lundi 19 novembre 2007

Les rois des étoiles



L'auteur de pulps Edmond Hamilton (1904-1977) était l'un de mes auteurs favoris quand j'étais enfant. Sa fiction est prévisible mais il a créé de nombreux concepts de récits que je trouve fascinants. C'est notamment lui qui a créé Captain Future dans les années 40 (devenu Capitaine Flam dans le dessin animé japonais). Il avait créé certaines des premières histoires de la Légion des superhéros au XXXe siècle (il faisait d'ailleurs l'erreur parfois de dire XXIe siècle au lieu de XXXe). C'est lui qui a écrit ces histoires où Superman se retrouve comme un Kryptonien sans pouvoir à l'intérieur de la Bouteille de Kandor et adopte alors le nom plus batmanien de Nightwing, décrit comme l'équivalent kryptonien de la chauve-souris.

Et surtout c'est lui qui a écrit une des plus belles histoires de wish-fulfilment, Star Kings (1949, traduit Les rois des étoiles en français chez Hachette, 1951 puis Opta, 1968).

Le héros est un humain normal, monsieur Tout-le-Monde, John Gordon, cadre d'assurance. Un jour, il se réveille dans le corps d'un Prince d'un Empire futur du XXIIe siècle, Zarth Arn - je ne sais pourquoi le prince du lointain futur a un nom qui sonne typiquement étrusque (mais cela influença sans doute aussi le navet italien de 1979 Starcrash, où le vilain a le même nom).

{intermède comique : le Comte Zarth et son vaisseau si peu aérodynamique}


Le Prince Zarth Arn est, comme l'Empereur Claude (auteur des Tyrrhenica sur les étrusques, justement), un érudit et historien plus qu'un politique et s'intéresse à l'histoire du XXe siècle, mais comme les machines à voyager dans le temps n'existent pas, il a envoyé son esprit dans le corps de John Gordon pour étudier son époque de l'intérieur (il doit trop croire les théorie du Verstehen par Einfühlung de Dilthey).

Mais soudain une Guerre intergalactique éclate et le malheureux John Gordon, qui occupe le corps de l'héritier de l'Empire Galactique, se retrouve au coeur des intrigues cosmiques et tombe amoureux d'une Princesse, qui comme toutes les Princesses depuis Zorro ne comprend pas pourquoi elle est soudain attirée par ce Zarth Arn si peu agréable d'habitude.

Oui, Edmund Hamilton imite très clairement le célèbre The Prisoner of Zenda (1894) d'Anthony Hope, où Rudolf Rassendyl était enlevé pour prendre la place de son cousin le roi Rudolf de Ruritanie. Mais la subtilité est ici que John Gordon n'est pas un frère jumeau comme le Masque de Fer, ou un simple Sosie du Roi (comme dans le célèbre The Prince and the Pauper de Mark Twain, 1881), il occupe littéralement son corps (ce qui rappelle strictement ici l'origine du conte de Twain dans l'échange des consciences dans le texte de Locke, Essay on Human Understanding, 1690, II, 27).

Jamais depuis que l'enfant Billy Batson est devenu Captain Marvel, on n'avait de manière aussi transparente transformé un Monsieur Tout-le-Monde en héros. Le thème de l'homme de notre époque projeté dans l'avenir est un cliché de la SF depuis au moins Mercier ou Buck Rogers, mais l'intérêt est ici la dualité entre son esprit et son corps. Il est à tout point de vue aux yeux des autres un homme du futur et ce n'est que subjectivement qu'il est du côté du lecteur du XXe siècle.

Hélas, la suite de 1970, Retour aux étoiles, abandonne le principe du voyage dans la conscience et John Gordon arrive dans le futur dans son vrai corps, ce que je trouve moins intéressant. [On retrouve le même concept d'un nerd terrien qui accomplit ses fantasmes et change de corps dans un autre monde dans la célèbre BD de Richard Corben, Den]

Mais j'ignorais avant aujourd'hui qu'il y a eu encore une autre suite ! Hamilton avait épousé en 1946 l'écrivaine Leigh Brackett (qu'on considère d'ailleurs comme supérieur en de nombreux points littéraires à son mari).

En même temps qu'Hamilton inventait John Gordon, Brackett créa Eric John Stark, un mélange ingénieux dans le genre "sword & planet" de deux créations différentes de Burroughs : Tarzan (l'Anglais qui est un surhomme élevé chez les Singes) et John Carter (l'Américain qui est un surhomme sur la planète Mars).

Stark est un Terrien abandonné sur la planète Mercure et élevé par les indigènes mercuriens, ce qui explique sa peau noire, basanée sur la planète qu'on croyait alors avec une face restant la même face au Soleil. Découvert par les humains, Stark devient un aventurier sur Mars et sur Vénus, une sorte de John Carter en un peu moins colonialiste. Bien que décrit comme noir dans les textes, le héros est toujours dessiné comme blanc et blond sur toutes les illustations de l'époque.



Hamilton et Brackett ont tenté d'écrire une suite collaborative au titre très assonnant, Stark & the Star Kings, où le héros de Brackett se retrouve dans l'univers des Rois de Hamilton, mais la raison pour laquelle le récit n'a jamais été publié avant 2005 dans une grosse anthologie qui comprend toutes les histoires des deux, est assez claire : ils n'ont pas été très inspirés par la fusion de leurs deux univers, ce qui est dommage. Mais j'en viens à rêver d'un grand crossover où Curtis Newton (Captain Future), Starwolf, John Gordon, Eric John Stark et les autres se rencontreraient.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai lu ce livre il y a très longtemps, et c'est mon meilleur, avec la suite LE RETOUR.
Mais vos photos ne sont pas les mêmes que mes livres.

JALNA