

    Samuel a dit…

    La « dérivé ludiste » n'est-elle pas inévitable dans la mesure ou D&D est LE système de JdR repris par les jeux en ligne ou plus largement les jeux informatiques ? (je viens de réinstaller Neverwinter Night 2 pour me défouler les longues soirées solitaires à Châlons après les sessions marathons d'oraux) :-)

    Phersv a dit…

    Oui, ça a l'air raisonnable du point de vue commercial d'attirer les fans de WoW qui sont bien plus nombreux que les fans de jdr autour-d'une-table. Il faut que les joueurs de WoW retrouvent certains aspects auxquels ils sont habitués.

    D'un autre côté, on pourrait faire l'argument que les jeux informatiques pourront toujours mieux gérer l'aspect tactique et qu'en allant dans cette direction (l'abonnement aux suppléments en ligne), le jdr commet une erreur.

    D&D fait le pari que les joueurs voudront plus de cartes en relief et de figurines, ce qui fera la différence avec les MMORPG.

    On peut bien sûr faire du roleplay avec la 4e édition (et il n'y a pas besoin de règles pour le roleplay) et D&D a toujours valorisé le Dungeoncrawling, mais la présentation du système assume encore plus une orientation vers l'optimisation dans le combat.